vendredi 6 juin 2008

La Source thermale d'Akitsu


C’est un film en costumes. C’est un film en couleurs. C’est le centième film de l’actrice Mariko Okada. C’est leur rencontre entre eux deux, une rencontre fructueuse qui va les emmener à travailler souvent ensemble, et plus si affinités. C’est Mariko qui produit ce film et qui en fait les costumes, cela s’appelle La Source thermale d’Akitsu et c’est un film sublime.
C’est surtout un mélodrame, un vrai, un pur, un beau qui se déroule sur près de deux décennies et qui va mettre à l’épreuve la passion réciproque mais contradictoire de Shinko (Mariko, donc) et Shusaku Kawamoto (Hiroyuki Nagato). Ils se rencontrent quelques semaines avant la fin de la guerre. L’Empereur n’a pas encore capitulé. Lui est malade, il est soldat, il se traîne. Une femme O-Tami (Sumiko Hidaka) lui donne comme conseil d’aller se faire soigner dans les bonnes eaux de la source thermale d’Akitsu. Ce qu’il va faire. Il y rencontre Shinko qui tient l’auberge. Elle est jeune, elle a 17 ans et ils tombent amoureux l’un de l’autre. Enfin, tout cela est un peu plus compliqué comme va nous le démontrer de manière magistrale la mise en scène de Yoshida.
Shusaku quitte Akitsu. Il n’est plus malade. Il part en ville. Il devient alcoolique, il pense à Shinko et va la voir dans sa campagne. C’est une autre époque, les soldats américains sont là, ils amènent leur modernité, leur nouveauté, leurs mœurs, mais Shinko ne bouge pas. Elle reste la même avec son kimono traditionnel et propose à Shusaku le rituel du double suicide. Ils vont au bord de la rivière et se préparent à se noyer. Mais Shinko sait nager, Shinsaku sort des cordes de son manteau pour se lier et plonger. Devant le ridicule de la scène, ils se mettent à éclater de rire. Yoshida dédramatise la scène. Du cliché, il fait une scène comique dans une volonté de faire exploser le genre mélodramatique.
La musique a une grande importance dans le film. Elle est composée par Hikaru Hayashi. Son omniprésence donne un effet inattendu. On y entend des violons larmoyants voire mièvres qui soulignent l’effet mélo puis souvent la partition atteint une gravité quasi insoutenable pour le spectateur qui annonce un élément purement dramatique. On y est pris au ventre, on sait que l’on va entrer dans une phase de malentendu entre les deux protagonistes. On sait que c’est à ce moment là que les décisions qu’ils vont prendre ne seront pas bonnes et qu’elles vont aller à l’encontre de leur bonheur.
L’essentiel de la mise en scène de Yoshida est de filmer son actrice et héroïne. Il la filme sous toutes les coutures dans de superbes travellings à travers la campagne japonaise où les cerisiers sont en fleurs. Ses kimonos évoquent sa condition de femme de l’ancien temps, d’avant guerre et les années 1950 puis 1960 n’entameront en rien sa passion interdite pour Shusaku qui, entre temps, s’est marié et a eu une fille. Leurs scènes communes sont pour la plupart filmées dans l’auberge que tient Shinko. Les portes coulissantes sont autant de barreaux qui l’enferment dans une prison. Les champs contrechamps sont filmés à deux personnages mais un des personnages est filmé de dos.
Le drame de Shinko est qu’elle ne rend pas compte qu’elle est en train de sombrer. Elle va perdre son sourire et sa joie de vie au fur et à mesure que sa déception augmente. Elle va se mettre à boire alors que lui s’est arrêté, elle va se mettre à fumer, puis elle n’aura presque plus figure humaine. Ses cheveux seront défaits, son sourire éteint. C’est tragique mais c’est sublime.
La Source thermale d’Akitsu (秋津温泉, Japon, 1962) Un film de Yoshishige Yoshida avec Mariko Okada, Hiroyuki Nagato, Sumiko Hidaka.

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