Le
restaurant que tient Hui (Michael Hui) est très loin d’être luxueux. C’est
plutôt un immonde boui-boui aux sièges couvertes de crasse, au personnel impoli
qui vient ranger les baguettes sur la table des consommateurs, qui jette les
détritus sous la table où viennent manger les chiens et, enfin dernier point mais
pas le moindre, aux plats douteux où viennent se baigner les cafards. Seul
attrait : le canard laqué que prépare Hui et dont il garde la recette
secrète et qui enseigne la manière de la déguster : avec les doigts qu’on
pourlèche ensuite. C’est donc dans un lieu catastrophique que s’ouvre Chicken and duck talk, comédie
culinaire où l’accumulation des fautes du restaurateur provoque à la fois un
certain dégoût et un rire, comme si le film procédait à un catalogue de tout ce
qu’il ne faut pas faire dans un restau.
Ce
va devoir affronter Hui se placera sur différentes fronts. Tout d’abord sa
famille. Hui est marié Tammy (Sylvia Chang) avec qui il a un fils désormais
lycéen. Avec sa femme tout va bien encore que Hui est radin et manque d’oublier
l’anniversaire de sa femme. C’est avec la belle-mère (Pak Yan) que ça coince.
Tirée à quatre épingles, elle regrette encore que sa fille ait épousé un homme
qui n’arrive pas à lui donner le confort quotidien. Ainsi, comme on a décrit le
restaurant et tous ses défauts, la belle-mère fait des remarques et des
critiques sur l’appartement de Hui et Tammy : table bancale, vieux frigo,
pas de clim. Chaque meuble manque de se casser et Michael Hui, avec cette mine
contrite – sorte de moue d’enfant pris la main dans le sac – tente de faire
bonne figure. La modernité semble n’être jamais entrée chez Hui.
Cette
modernité constitue la bataille majeure du film. Le film prend d’abord le temps
de bien faire découvrir tous les travers de Hui, y compris dans ses relations
avec ses employés parmi lesquels Lowell Lo (qui fait la plonge tout en
espionnant son patron pour lui piquer sa recette), Teddy Yip (le cuisinier
fumeur peu ragoutant), Stephen Hoh (le jeune amateur de danse ; il remue
son popotin pendant tout le film), Hui Ting-ying (la grosse serveuse) et Ricky
Hui. C’est ce dernier qui se permet de dire à son patron que parfois tout ne va
pas bien dans le restaurant lors d’une discussion ouverte et libre. En tout
cas, elle était présentée ainsi, mais Hui dans sa grande mauvaise foi
habituelle refuse de comprendre qu’il doit changer parce qu’en face, ça attire
les gens. Et de virer Ricky Hui plutôt que l’écouter.
En
face, c’est la modernité telle qu’elle pouvait être envisagée en 1988. C 'est-à-dire une vision typiquement américaine. Il
s’ouvre de l’autre côté de la rue un restaurant de poulets. La guerre des
volatiles ne fait que commencer. Le patron du restaurant concurrent est Danny
(Lawrence Ng), un jeune loup en costume cravate qui veut faire de ce quartier sa
propriété. Il envisage d’acheter le restau de Hui et entre dedans avec arrogance
en dictant à Raymong (Ku Feng), son manager les travaux à faire. L’entrainement
est martial. Raymond porte un bandeau militaire japonais sur le front et fait
faire des exercices aux employés : test de rapidité sur la préparation
d’un menu standard. Face au caractère dictatorial de Danny et à ses influences
ennemies, à la fois américaine et japonaise, le spectateur ne peut que préférer
Hui malgré son sale caractère et sa mauvaise foi. Avec pas mal d’autodérision,
l’ouverture en fanfare du magasin se fait avec un caméo de Samuel Hui, qui arrive
en voiture de sport et s’en va aussi vite qu’il est arrivé.
La
bataille des restaurants aura lieu dans la rue. Hui va comprendre que Ricky,
qu’il a renvoyé, a été embauché par l’ennemi. Ricky porte un costume de poulet
et devient la mascotte. Hui va se déguiser en canard en réponse et les deux
anciens amis vont se battre dans la rue, faire pleurer des enfants en les
harcelant pour qu’ils viennent dans le magasin et se poursuivre sur le toit de
l’immeuble. Les deux hommes vont se réconcilier quand Danny et Raymond
franchissent la ligne rouge. Raymond jette des rats dans le restau ce qui
provoque une série de gags où Hui et ses employés tentent de cacher les
rongeurs aux policiers. Grâce à l’amitié, un peu d’argent de la belle mère pour
décorer le restau et le respect mutuel entre consommateurs et patron, le
classicisme et la tradition sont largement victorieux sur la fausse modernité
tape-à-l’œil contraire aux valeurs cantonaises.
Chicken
and duck talk (鸡同鸭讲, Hong
Kong, 1988) Un film de Clifton Ko avec Michael Hui, Sylvia Chang, Ricky Hui,
Lowell Lo, Lawrence Ng, Pak
Yan, Teddy Yip, Stephen Hoh, Hui Ying-ying, Ku Feng, May Law, James Lai, Lee
Siu-ling, Ng Leung, Gloria Yip, Ronny Yu, Samuel Hui.
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