mardi 18 janvier 2011

I wish I knew, histoires de Shanghai


Chacun a ses souvenirs et tous ces souvenirs composent une histoire de Shanghai. C’est par touches qu’il décide de parler de Shanghai, une ville qu’il ne connait pas, pour un film qui arrive pendant l’exposition universelle. I wish I knew n’est pas un film historique tel qu’on peut l’entendre, ce n’est pas un film qui montrerait les principaux mouvements de la ville. Au contraire, Jia Zhangke s’emploie pendant près de deux heures à ne pas imprimer la légende officielle. Le documentaire se compose de trois types d’images qu’il mélange pour dresser le portrait subjectif de Shanghai.

Le fil conducteur du film est tissé par l’actrice Zhao Tao, jeune actrice aux cheveux courts. Elle ne parlera pas mais ira se promener dans quelques lieux de Shanghai fort peu touristiques. Elle va dans un ferry qui transporte les ouvriers qui se rendent à leur travail sur les docks. On découvre les quartiers populaires où des vieilles dames jouent au mahjong ? Elles sont filmées en lents travellings. Ces scènes contrastent avec le plan inaugural filmé dans les quartiers des affaires où un homme nettoie une statue devant une banque. Jia Zhangke oppose les quartiers mais une constante demeure, Shanghai est une ville en constante transformation. Les travaux semblent nombreux et dans tous les quartiers.

La majorité de I wish I knew est composée d’entretiens, face caméra, tenus par Lin Xudong. Les intervenants racontent un moment de leur histoire quand ils furent confrontés à Shanghai. Beaucoup d’histoires sont liées à la montée au pouvoir des communistes puis à la révolution culturelle. Jia Zhangke est allé rencontrer des personnes d’univers variés, y compris une dame issue d’une famille bourgeoise qui a souffert de la révolution culturelle et il est très rare que de tels récits puissent être entendus dans un film produit officiellement et approuvé par le Bureau du cinéma chinois. Le cinéaste laisse aux gens le temps de parler et les entretiens ne sont pas coupés et tous sont intéressants.

Dans la deuxième heure, le cinéma fait son entrée. Shanghai, bien plus qu’aucune autre ville de Chine, est une ville de décor de cinéma où un grand nombre de films a été tourné. Cela tient à son décor des années 1930 qui est reconstitué en studios puisque la ville est depuis des décennies en renouvellement. Jia Zhangke filme ce décor vide, celui de l’avenue de Shanding que l’on connait bien, qui servit notamment à Crazy kung-fu de Stephen Chow et à tant d’autres films. Le décor nu élimine toute nostalgie car là n’est pas la vision du cinéaste.

On y voit un extrait de Suzhou river de Lou Ye (1999), celui de la contruction du pont, qu’il compare avec des images des travaux achevés. Il rencontre Hou Hsiao-hsien dont la famille venait de Shanghai exilée après l’arrivée au pouvoir de Mao Tsé-toung. Un extrait des Fleurs de Shanghai, tourné entièrement en studio toujours à cause des changements radicaux de la ville, est montré. On rencontre une ouvrière choisie comme actrice dans un film de Xie Jin ou l’actrice Wei Wei, interprète du Printemps dans une petite ville de Mei Fu. Avec un sens certain du paradoxe, on entend les propos d’un alors jeune cadre du parti qui devait guider Michelangelo Anonioni pour son film La Chine, tourné pendant la Révolution culturelle. Il raconte qu’il ne comprenait pas pourquoi le cinéaste italien voulait filmer les petites habitudes de tous les jours plutôt que les grandes réalisations. Là est l’idée du cinéma de Jia Zhangke : les petites histoires sont bien plus importantes que l’histoire avec un grand H. Il faut espérer qu’un jour le Bureau du cinéma chinois comprendra cela et libérera la créativité de ses cinéastes qui étouffent sous la propagande exigée par le Bureau.

I wish I knew, histoires de Shanghai (I wish I knew, 海上傳奇, Chine, 2010) Un film de Jia Zhangke avec Zhao Tao, Lim Giong et des entretiens avec Chen Danqing, Yang Xiaofo, Zhang Yuansun, Du Mei-ru, Wang Peimin, Wang Toon, Lee Chia-tung, Chang Hsin-I, Hous Hsiao-hsien, Zhu Qiansheng, Huang Baomei; Wei Ran, Wei Wei, Barbara Fei, Rebecca Pan, Yang Huaiding, Han Han.

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