samedi 26 juillet 2008

All the wrong clues + All the wrong spies

Deux fleurons de la comédie policière en costumes made in CCC. Le premier réalisé par Tsui Hark (un de ses trois films encore inédits en France) et le deuxième par Teddy Robin. Ce dernier en est aussi l’acteur principal. L’homme est totalement inconnu chez nous mais a fait les beaux jours du cinéma dans les années 1970 et 1980. Il a été le leader d’un des groupes les plus populaires de Hong Kong. Teddy Robin est un acteur au physique particulier. Il est de petite taille, légèrement bossu et a une voix nasillarde reconnaissable entre mille. Il fait partie de cette race d’acteurs au physique ingrat et qui fonctionne en duo, ici avec George Lam.

La CCC cherchait à concurrencer la Golden Harvest sur son propre terrain, celui de la comédie non-sensique. Chacune des deux compagnies avait son propre vivier d’acteurs, là la bande à Jackie Chan et Sammo Hung, ici celle de Karl Maka et Eric Tsang, et au milieu les frères Hui. Quand Michael Hui décide de jouer en solo (pour la Golden), Samuel file à la CCC pour faire les Aces go places (Mad mission) avec le succès que l’on sait. George Lam porte des lunettes et une moustache comme Michael Hui, Eric Tsang se prend pour Sammo Hung et Samuel Hui nous fait du Jackie Chan. Mais chaque fois, la Golden Harvest gagne sur la CCC grâce à la construction habile des scénarios.

All the wrong clues (tous les mauvais indices) se passe dans les années 1930, mais Tsui Hark en admirateur de cette période n’inscrit pourtant pas le film dans l’Histoire, contrairement à Shanghai Blues par exemple. L’inspecteur Robin lutte contre la mafia personnifiée par Karl Maka qui joue un parrain ricanant et grimaçant. Son crâne chauve est utilisé comme une métaphore du mal. Dans son repaire, les murs sont couverts de photos de sa tête prise de dos. C’est le mal sans visage, invisible, un masque qui illustre les triades qui agissent cachées. Comme souvent Karl Maka ridiculise son personnage jusqu’à l’excès.

Les autres acteurs ne sont pas en reste. La scène avec Eric Tsang est typique de l’hystérisation de la mise en scène de Tsui Hark. Dans le bureau du détective Yoyo (George Lam), Tsang propose un personnage de fou furieux qui hurle et se met à casser tout le décor. All the wrong clues sera ainsi souvent sur la corde raide entre la violence absurde et la comédie burlesque.

Le personnage de George Lam sera celui du clown lunaire qui est pris dans une histoire qui ne le concerne pas. En l’occurrence, il tombe dans les griffes des femmes et notamment dans celles de l’épouse du parrain mafieux. Ce qui est plus intéressant que l’histoire est de constater que Tsui Hark semble expérimenter ici certains plans tordus. Il filme de manière oblique, il décadre, il monte ses plans très cut. Bref il fait du Tsui Hark mais sur un scénario dont il semble éperdument se moquer. On remarque certains gags et certaines images qui seront reprises dans Zu les guerriers de la montagne magique. All the wrong clues est un brouillon, un essai.

All the wrong spies est de facture bien différente. Teddy Robin prend le relais de Tsui Hark et filme de manière très classe, très élaborée, très esthétique. Robin soigne les décors et les costumes quand Tsui Hark se contentait de filmer sur des murs nus ses acteurs avec des chapeaux mous. C’est une vraie surprise que de découvrir All the wrong spies. L’image est très soignée mais le scénario reste tout aussi farfelu.

Cette fois, nous sommes en 1938 et Yoyo (toujours George Lam) doit trouver les plans d’une bombe atomique confectionnés par des nazis. Il aura affaire avec le chef de la police (Paul Chun) qui lui met des bâtons dans les roues. Il va trouver appui sur l’inspecteur Robin qui manie toujours aussi bien les armes. Puis arrive la beauté fatale incarnée par Brigitte Lin qui va semer le trouble dans le cœur des deux hommes. Et surtout créer quelques quiproquos sentimentaux dont le cinéma de Hong Kong a la recette. Brigitte Lin avait déjà derrière une trentaine de films depuis dix ans, mais son talent explose avec ce film et aussi avec Zu les guerriers de la montagne magique sorti un mois plus tôt à Hong Kong. Seulement voilà, à l’époque personne n’est allé voir Zu et All the wrong spies a été un très gros succès public.

La référence première de Teddy Robin est Casablanca de Michael Curtiz qu’il pille et parodie allégrement. Il y a pire comme référence. On y retrouve la scène des hymnes nationaux (ici les Japonais remplacent les Allemands), celle du piano « play it again Sam » où le pianiste met un vieux disque 78 tours qui est rayé et bien entendu le final à l’aéroport.
Tsui Hark apparaît dans un second rôle marquant, celui de l’ambassadeur du Japon. Il en fait des tonnes comme tous les autres acteurs. Le film est très drôle, bien plus que All the wrong clues. Ces films marquent sans aucun doute l’apothéose de la CCC, mais la compagnie aura ensuite du mal à se renouveler et atteindre les sommets que la Golden Harvest tournera en 1983 : Le Marin des Mers de Chine et les Lucky stars.

All the wrong clues (…for the right solution) (鬼马智多星, Hong Kong, 1981) Un film de Tsui Hark avec Teddy Robin, George Lam, Karl Maka, Kelly Yui, Eric Tsang.
All the wrong spies (我爱夜来香,Hong Kong, 1983) Un film de Teddy Robin avec George Lam, Teddy Robin, Paul Chun, Brigitte Lin, Tsui Hark.

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