vendredi 12 octobre 2012

Like someone in love


Après l’Italie avec le bavard et vain Copie conforme, Abbas Kiarostami poursuit son exil au Japon où le cinéaste iranien place son habituel dispositif à Tokyo pour Like someone in love. Un bar, de nombreux clients, des filles jeunes qui discutent au téléphone, passent de table en table, rient, fument. Et une voix off qui parle au dessus de toute cette cohue. Une engueulade a lieu et même si on n’entend que la voix féminine, on comprend qu’elle cache à son petit ami où elle est pour ne pas le voir débarquer. Elle prétend être dans un café alors qu’elle est dans un autre. Pour prouver qu’elle est bien là et pas ailleurs, il lui demande d’aller compter les carreaux dans les toilettes. Ce garçon est un entêté. Elle décide d’interrompre cette conversation et de couper son téléphone.

Que faire maintenant ? Où Abbas Kiarostami va-t-il emmener son personnage féminin prénommé Akiko (Rin Takanshi) ? Une chose est sûre, elle va prendre le taxi qu’a appelé pour elle Hiroshi (Denden), l’homme qui l’accompagne sans que l’on sache vraiment pourquoi. Like someone in love joue sur l’ambigüité des rapports entre eux deux. Est-il son vieil amant ? Trompe-t-elle son petit ami avec lui ? Kiarostami poursuit son léger suspense avec la destination. Hirsohi veut qu’elle se rende à tel endroit (décidément, une habitude chez les hommes qu’Akiko fréquente) alors que sa grand-mère attend à la gare. Pendant le trajet, elle écoutera tous ses messages in extenso (le spectateur les entend bien qu’elle porte un casque). Ils sont presque tous de sa grand-mère qu’elle regardera de loin, assise dans le taxi tandis que la vieille dame espère voir sa petite fille et discuter avec elle.

Quelques discrètes larmes sur la joue. Puis, la jeune femme s’endort. Le chauffeur de taxi cherche la destination. Takashi Watanabe (Tadashi Okuno), un vieux monsieur l’accueille. Devant la nouvelle attitude d’Akiko, il n’y a plus de doutes, elle est une call girl et Takashi un vieux pervers qui aime les jeune filles. Fatiguée, elle se déshabillera  sans prendre le temps de boire du champagne. Puis le lendemain matin, le vieux monsieur amène la jeune femme à la fac où elle doit passer un examen. Là, le petit ami, Noriaki (Ryo Kase) entre en scène en rejouant la scène du scandale. Puis vient causer avec Watanabe qu’il prend, logiquement, pour le grand-père de sa petite amie. Le fiancé annonce qu’il veut se marier avec Akiko. Cette dernière n’a jamais dit qu’elle est une call girl. Le grand père de convention est de fiction essaie de le convaincre qu’il ne sert à rien de se marier.

A part Noriaki, un gentil garagiste qui va remplacer une courroie à la Volvo qui sert de cadre au trio de personnages dans la seconde moitié, tout le monde s’invente une vie, se met en scène aux yeux des autres. Akiko et Takashi jouent aux rapports familiaux, faisant semblant à la fois devant le jeune homme mais aussi devant la voisine qui elle imagine qu’elle aurait pu se marier avec Monsieur Watanabe. Hors champ, on entend ses reproches par rapport à la voiture garée à tel endroit et qui la gâcherait la vue. Le vieil homme est lui-même un écrivain connu, un inventeur d’histoires. Le titre du film est celui d’une chanson qu’interprète Ella Fitzgerald et appuie sur l’idée d’apparence. Tout comme le ton, à la Woody Allen, de Like someone in love évoque par moment, notamment dans les moments de comédie essentiellement dus aux quiproquos et aux dialogues de sourds face à ces inventions de personnages, donnent au film une légèreté qui avait disparu du cinéma d’Abbas Kiarostami depuis Au travers des oliviers. Mais la légèreté disparaitra dans la scène finale où la réalité reprend le dessus sur le jeu de la relation entre Watanabe et Akiko. Et avec une grande ironie, Kiarostami donne à son film une fin ouverte, les règlements de compte seront hors champ, comme si le spectateur allait devoir inventer la conclusion.

Like someone in love (ライク・サムワン・イン・ラ, Japon – France, 2012) Un film d’Abbas Kiarostami avec Rin Takanashi, Tadashi Okuno, Ryo Kase, Denden, Kouichi Ohori, Mihoko Suzuki, Hiroyuki Kishi.

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