jeudi 28 février 2013

Odyssée mexicaine


Pour prolonger l’analyse sur l’œuvre de Yoshishige Yoshida (et en finir par la même occasion), il faut signaler que les éditions Capricci sortent ce mois de février 2013 un livre du cinéaste sur son séjour au Mexique entre mars 1978 et juillet 1982. Après avoir tourné Beauté de la beauté en Europe et en Egypte, il décide, épuisé, de tourner un film sur un fait historique mettant en scène les relations entre le Mexique et le Japon. Dans les années 1610, le samouraï Hasekura Tsunenaga, converti au christianisme s’installa au Mexique. Il décida de se rendre à Rome en navire pour ouvrir l’empire sur le monde occidental. Entre son départ du Japon et son arrivée sur le vieux continent, la politique du Japon avait changé et l’archipel était en plein isolationnisme.

Vicente Silva devait produire ce film. Homme progressiste (Yoshida et son traducteur Mathieu Capel utilisent le terme de « libéral »), ayant eu une éducation en URSS et en Italie, Silva accueille le cinéaste dans une industrie cinématographique gangrénée par deux maux. Le premier est le pouvoir excessif des syndicats corporatistes qui obligent les productions à engager des membres du syndicat et à respecter les règles, que l’on jugera de fonctionnaires, sur les tournages. Le deuxième mal est la pression économique que fait subir Hollywood au Mexique où les cinéastes viennent tourner, à moindre frais, leurs films « exotiques ». Déjà la délocalisation. Malgré les efforts de Silva et de Yoshida, le film ne se tournera jamais mais le cinéaste japonais reste tout de même là bas quatre ans. Tout comme Eisenstein, 40 ans plus tôt, lors du tournage de Que viva Mexico.

On est très loin d’un récit catastrophe qui aurait pu être l’équivalent littéraire de Lost in La Mancha. A vrai dire, Yoshida consacre peu de pages à la production de son film. Il n’est pas non plus un journal intime, ni une analyse de son œuvre. Il voyage dans le Mexique, fait des rencontres, visite des lieux. En Basse Californie, il découvre des peintures rupestres et s’intéresse à la nature et l’origine de l’art. Il se passionne pour des prisonniers qui jouent une pièce de théâtre. Il s’interroge sur les premiers voyages de Christophe Colomb et sur l’esclavage des Indiens. Il analyse les effets de la Révolution de Zapata. Ses observations sont celles d’un intellectuel qui cite, entre autres, Foucault, Montaigne, Duchamp, Levis-Strauss. Comme dans ses films des années 1970, son analyse foisonnante n’est pas évidente. Pour être honnête, il m’est arrivé d’être un peu perdu dans cette odyssée intellectuelle comme l’auteur s’est égaré dans la production d’un film qui ne s’est jamais fait.

Odyssée mexicaine ; Voyage d’un cinéaste japonais, 1977 – 1982. Un livre de Yoshishige Yoshida publié en 1984 au Japon et en 2013 en France, éditions Capricci, 268 pages, 21 €.

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