C’est un monde à part, au fin fond de la Thaïlande, au nord est en vérité, dans la forêt. Boonmee (Thanapat Saisaymar) y habite. Il revient de l’hôpital, de la ville, suite à des problèmes rénaux et il rentre avec sa sœur Jean (Jenjira Pongpas). Ils ne se voient pas souvent, d’ailleurs ils parlent peu. Ils ne savent pas quoi se dire mais Jen est sans aucun doute là pour le surveiller pendant sa convalescence, histoire qu’il ne passe pas trop de temps dans son verger de tamarinier, puisqu’il est exploitant agricole.
C’est Tong (Sakda Kaewbuadee), un jeune homme au sourire constant qui s’occupe de Boonmee, qui lui pose sa sonde pour évacuer l’eau de ses reins. Le vieil homme considère que Tong est comme son fils. Il est veuf et, justement, son fils est décédé et s’est pris d’affection pour Tong qui lui a construit un abri au milieu des arbres pour pouvoir se reposer, au cas où. Boonmee va mourir, tout le monde le sait, il vit ses derniers jours et le film le fera mourir bien avant la fin.
Avant cela, Oncle Boonmee va se plonger dans un fantastique d’une grande douceur, il va se lover dans un monde peuplé de fantômes pour que le moribond puisse se rappeler une dernière fois sa vie. Au cours d’un repas, Huay (Natthakarn Aphaiwonk), l’épouse décédée apparaît devant la table et la discussion commence entre tous. Pas de peur. Boonmee remarque que feu son épouse n’a pas changé depuis sa mort il y a dix-neuf ans de cela. La conversation reste badine, l’oncle n’a décidemment plus rien à dire, plus rien à exprimer.
Puis, c’est au tour du fils d’arriver par l’escalier. Boonsong (Geerasak Kulhong) n’a plus rien d’humain. C’est un singe avec des yeux rouges brillants, tout plein de poils qui évoque plus Chewbakka qu’un singe à vrai dire, mais Apichatpong Weerasethakul n’en plus à un gag près. Son singe est un singe parce qu’on l’énonce ainsi. La tante demande pourquoi il a tant de poils et tout le monde le reconnait à sa voix. On avait déjà vu un de ces monstres dans la scène inaugurale, derrière une vache. Et on en verra d’autres au fur et à mesure que la mort approche.
D’autres événements vont se produire. Oncle Boonmee suit maintenant un palanquin où une princesse qui a perdu sa beauté se promène et s’arrête au bord d’une rivière, y plonge dedans et fait l’amour à un poisson chat. Et Tong va s’habiller en moine puis venir prendre une douche dans la chambre de Jen. Il enlève tous ses vêtements, les uns après les autres, il retire les couches orange de la bure monacale et remet ses habits de ville pour aller manger tranquillement. Tout le monde change de vie.
Apichatpong Weerasethakul a reçu la Palme d’or à Cannes pour Oncle Boonmee. Il n’a pas changé de style. Le film est aussi peu éclairé que les autres, aussi énigmatique d’autant qu’il est avare de dialogues et que les différentes séquences semblent ne pas avoir de lien les unes avec les autres. Le travail sur le son se fait moins présent que dans d’autres films exotiques produits pour nous autres les Occidentaux (Oncle Boonmee et les autres films de Weerasethakul, les Thaïs n’en en rien à fouttre).
Ce qui change le plus est l’humour qui arrive au hasard de certaines scènes, non pas un burlesque cantonais propre aux films de fantômes, bien entendu quand l’épouse et le fils s’invitent chez les vivants, mais aussi l’amour avec des poissons et le personnage de Tong. Du point politique, le film se fait très feutré (d’autres appelleraient ça de la subtilité). Boonmee exploite les clandestins dans sa plantation, on le lui reproche, Jen la tante est un peu raciste. Le cinéaste exprime là une opinion très répandue. Et le film est traversé de photos d’enfants soldats qui évoquent la vie martiale de la Thaïlande, une abomination dictatoriale pour Weerasethakul qui affirme quelques pensées politiques sur le mode de la suggestion.
Oncle Boonmee, celui qui se souvient de ses vies antérieures (Uncle Boonme who can recall his past lives, ลุงบุญมีระลึกชาติ, Thaïlande – France – Allemagne – Espagne – Grande Bretagne, 2010) Un film d’Apichatpong Weerasethakul avec Thanapat Saisaymar, Jenjira Pongpas, Sakda Kaewbuadee, Natthakarn Aphaiwonk, Geerasak Kulhong, Kanokporn Thongaram, Samud Kugasang, Wallapa Mongkolprasert, Sumit Suebsee, Vien Pimdee.
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