dimanche 9 décembre 2012

Ai Weiwei never sorry


Le 3 avril 2011, Ai Weiwei disparait de la surface de la terre. Il est arrêté pendant 81 jours par la police chinoise puis inculpé de fraude fiscale, condamné à une amende de 2,5 millions de dollars enfin assigné à résidence et interdit de parole publique. C’est ainsi que s’achève Ai Weiwei never sorry, documentaire consacré à l’artiste pékinois Ai Weiwei que l’on avait découvert pour être l’architecte du stade des Jeux Olympiques de Pékin de 2008. Le film suit le parcours d’Ai Weiwei sur les trois années qui ont précédé cette mise à l’écart par les autorités chinoises. L’artiste avait refusé de participer à la cérémonie d’ouverture des Jeux ce qui a du constitué un premier affront. Il faut dire que deux mois avant le lancement des JO, un tremblement de terre a frappé la région du Sechuan mais le pouvoir a décidé de bloquer les informations sur ce séisme afin de ne pas entacher les éventuels dysfonctionnements des constructions.

 Ai Weiwei, alors qu’il aurait pu être un artiste officiel, décide d’enquêter sur ce tremblement de terre. Par souci de transparence, le maître mot de l’artiste, Ai Weiwei souhaite connaitre le nombre de victimes. Il veut aussi connaitre leurs noms. Là commence le parcours du combattant. L’artiste a filmé lui-même les débuts de ses investigations (il réalise également) et il faut reconnaitre que la force de ses convictions méritent le respect et sont enthousiasmantes. On découvre la plombe d’opposition du pouvoir, implacable et inique. Ai Weiwei fera des œuvres de cette enquête, notamment à Munich où il couvre la façade de cartables qui reproduisent une phrase en chinois d’une enfant rescapée du séisme. L’ensemble des noms des enfants décédées, près de 5000, constituent également une œuvre à la visuelle (une très longue liste) et audio (il a demandé qu’on dise les noms des défunts).

Artiste contemporain certes mais surtout activiste, Ai Weiwei s’exprime via son blog, fermé par la censure, puis par twitter où il poste chaque jour. Ses aventures, car ce sont vraiment des aventures, sont beaucoup suivies. Son combat suivant est de pouvoir inculper un policier qui l’a frappé lors de son enquête. Là aussi, c’est un parcours du combattant pour que sa plainte aboutisse. Les obstacles que lui mettent les autorités apparaissent particulièrement ridicules, la surveillance constante dont il est l’objet provoque le comique comme dans cette scène de repas en terrasse où il dîne avec des amis alors que des flics le filment et qu’un autre vient lui demander quand il aura fini. Sa réponse est simple : « je partirai du restaurant quand j’aurais fini de manger ». L’homme est éminemment sympathique avec sa bonne bouille, sa longue barbe et son sourire bonhomme. En plus, il aime les chats. Le spectateur est évidemment de son côté et ne peut que soutenir son combat.

Le documentaire n’est pas sans défauts pourtant. Il est regrettable que sa carrière d’artiste soit un peu laissée de côté, on aimerait en savoir plus sur sa période où il vécut à New York entre 1982 et 1993, partie expédiée en un quart d’heure. Sa vie privée est mise en avant. On rencontre sa maman, veuve du poète Ai Qing, poète déporté pendant 19 ans lors du grand bond en avant (en non pas pendant la révolution culturelle comme le dit le film). On apprend qu’Ai Weiwei a eu un enfant avec sa maîtresse alors qu’on s’en fout franchement puisque cela ne dit rien sur sa vie d’artiste ou d’activiste. Il est dommage que les nombreuses interventions  des amis de l’artiste soient si hachées (30 secondes de témoignages). En revanche, c’est une bonne idée de ne pas donner la parole au pouvoir puisqu’il s’exprime déjà largement dans les médias. Tout enclin à délivrer un message, Ai Weiwei never sorry s’apparente aux documentaires de Michael Moore dans sa manière de dramatiser son enquête en ajoutant une musique sur les cartons informatifs. Mais ces écueils typiques du documentaire politique n’enlèvent rien à la philosophie d’Ai Weiwei : ne jamais s’excuser d’être libre.

Ai Weiwei never sorry (Etats-Unis, 2011) Un film d’Alison Klayman. Documentaire.

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