dimanche 8 mars 2009

Le Retour des trois soûlards


Par où commencer ? Une carte du monde, puis une carte du Japon. Une main pose une épingle sur un coin au bord de la mer du Japon. Puis la plage apparaît, trois paires de pieds marche sur le sable. Il fait soleil. Ce sont trois étudiants avec des pantalons de hippies. Ils jouent à un jeu. Il faut un peu de mémoire pour comprendre leu jeu. L’un des trois garçons mime l’exécution à bout portant avec un pistolet avec les plus petit des trois. Celui qui est visé essaie de prendre le rictus de l’homme qui va se faire abattre. J’ai compris que cette scène initiale se rapportait à une célèbre photo prise pendant la guerre du Viet Nam. On la voit dans la dernière partie du film.


Une chanson. « le paradis est plein de belles femmes et de délicieux saké », chante cette voix criarde et déformée sur un rythme enfantin. D’où cela peut-il venir ? Un bruit d’avion déchire la bande son. Les trois garçons se mettent à parler avec une voix déformée. Les garçons se baignent. Ils ont laissé leur vêtement sur la plage. Des mains sortent du sol pour prendre les habits des étudiants et poser les leurs à la place. Plan séquence énigmatique où les nuages font de l’ombre aux nuages. Quand les étudiants reviennent, ils sont obligés de s’habiller avec des uniformes coréens. Ils vont au village et sont pris pour « eux ».


« Eux », ce sont les immigrés clandestins qui fuient la dictature coréenne pour aller au Japon. Mais « eux » ne sont pas les bienvenus. Oshima montre des Japonais prêts à dénoncer à la police. Il tente surtout de montrer qu’un Coréen ressemble comme deux gouttes d’eau à un Japonais. Si l’habit fait le moine, l’uniforme de soldat coréen fait le Coréen. A partir du moment où les étudiants sont habillés, ils sont expulsés puis renvoyer au Viet Nam faire la guerre. Oshima signifie le parcours, à la Godard dirais-je pour résumer. Quelques cartons indiquant les lieux suffisent.


Par où continuer ? En reprenant la première scène in extenso. Mais cette fois, les trois étudiants se souviennent (et eux seuls) du reste de l’aventure que les spectateurs ont vu dans la première partie. Et ils vont tenter de modifier l’histoire du film. Ils veulent prendre le pouvoir du récit, mais l’un d’eux est encore attiré par la jeune fille qui les a aidés à s’échapper et finalement leur destin restera à peu près le même. Le Retour des trois soûlards garde son esprit burlesque et c’est très étonnant de réussir à faire rire avec la guerre du Viet Nam et en évoquant le racisme ordinaire. Oshima ne respecte pas la grammaire habituelle de la narration. Cependant la logique est respectée.


L’histoire bégaye, l’histoire se joue toujours, une fois sur le mode comique, une autre fois sur le mode tragique. C’est comme ça que je pourrais voir le film qui réussit à gratter là où ça fait mal. La guerre du Viet Nam est figurée comme une monstruosité qui déforme la vie des peuples d’Asie. Le diaporama final rappelle la scène inaugurale, ces images de guerre si lointaines, l’idée que les Etats-Unis dirigent le monde (la plage du début est une base militaire américaine). Et on se dit que rien n’a changé depuis quarante ans, c’est cela qui donne la gueule de bois.


Le Retour des trois soûlards (帰って来たヨッパライ, Japon, 1968) Un film de Nagisa Oshima avec Kazuhiko Kato, Norihiko Hashida, Osamu Kitayama, Kei Sato, Mako Midori, Masao Adachi, Cha Dei-dang, Hosei Komatsu, Taiji Tonoyama, Rokko Toura, Takashi Ueno, Fumio Watanabe.


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