mardi 22 mai 2012

Master Wong vs Master Wong


La comédie parodique était l’un des genres dégénérés du cinéma cantonais les plus féconds. J’utilise l’imparfait car, aujourd’hui, il ne se produit plus guère de parodie de grands succès populaires, tout juste certains films reprennent la scène la plus référencée et reconnaissable. A ce jour Ip Man de Wilson Yip est le film le plus parodié. Il y a vingt ans, c’était Il était une fois en Chine qui offrait tout un panel de parodies, comme ce film de Lee Lik-chi. Le récit de Master Wong vs Master Wong est lancé par Ah So (Ng Man-tat), disciple de Wong Fei-hung, qui, devenu vieillard, raconte de belles histoires à ses petits enfants. Il fait suite à Once upon a time a hero in China parodie des deux premiers films de la saga de Tsui Hark et Jet Li.

Le légendaire courage de Wong Fei-hung (Alan Tam) est montré dès l’ouverture en quelques saynètes où le héros chinois affronte des ennemis, rend la justice ou délivre un enfant d’un feu. Filmées comme un reportage télé, ces courtes scènes décrivent l’homme comme débordé, peureux et faible. C’est dans ce décalage que se place la parodie de Lee Lik-chi. Ainsi, les dents d’Ah So sont exagérément grandes, déformant le visage de l’acteur. L’autre disciple Ah Wing (Eric Tsang) aide son maître à prouver à la population la force exceptionnelle de Wong Fei-hung : il se déguise en occidental et avec Tante Yee (Teresa Mo) font les bonimenteurs pour vendre leur camelote. On est très loin de l’image donnée par Tsui Hark. Au contraire, ce Wong Fei-hung n’est jamais le maître chez lui, il est soumis aux décisions de ses disciples et de Tante Yee, et puisque Master Wong vs Master Wong est une comédie burlesque, tous les choix faits mènent à des déconvenues gaguesques.

La réputation du médecin fait le tour de la Chine. Justement, il se fait inviter par Tse Yin-kam (Anthony Wong) à Canton. C’est un homme d’affaire véreux mais le médecin ne le découvrira que plus tard. Wong Fei-hung charge Tante Yee de prendre en charge Po Chi Lam, son école de kung-fu, et s’embarque avec So et Wing. Finalement, le trio sera rejoint par Yee qui ne peut pas se séparer de Wong. Là, aussi, la pudeur à laquelle on était habituée a disparu au profit d’une obsession sexuelle de Yee à l’égard du maitre. Ce dernier veut rester incognito et charge Wing de se faire passer pour lui. Sur le quai, l’accueil est faible. Seule Sang Fan-tung (DoDo Cheng) semble l’attendre. C’est une femme exaltée qui cherche à apprendre le kung-fu auprès de Wong Fei-hung. Mais ce sera So qui se fera passer pour lui. Nous en sommes déjà à trois médecins. Puis, plus tard dans le film, Miss Tung se fera, elle aussi, passer pour lui. La rivalité entre les deux femmes va s’accentuer, d’autant que Miss Tung s’amourache du vrai Wong Fei-hung qui se fait passer pour Ah So. Ainsi, elle ne comprend pas la jalousie de Tante Yee puisque les personnages sont intervertis. Ce qui est drôle également est que même eux semblent s’y perdre.

Tous les personnages sont maintenant réunis pour faire leurs facéties. Et puisqu’il faut bien un méchant, ce sera Tse Yin-kam qui donnera du rire sardonique à chaque réplique sous le regard étonné de son assistant qui lui demande chaque fois pourquoi il rit. Le film fera rire si on aime les acteurs qui mouillent la chemise pour faire le show. Anthony Wong, cheveux rasés et lunettes rondes, offre son regard de fou à la Untold story. Ng Man-tat et Eric Tsang rivalisent pour jouer les obsédés sexuels et les idiots. L’une des scènes principales montre un repas offert par Tse Yin-kam dans le but de faire signer un contrat bidon à Wong Fei-hung. Chaque personnage montre sa mauvaise foi, son esprit mesquin et son égoïsme. Des orphelins arrivent à table, Tante Yee les traite comme des voleurs. De jeunes femmes étudiantes sont prises pour des prostituées. Le film joue sur la tromperie et son effet comique : chaque fois, les personnages semblent cocher la mauvaise case, s’égarer dans leur jugement et prendre la mauvaise décision. Tout le comique du film réside dans les contradictions des personnages censés être héroïques mais tous lâches. C’est aussi cela le but d’une parodie comique : mettre à plat tous les clichés et les retourner pour produire un gag.

Master Wong vs Master Wong (黃飛鴻對黃飛鴻, Hong Kong, 1993) Un film de Lee Lik-chi avec Alan Tam, Ng Man-tat, Eric Tsang, DoDo Cheng, Teresa Mo, Anthony Wong, Gabriel Wong, Wong Yat-fei, Yuen Cheung-yan, Wong San, David Wu, Kenny Wong, Joey Leung, Vincent Kok, Ho Chi-moon. 

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