jeudi 26 juillet 2012

Guilty of romance



« Bon, j’y vais » dit tous les matins à sept heures le mari à qui sa femme dévouée tend le chausse-pied puis sa valise. « Bonne journée », lui répond-elle. L’homme ouvre la porte et part au travail. L’épouse se met à genoux, prend les chaussons et les retourne pour qu’à 21 heures, à son retour, quand il ouvre la porte, il puisse les enfiler avant de se faire servir un thé au salon. Ce rituel scande le premier chapitre de Guilty of romance. Et l’inquiétude s’installe progressivement concernant Izumi (Megumi Kagurazaka), cette jeune épouse soumise, silencieuse et bien propre sur elle. On s’inquiète pour son sort, de savoir si le thé est bien au goût de son époux, si les chaussons ont été bien replacés ou si elle lui tend comme il faut sa valise.

Car le film se lance sur une macabre découverte sur laquelle l’inspectrice de police Yoshida (Miki Mizuno) doit enquêter. Dans le quartier des prostituées, un corps a été démembré et reconstitué avec des bouts de mannequins en plastic. Les asticots commencent à salement attaquer la chair putréfiée. Sono Sion s’applique pour donner quelques plans choquants avec ce corps mutilé et pourri. On se demande si ce n’est pas celui de Izumi qui git là après qu’elle aurait être pu tuée par son mari pas très rassurant. Il est écrivain, publie des romans à l’eau de rose où les passions sexuelles sont débridées mais au lit, il ne fait rien. Et Izumi est en train de s’éteindre à petit feu.

Elle s’ennuie et elle décide de prendre un petit boulot au supermarché. Elle fera la promo des saucisses. Sa timidité l’empêche de convaincre les clients de goûter à la saucisse. La scène est un peu démonstrative mais c’est pour mieux la faire contraster avec sa transformation du tout au tout. De femme poupée insipide, elle devient une femme libre et sensuelle. Cela est l’effet magique du sexe. Entre ces deux scènes de vente de saucisses, Izumi rencontre deux femmes indépendantes qui vont lui apprendre à jouir sans entraves et à se décoincer.

Le première est Eri Doi (Chika Uchida) qui l’aborde dans le supermarché et lui propose de gagner plus d’argent en se faisant prendre en photo. Izumi comprendra que ce sont des photos érotiques. Elle aura comme partenaire un jeune et beau gars (Motoki Fukami) répondant au pseudonyme de Maki Martini. Ce dernier lui fera l’amour, sans doute pour la première fois et ça change sa vie. On la retrouve chez elle, entièrement nue, devant son miroir en train de répéter son texte pour le supermarché. Cette belle scène, osée (nudité frontale non floutée sur nos écrans) décrit la naissance  d’une femme. C’est à la fois troublant et terriblement émouvant.

Le changement se prolongera avec la rencontre fortuite encore une fois de Mitsuko (Makoto Togashi). Grande et mince alors qu’Izumi est petite et pulpeuse, les deux femmes vont très bien s’entendre. Mitsuko enseigne la littérature japonaise à l’université. Son activité principale est la prostitution qu’elle pratique de manière très ouverte. Même certains de ses étudiants sont au courant. Sur un fond de musique de Sully, les deux femmes vont longuement discuter de la sexualité dans des dialogues qui trainent un peu en longueur. Ça philosophie sur la liberté du corps, sur les mots qu’il faut libérer. Et puis soudainement, Mitsuko explose. Car finalement le vrai sujet de Guilty of romance semble être la folie pure, aucun des personnages du film n'est sain d'esprit, tous sont cinglés.

Là est sans doute la limite du film de Sono Sion qui menace à chaque séquence où Mitsuko se met en roue libre de tomber dans le plus grand ridicule. Son personnage rappelle celui des femmes dans certains pinku eiga des années 1967-1973, un peu ceux de Yasuzo Masumura – hystérisation des rapports, dialogues hurlés, comportements anormaux et malsains – mais aussi certains films de Yoshishige Yoshida. De beaux plans ponctuent le film (le proxénète, par ailleurs frère de Mitsuko jette des ballons remplis de peinture), des scènes sont terrifiantes (la mère de Mitsuko déclare son dégoût pour ses enfants). En revanche, sur le plan policier, la résolution de l’enquête place le récit dans le Grand-Guignol avec une révélation largement superflue.

Guilty of romance (恋の罪, Japon, 2011) Un film de Sono Sion avec Megumi Kagurazaka, Makoto Togashi, Miki Mizuno, Kazuya Kojima, Motoki Fukami, Chika Uchida,  Kanji Tsuda.

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