Le
3 avril 2011, Ai Weiwei disparait de la surface de la terre. Il est arrêté
pendant 81 jours par la police chinoise puis inculpé de fraude fiscale,
condamné à une amende de 2,5 millions de dollars enfin assigné à résidence et
interdit de parole publique. C’est ainsi que s’achève Ai Weiwei never sorry, documentaire consacré à l’artiste pékinois
Ai Weiwei que l’on avait découvert pour être l’architecte du stade des Jeux
Olympiques de Pékin de 2008. Le film suit le parcours d’Ai Weiwei sur les trois
années qui ont précédé cette mise à l’écart par les autorités chinoises.
L’artiste avait refusé de participer à la cérémonie d’ouverture des Jeux ce qui
a du constitué un premier affront. Il faut dire que deux mois avant le
lancement des JO, un tremblement de terre a frappé la région du Sechuan mais le
pouvoir a décidé de bloquer les informations sur ce séisme afin de ne pas
entacher les éventuels dysfonctionnements des constructions.
Ai Weiwei, alors qu’il aurait pu être un
artiste officiel, décide d’enquêter sur ce tremblement de terre. Par souci de
transparence, le maître mot de l’artiste, Ai Weiwei souhaite connaitre le
nombre de victimes. Il veut aussi connaitre leurs noms. Là commence le parcours
du combattant. L’artiste a filmé lui-même les débuts de ses investigations (il
réalise également) et il faut reconnaitre que la force de ses convictions
méritent le respect et sont enthousiasmantes. On découvre la plombe
d’opposition du pouvoir, implacable et inique. Ai Weiwei fera des œuvres de
cette enquête, notamment à Munich où il couvre la façade de cartables qui
reproduisent une phrase en chinois d’une enfant rescapée du séisme. L’ensemble
des noms des enfants décédées, près de 5000, constituent également une œuvre à
la visuelle (une très longue liste) et audio (il a demandé qu’on dise les noms
des défunts).
Artiste
contemporain certes mais surtout activiste, Ai Weiwei s’exprime via son blog,
fermé par la censure, puis par twitter où il poste chaque jour. Ses aventures,
car ce sont vraiment des aventures, sont beaucoup suivies. Son combat suivant
est de pouvoir inculper un policier qui l’a frappé lors de son enquête. Là
aussi, c’est un parcours du combattant pour que sa plainte aboutisse. Les
obstacles que lui mettent les autorités apparaissent particulièrement ridicules,
la surveillance constante dont il est l’objet provoque le comique comme dans
cette scène de repas en terrasse où il dîne avec des amis alors que des flics
le filment et qu’un autre vient lui demander quand il aura fini. Sa réponse est
simple : « je partirai du restaurant quand j’aurais fini de
manger ». L’homme est éminemment sympathique avec sa bonne bouille, sa
longue barbe et son sourire bonhomme. En plus, il aime les chats. Le spectateur
est évidemment de son côté et ne peut que soutenir son combat.
Le
documentaire n’est pas sans défauts pourtant. Il est regrettable que sa
carrière d’artiste soit un peu laissée de côté, on aimerait en savoir plus sur
sa période où il vécut à New York entre 1982 et 1993, partie expédiée en un
quart d’heure. Sa vie privée est mise en avant. On rencontre sa maman, veuve du
poète Ai Qing, poète déporté pendant 19 ans lors du grand bond en avant (en non
pas pendant la révolution culturelle comme le dit le film). On apprend qu’Ai
Weiwei a eu un enfant avec sa maîtresse alors qu’on s’en fout franchement
puisque cela ne dit rien sur sa vie d’artiste ou d’activiste. Il est dommage
que les nombreuses interventions des
amis de l’artiste soient si hachées (30 secondes de témoignages). En revanche,
c’est une bonne idée de ne pas donner la parole au pouvoir puisqu’il s’exprime
déjà largement dans les médias. Tout enclin à délivrer un message, Ai Weiwei never sorry s’apparente aux
documentaires de Michael Moore dans sa manière de dramatiser son enquête en
ajoutant une musique sur les cartons informatifs. Mais ces écueils typiques du
documentaire politique n’enlèvent rien à la philosophie d’Ai Weiwei : ne
jamais s’excuser d’être libre.
Ai
Weiwei never sorry (Etats-Unis, 2011) Un film d’Alison Klayman. Documentaire.
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