lundi 8 octobre 2012

Baby Cart : L'enfant massacre


Une fois les fondements de la série lancés, le spectateur de Baby Cart est en pays connu et Kenji Misumi peut se lancer dans les plus grandes inventions visuelles pour le deuxième épisode tourné la même année que le premier. Les lancements des films de Misumi sont toujours brillants. Ils donnent le ton que vont avoir les films. Dans Baby Cart : L'enfant massacre, c'est encore une fois Itto Ogami qui affronte un membre du clan des Yagyu. En un coup de sabre, il lui fracture le crâne. Un second membre du clan Yagyu se dresse alors sur les épaules du premier. Immédiatement, Ogami brise cette verticalité qui détonne dans un film au cadre si composé, au format scope et où l'horizontalité va prendre tous se droits. Cette manche martiale qu'adoptent les Yagyu est forcément vouée à l'échec. Ogami démontrera sa supériorité tactique en bon nombre de moments. Horizontalité des cadres : les yeux prennent toute la place de l'écran, à la Sergio Leone. Ils deviennent littéralement paysage. Le sabre délimite le champ d'action : un très beau travelling sur la gauche suit le mouvement d'attaque de la main qui porte le sabre, à la lame pour arriver sur l'ennemi à occire.


Tout comme dans Baby Cart : Le sabre de la vengeance, le récit est double. D'abord la poursuite de la veangeance et l'accomplissement d'une mission de justice. D'une certaine manière, le scénario du film ne compte pratiquement plus que pour pièce complémentaire. Il devient, à la façon de procéder d'Hitchcock, simple gimmick. Ogami est toujours et encore poursuivi par les Yagyu. Cette fois, c'est une armée d'amazones emmenée par une femme impitoyable et bien dérangée qui lui livre bataille. La superbe séquence où elles montrent leur force en découpant un guerrier est d'une précision redoutable. Par la grâce d'un montage rapide, elles tranchent une oreille, puis des doigts, le nez et finalement les pieds et bras du combattant. Puis dans l'affrontement avec Ogami dans une forêt et au bord d'un ruisseau, les Amazones guerrières vont tenter de le tuer. Le sang giclera sous le sabre du samouraï. Il est aussi engagé par des tisserands qui ne veulent pas que la formule de teinture d'indigo qu'ils possèdent passe à la concurrence. Ogami combat sur deux fronts. Il devra affronter trois maîtres de guerre. Chacun possède au bout du bras une arme invincible (ou qu'ils croient telle). Ben a une main griffée, Tan une massue et Rai un gantelet de fer. Ces massacres sont aussi désignés comme une jouissance orgasmique : la lame s'enfonce dans le corps et une érection de sang en sort.


Itto Ogami continue sa route avec son fils dans son landau. Ils traversent les paysages tous les deux, sont souvent mal accueillis dans les auberges. On remarquera que dans Baby Cart : L'enfant massacre, c'est Daigoro qui mène l'action. Le film s'ouvre sur son visage et s'achève encore avec son regard de poupon. C'est pour lui que Ogami va se reposer dans une auberge. Puis, après une éprouvante bataille, c'est Daigoro qui sauve son père en allant lui chercher de l'eau et de la nourriture, ce qui le sauve d'une mort certaine. L'enfant n'hésite pas non plus à aider son père à vaincre les ennemis en actionnant lui-même des sabres dissimulés dans son landau. Daigoro est au centre du scénario lorsqu'il se fait enlever par le clan Yagyu. Enfin, il montre aux trois maîtres où ils vont se faire massacrer dans quelques secondes par son père.


Daigoro est tout compte fait la métaphore du spectateur pour qui chaque action est un morceau de bravoure et qui regarde en silence se dérouler les péripéties de son père. Ses réactions sont enregistrées et son plaisir visible. Et c'est sans doute dans cet "épisode" de la série des Baby Cart, épisode le plus connu et le plus beau, le plus montré en public et le plus cité, que l'on ressent ce point de vue du spectateur voyeur. Le récit va à une vitesse folle et ne s'encombre jamais de dialogues inutiles. On se croirait presque dans un film muet, laissant la musique souvent intradiégétique pallier l'absence de paroles et accentuer la tension. Après avoir vaincu tout le monde, de la manière dont il l'entend, son père et lui partent à nouveau affronter les démons humains peuplant son sillage. Et pour le spectateur un nouveau film.


Baby Cart : L’enfant massacre (子連れ狼 三途の川の乳母車, Japon, 1972) Un film de Kenji Misumi avec Tomisaburo Wakayama, Kayo Matsuo, Akiji Kobayashi, Minoru Ohki, Shin Kishida, Shogen Nitta, Kanji Ehata, Katsuhei Matsumoto, Akihiro Tomikawa, Izumi Ayukawan, Kôji Kobayashi, Maki Mizuhara, Ima Masaki, Reiko Kasahara, Yuriko Nishima.

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