La
troisième aventure de Itto Ogami (encore et toujours Tomisaburo
Wakayama, ébouriffé et l'air renfrogné) s'ouvre sur les eaux
calmes et limpides d'une rivière à traverser avec son bambin
Daigoro (Akihiro Tomikawa) bien installé à son landau accroché à
la barque qui se dirige sur l'autre rive. Toujours en alerte, le
samouraï repère dans l'eau des joncs d'hommes qui les suivent. Ce
sont probablement des hommes de main du clan Yagyu que notre héros
tue dans une forêt de bambous avec son calme et sa sérénité
dignes de son talent de tueur professionnel. A vrai dire, ce seront
les seules apparitions des Yagyu dans le film, aucun héritier de
Retsudo ne vient chercher querelle à Ogami dans Baby Cart :
Dans la terre de l'ombre. Ce sont d'autres adversaires qui vont
s'en charger.
Le
premier est un mercenaire répondant au nom de Kanbei (Go Kato), un
homme taciturne au regard sombre qui mange dans son coin tandis que
ses trois compagnons parlent fort, montrent leur bide et protestent
de la laideur des femmes qui croisent leur chemin. Le caractère de
Kanbei semble bien opposé à ceux de ces trois hommes et plutôt
proche de celui d'Ogami. En revanche, il fait preuve d'un cruauté
sans pareil quand les mercenaires violent une mère et sa fille qui
passaient par là avec leur serviteur. Il les tuera tous les trois et
décidera, pour étouffer l'affaire, de faire porter le chapeau à
celui qui tirera la plus courte paille. Ce qu'aimerait Kanbei est
affronter en duel Ogami, pouvoir se mesurer à la réputation qui
précède l'homme qui défie le shôgunat. Le samouraï déchu ne lui
donnera pas ce plaisir.
L'autre
ennemie est une femme. Torizo (Ukio Yamada) tient un bordel et
s'avère mécontente que Ogami protège une jeune femme qu'il a
rencontré sur la barque. Cette dernière a été achetée pour être
revendue à Torizo, chef du clan des « 8 oublis ». En
effet, ce clan de yakuzas a décidé d'oblitérer toutes les vertus
et de ne vivre que hors la loi et sans code d'honneur. Là encore,
Torizo est un personnage à l'opposé des valeurs de Ogami qui décide
d'assumer la punition de la jeune femme. En l'occurrence de subir la
terrible punition du baquet d'eau et de la bastonnade. Fidèle à son
stoïcisme, Ogami encaisse les coups sans prononcer le moindre son,
ce qui lui vaut la plus grande admiration de ses tortionnaires. Petit
à petit le personnage de Torizo va prendre de l’ambiguïté, se
développer et engager Ogami pour éliminer l'assassin de son père.
C'est un personnage fort et attachant, au regard profond qui manie le
pistolet. Elle semble tomber amoureuse de lui, abandonnant
progressivement sa morgue à son égard.
Comme
dans les deux premiers épisodes de la série, Kenji Misumi est ses
scénaristes scindent le récit en deux. On retrouve Ogami parti se
battre contre un seigneur local (le contrat de Torizo) et abattre
avec une mitraillette cachée une bonne centaine d'ennemis. Un
affrontement viscéral et violent avec Kanbei au sommet d'une
montagne nue et balayée aux quatre vents. Il s'agira pour le deux
hommes, dont les yeux sont filmés en gros plan occupant tout le
cadre, de sauver leur honneur. Les combats sont très courts,
constitués de seulement quelques plans de sabre. C'est surtout
l'attente que filme Kenji Misumi, il filme le temps qu'il faut aux
adversaires pour enfin commencer à se battre. Baby Cart :
Dans la terre de l'ombre acquiert alors un rythme lent totalement
décalé par rapport à Baby Cart : L'enfant massacre. Le
film fait régulièrement des pauses poétiques (les animaux sous la
pluie devant les yeux de Daigoro, le repas familial autour d'un bol
de riz) pour mieux ansuite rebondir sur des scènes d'action. Après
cette première trilogie tournée en un an par Kenji Misumi, Itto
Ogami poussant son landau reprend la route sur le son d'une chanson
pop à sa gloire.
Baby
Cart : Dans la terre de l'ombre (子連れ狼 死に風に向う乳母車, Japon, 1972) Un film de Kenji
Misumi avec Tomisaburo Wakayama, Akihiro Tomikawa, Go Kato, Yuko
Hamada, Isao Yamagata, Michitaro Mizushima.
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