Ronny Yu adapte dans Phantom lover le mythe du fantôme de l’opéra. Il faut dire qu’il s’y connaît en film de fantôme puisqu’il tourne ce film juste après ses deux Bride with white hair. Il utilise une nouvelle fois Leslie Cheung dans le grand rôle de l’amant défiguré qui va hanter un théâtre de sa présence.
Il faut cependant signaler que Leslie Cheung n’apparaît que peu dans le film bien qu’il soit en tête d’affiche. De plus, la plupart du temps, il est caché par une longue cape et son visage est à peine visible. Il sera dans toute la deuxième partie du film, celle où il est un fantôme (réel ou non) dans un quasi obscurité. Son personnage, Song Tangping, est celui d’un immense dramaturge, en l’occurrence il interprète Shakespeare et plus précisément Roméo et Juliette.
Le film se déroule en 1936. Une troupe de théâtre sans le sou et sans engagement précis a acquis les ruines d’un théâtre conçu et créé par Song Tangping quelques années auparavant. Le théâtre est aujourd’hui délabré, dans un état pitoyable et les toiles d’araignées ont tout envahi. Un des jeunes acteurs de la troupe, Waiching, aperçoit une ombre puis rencontre l’intendant du lieu qui lui raconte la triste histoire de Song.
Jusqu’alors, Phantom lover était filmé en sépia, pour donner une illusion de noir et blanc. Paradoxalement, le passé est filmé en couleur dans un style flamboyant, bien qu’un peu kitsch, il faut tout de même l’avouer. L’homme raconte cette histoire où Song Tangping jouait Roméo et où une jeune femme de bonne famille venait chaque soir l’écouter. Ils tombèrent amoureux, mais le père de la belle en avait décidé autrement et l’avait promise en mariage à un riche homme d’affaires.
Le soir du mariage, elle n’est plus vierge, le mari veut la répudier. Lui et son père profite de leur colère pour détruire le théâtre de Song en l’incendiant. Le comédien y meurt brûlé vif. La femme en devient folle et croit voir Song Tangping dans le personnage de Waiching.
C’est bien entendu une histoire très romantique et qui s’ancre dans la tradition gothique. Le théâtre, en tant que décor, n’est pas dans la tradition chinoise, il est au contraire issu de l’architecture occidentale avec un dôme de verre. La lumière du film (sépia je le rappelle) est pour beaucoup dans l’atmosphère lugubre du film. En revanche, il y a toujours le problème de la musique. C’est un problème, non pas parce qu’elle est composée de synthé comme dans beaucoup de films de Hong Kong de cette époque (et encore maintenant). Plutôt, la pièce Roméo et Juliette est jouée en chansons. Et elles sont très sirupeuses dans la grande tradiction du slow de la cantopop. Là, le kitsch est assez horripilant, et la douce voix de Leslie Cheung n’y peut rien.
Phantom lover (夜半歌声, Hong Kong, 1995) Un film de Ronny Yu avec Leslie Cheung, Ng Sin-lin, Huang Lei, Lau Lam, Roy Szeto, Tina Lau, Bao Fang, Phillip Kwok, Wong Bing.