mercredi 19 juin 2013

People mountain people sea


A peine sorti de prison, le trentenaire Xiao Qiang tue de deux coups de couteau un chauffeur de taxi moto en pleine montagne. Lao Tie (Chen Jianbin), le frère de la victime est informé par le policier de son village de la mort de son frère. Les indices sont maigres mais on retrouve la trace de Xiao Qiang. Lao Tie va voir la vieille mère du meurtrier qu’elle traite de lâche pour avoir disparu. Rongé par la vengeance, il va demander conseil à son frère charlatan qui lui conseille de suivre son destin. Il quitte, à moto, son village de montagne, sa femme et son petit troupeau de chèvres ; direction une grande ville portuaire où on dit que Xiao se trouve.

Le périple de Lao Tie le mène chez un de ses anciens amis, héroïnomane, qui l’arnaquera avec un complice déguisé en flic. Puis, il retrouve une femme qui s’avère être une de ses anciennes femmes et avec laquelle il a eu un fils. L’homme reste évasif sur ses intentions, taciturne, il se contente de parcourir la ville à la recherche d’indices pour trouver Xiao Qiang. Ce qui frappe plus que cette quête de vengeance est l’extrême pauvreté des quartiers visités. Les maisons sont faites de bric et de broc, les murs sont en bois, des journaux ou des affiches publicitaires servent de tapisserie, la promiscuité est constante, les enfants mangent dans les escaliers, un homme bat sa femme. People mountain people sea montre un environnement de prolétaires qui vivent dans la violence du quotidien.

Lao Tie décide de se faire vengeance lui-même parce qu’il ne croit plus en la justice de son pays. Une scène en début de film le montre contraint d’accepter une forte compensation plutôt que la prison. Chaque mois, le plaignant vient réclamer, avec quelques insultes, son dû. Là, il prend le cochon gras qui devait servir à nourrir sa famille. Loin d’accuser frontalement la justice chinoise, le cinéaste procède par petites touches, donnant très peu d’informations sur les personnes qu’il rencontre et les lieux qu’il traverse. L’absence de dialogues entre Lao Tie et les autres placent ses actions dans une sorte d’énigme. Plutôt que des dialogues, ce sont des monologues que les autres personnages adressent à Lao Tie, souvent des reproches.

La dernière séquence de People mountain people sea est d’une beauté aussi sidérante que sa violence est crue. Après avoir échoué à retrouver Xiao Qiang dans la ville portuaire, Lao Tie apprend que le meurtrier se trouverait dans une mine illégale au nord de sa province. La description de ce lieu tenu comme un camp de prisonniers, avec gardes armés et un dortoir commun fermé à clé la nuit, rappelle Le Fossé de Wang Bing, mais avec plus de précision et de désespoir encore. Toute cette séquence se fait sans dialogue, sans qu’on n’en perde aucun enjeu. Mais, surtout, on tremble devant l’horreur qu’ils vivent tout en s’interrogeant sur la réussite du dessein de Lao Tie. Si le film met un peu de temps à démarrer, il ne cesse de maintenir une tension d’une redoutable efficacité.

People mountain people sea (人山人海, Chine – Hong Kong, 2011) Un film de Cai Shangjun avec Bao Zhenjiang, Chen Jianbin, Tao Hong, Wu Xiubo.

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