dimanche 11 novembre 2012

Les Huit vertus bafouées


« Vivre est un enfer, mourir est aussi un enfer », clame Shino Ashita (Tetsurô Tanba) alors qu’il se bat sur un pont contre une douzaine d’assaillant qui veulent l’éliminer. Vêtu d’une tunique blanche, aux cheveux longs, Shino le tueur est un samouraï mercenaire qui ne sourit jamais, tout juste un léger rictus se dessine une ou deux fois au coin de ses lèvres. Il ne supporte plus son métier. Il se jette dans la rivière pour se suicider et est secouru par le gang des Scélérats. Plus précisément par deux femmes nues qui tentent de réchauffer son corps au contact de leur peau douce. Dès les cinq premières minutes des Huit vertus bafouées (qui sort en même temps qu’Un amour abusif, déviant et dévergondé dans un coffret HK Vidéo chez Metropolitan), le spectateur a droit à une scène érotique.

Le gang des Scélérats a son siège dans le quartier des prostituées de Yoshiwara dont Hideo Gosha avait évoqué la chute dans Tokyo bordello. Depuis le début de l’ère Edo, le gang a le monopole des maisons closes. Son chef, le redoutable Shirobe Oomon (Tatsuo Endô), vieillard aux cheveux blancs et à l’élocution lente, dirige d’une main de fer ses affaires, sonnant son grelot offert par le shogun lorsqu’un fonctionnaire tente de mettre son nez dans ses affaires. Ce grelot est son signe de pouvoir. Seulement voilà, depuis quelques temps, les maisons de bains et certains restaurants se sont transformés en bordel. Images à l’appui, on découvre de nombreuses femmes nues nettoyer les clients ou leur prodiguer quelques massages. Avec son homme de main, Shirakubi (Goro Ibuki), Oomon décide d’engager Shino pour récupérer l’entière exclusivité de la prostitution.

Shirakubi l’informe que les Scélérats ont renoncé à huit vertus : la piété filiale, la fraternité, la loyauté, la confiance, la politesse, la justice, l’honnêteté et la pudeur. Tandis qu’ils énoncent tout ce à qui il doit renoncer (c’est-à-dire refuser toutes les vertus qu’a un samouraï), on voit à l’image les hommes du gang aux trognes toutes plus patibulaires les unes que les autres, fouetter des femmes dénudées attachées aux poignets et suspendues au plafond. Il suivra un test pour vérifier que Shino peut faire partie du gang, en l’occurrence être le premier à violer une femme attachée avant qu’elle ne soit livrée en pâture à de vieux pervers. Il n’en fera rien et pourra revêtir la toge noire des Scélérats sur lesquels sont imprimés six idéogrammes résumant leur perversion. Sa force mentale comme physique sera d’une grande aide au gang mais Shirakubi se sent floué et fera des reproches sur son comportement.

En tant que film érotique, Les Huit vertus bafouées n’est pas avare de scènes de nudité. Toutes les occasions sont bonnes pour montrer de la chair. Les séquences dans le bordel, où se déroule pratiquement tout le film, sont nombreuses. Elles se battent (nues) contre un ninja. On y découvre les traditions du lieu, notamment le premier de l’an où les filles se lavent (nues) pour souhaiter au maîtres des lieux une bonne année. Elles le font nues et à genoux. Un gang ennemi souhaite défaire celui des Scélérats. Il tend des pièges à Shino. Oomon a décidé de lui confier des gardes du corps. Après un attentat où son fidèle serviteur Himejiro, le seul personnage comique du film, bouffon qui marche en se dandinant, périra dans le feu, les amazones viennent éteindre les flammes. Une fois leur vêtements brûlées, elles se déshabillent, s’aspergent d’eau et passeront le reste du film sans aucun vêtement. Quand la caméra les filme de face, elles cachent leur pubis de leur main. Les amateurs de pinku en auront pour leur argent.

Shino s’est cependant fait beaucoup d’ennemis, y compris au sein du gang des Scélérats. Or, une fois sa mission accomplie, Oomon et Shirakubi décident de s’en débarrasser en le droguant avec de l’opium. Cela donne les deux plus belles séquences du film. La première est érotique. Les prostituées commencent à caresser Shino qui pris sous les effets de l’hallucination les voit gambader au bord de la plage dans un montage en surimpression. Puis, c’est le combat final où le violet immerge le cadre, les plans deviennent obliques. La neige se met à tomber, Shino ne peut plus distinguer les visages des ses adversaires. Les oreilles, bras, têtes traversent le plan, le sang gicle dans tous les sens et les sabres virevoltent dans un flot d’images sublimes. Shino fait connaitre à ses ennemis la seule chose qu’il connait : l’enfer.

Les Huit vertus bafouées (ポルノ時代劇 忘八武士道, Japon, 1973) Un film de Teruo Ishii avec Tetsurô Tanba, Goro Ibuki, Tatsuo Endô, Ryôhei Uchida, Yuriko Hishimi, Keiko Aikawa, Rena Ichinose, Emi Katsura, Ruriko Ikejima, Shiro Kuno.

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