mardi 6 novembre 2012

Gung Ho

Parce que les films de Ron Howard depuis quinze ans sont assez affreux, on a un peu oublié ses bons films des années 1980 et ce Gung Ho, joyeuse comédie sociale tournée après Cocoon et Splash. Adepte de Frank Capra dans sa manière de faire de ses scénarios des fables, Ron Howard prenait le pouls d'une nation en pleine crise économique, en plein bouleversement libéral suite aux déréglementations et à la destruction du lien social menés par Ronald Reagan au nom du libéralisme. Gung Ho se déroule dans la ville de Hadleyville, cité imaginaire où le chômage règne et où la menace de la fermeture de l'usine de voitures plane sur la communauté. Le maire a l'idée d'envoyer Hunt Stevenson (Michael Keaton) au Japon. Audrey (Mimi Rogers), sa petite amie, comme ses amis les plus proches comptent sur son intervention.

Sa mission est de convaincre Monsieur Sakamoto (Sô Yamamura), le patron de l'usine automobile Assan (sonorité proche de Nissan qui commençait à s'implanter aux Etats-Unis) de venir reprendre l'activité de la fabrique de Hadleyville. Beau parleur, Hunt arrive dans un pays où il ne comprend pas un traître mot et où personne ne parle anglais. Mais il sait rester cool. En montage alterné, on nous montre comment les cadres d'Assan et notamment Takahara Kazihiro (Gedde Watanabe). Il subit un stage éprouvant : port de rubans de la honte sur sa chemise, coups de cannes à genoux, course au trot dans la rue, hurlements de son supérieur. Il s'agit de brimer son individualisme pour faire corps avec le groupe en formatant l'homme. Le discours de Hunt aux patrons, tous silencieux, est un peu catastrophique dans une forme burlesque. L’Américain rentre chez lui, persuadé d'avoir échouer.

La première partie du film soulève avec beaucoup d'humour les différences entre les Japonais et les Américains. Quand ces premiers arrivent à l'aéroport, ils sont en costumes cravate, un tapis rouge les accueille à la descente d'avion. Immédiatement, ils enlèvent leurs chaussures. Les Américains les imitent. C'est finalement Kazihiro (que Hunt appellera Kazman) qui dirige l'usine. Il décide de nommer Hunt cadre de liaison entre les ouvriers et les cadres, ces derniers pour se présenter lui offrent leur carte de visite. Ensuite, lors du premier jour de travail, Kazahiro impose des exercices matinaux de gymnastique, au grand étonnement des employés. Gung Ho brocarde les habitudes de travail des Japonais mais aussi celles des Américains. Certains fument sur la chaîne de montage, écoute de la musique, prennent des pauses à leur guise. Il est également dénoncé le pouvoir écrasant des syndicats.

Les Japonais veulent façonner les employés à leur mode de fonctionnement et évidemment, les ouvriers se rebellent. Le gros Buster (George Wendt) ira humilier les cadres lors d'un match de baseball. Ce match décrit parfaitement les deux univers qui s'affrontent, les Japonais jouant très sérieusement, les Américains pour s'amuser. Kazahiro pointe le problème de discipline, il estime que l'esprit d'individualité doit s'effacer au profit de l'esprit d'équipe, que les ouvriers doivent travailler pour l'entreprise et non pour eux. Deux exemples sont donnés. Le premier concerne Googie (Rick Overton) qui se blesse à l'usine et qui est amené à l'hôpital. Les Japonais ne comprennent pas pourquoi tous les ouvriers devraient s'arrêter, alors qu'ils ne font que soutenir leur pote. Le deuxième concerne Ito (Rodney Kageyama) dont la femme accouche mais par devoir se croit obligé de rester au travail plutôt que de l'accompagner à la maternité.

Chaque fois, Gung Ho prend soin de bien confronter les deux cultures, de manière parfois caricaturale quand il faut faire rire le spectateur (et on rit beaucoup quand Ron Howard décrit les travers de chacun) et parfois plus subtile quand il s'agit d'installer la tension dans le récit. Si j'ai comparé le cinéma de Ron Howard à celui de Frank Capra, c'est parce que tous les deux ont pu montré que toutes les individualités unies face à l'adversité parvenaient à affronter les problèmes. Ainsi, le patron d'Assan lance un défi aux ouvriers : ils doivent construire en un mois le même nombre de voitures que les ouvriers japonais le feraient. Pour Hunt, il faut convaincre à la foi ses collègues qu'ils peuvent le faire (le sujet favori du cinéma social américain, pousser un peu plus ses limites) et faire admettre à Kazahiro que la méthode américaine est supérieure à la méthode japonaise. Comme je le disais en ouverture, Gung Ho est une jolie fable, plutôt réussie, et bien entendu, Hunt et ses potes gagneront le pari. Et en plus, il deviendra ami avec Kazman. 

Gung Ho (Etats-Unis, 1986) Un film de Ron Howard avec Michael Keaton, Gedde Watanabe, George Wendt, Mimi Rogers, John Turturro, Sô Yamamura, Sab Shimono, Rick Overton, Clint Howard, Jihmi Kennedy, Michelle Johnson, Rodney Kageyama, Rance Howard, Patti Yasuiake, Jerry Tondo.

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