Alors
qu’il est dans la salle de muscu, Gao Wai-tung (Winston Chao) écoute dans son
walkman la cassette audio que sa mère lui en envoyé plutôt que de lui
téléphoner. En voix off, elle lui demande pour une énième fois s’il compte se
marier un jour. Cette entrée en matière permet de présenter rapidement le
contexte du film : il habite désormais à New York, il a quitté Taïwan
depuis une dizaine d’années et reste célibataire aux yeux de ses parents. En
fait, il file le parfait amour depuis cinq ans avec Simon (Mitchell
Lichtenstein) avec qui il habite dans une maison cossue comportant plusieurs
étages et un jardin. Wai-tung est cadre, homo « don’t ask don’t
tell », ses amis taïwanais causent de filles. Simon est kiné, homo
flamboyant arborant au boulot un t-shirt de Keith Haring et militant à Act Up.
Ils vivent tranquillement aux Etats-Unis, loin de la famille taïwanaise et des
obligations de mariage.
Un
nouveau message de la maman annonce à Wai-tung qu’une de ses compatriotes va
venir la visiter. Il faut dire que Simon a eu la bonne idée de remplir un
formulaire matrimonial où il exigeait que la future fiancée ait deux doctorats,
qu’elle parle cinq langues ou qu’elle soit très grande. Ainsi, Wai-tung,
d’accord avec ses demandes exceptionnelles, est persuadé qu’aucune femme ne
pourra se présenter. C’était donc sans compter sur madame Gao qui a trouvé la
perle rare en la personne de Mao Mei (Vanessa Yang) qui comprend bien vite que
Wai-tung est gay. D’ailleurs elle-même avait accepté cette rencontre pour se
débarrasser de la pression de ses parents. Mao Mei sort avec un Américain ce
qui aurait mal vu. Une nouvelle idée jaillit dans les cerveaux des deux
garçons : faire un faux mariage avec Wei-wei (Gam Siu-mooi).
Chaque
mois, Wai-tung passe dans l’immeuble dont il est propriétaire chercher le
loyer. Au dernier étage vit Wei-wei une jeune femme qui peint des toiles
abstraites. Elle n’a jamais d’argent et propose une peinture comme loyer. Son
caractère de feu fait qu’elle se fait virer régulièrement de ses boulots. L’immeuble
est vétuste et elle se plaint des mauvaises conditions de vie :
chauffe-eau en panne, fenêtre qui ne s’ouvre pas. Et surtout, elle fait du
rentre-dedans à Wai-tung qu’elle drague bien qu’elle sache qu’il sorte avec
Simon. Originaire de Chine populaire, issue d’une famille très pauvre qu’elle
n’a pas vue depuis des années, Wei-wei craint de ne pouvoir rester aux
Etats-Unis si elle n’obtient pas sa carte verte, sésame des immigrants. Cette
dernière accepte d’autant qu’elle pourra venir habiter chez le couple, laissant
ainsi l’affreux logement qu’elle occupe. La maison des deux garçons prend une
importance primordiale dans Garçon
d’honneur, décor quasi unique avec la cuisine comme centre névralgique des
tensions qui ne vont pas tarder à poindre.
Pour
feinter les services d’immigration, elle doit apprendre tout de la vie de
Wai-tung. Comme dans une répétition théâtrale, elle récite sur un mode comique,
sur la musique de Grace Chang, les habitudes de son futur époux, comme le fait
qu’il porte un slip bleu le jeudi mais qu’il dort en caleçon. Tout fier, Wai-tung
apprend son mariage à ses parents qui décident de venir à New York. M. Gao
(Lung Sihung) et Mme. Gao (Gua Ah-leh) débarquent dans ce faux ménage à trois
où Simon devra dormir dans un autre lit que son petit ami, alors même que
l’appartement lui appartient. Auparavant, ils enlèvent tout ce qui peut
paraitre compromettant, photo de Wai-tong nu avec sa casquette de l’armée sur
le sexe pour la remplacer par une en uniforme, peintures d’hommes nus pour les
remplacer par des calligraphies de M. Gao. Il faut recréer le mode de vie
taïwanais que Wai-tung avait totalement abandonné. Et surtout, Wei-wei devra
être sage comme une image, ce qui semble être le plus difficile.
Ce
qui compte dans Garçon d’honneur est
moins comment les parents vont apprendre que leur fils est homo que leur
déception de ne pas le voir pratiquer les traditions chinoises. M. Gao en tant
que général à la retraite est outré du bâclage du mariage civil à la mairie. Il
commence à faire la tête quand, au restaurant, il rencontre l’un de ses anciens
soldats, Chen (Tien Pien) qui veut organiser un banquet pour le mariage, non
sans avoir rudement sermonné Wai-tung. Le morceau de bravoure est ce banquet
qui ressemble à une bataille. Le restaurant de Chen est rempli d’invités
taïwanais qui vont s’appliquer à mettre à l’épreuve le couple. Toutes les
traditions vont être déclinées, du bisou au toast en passant par l’occupation
de la suite nuptiale où Wei-wei et Wai-tung devront se déshabiller sous la
couverture de leur lit. Ce mariage procure de beaux moments de comédie où l’on
découvre les rituels qui s’apparentent à autant de clichés. Le reste du film
lorgne du côté du mélo (Wei-wei tombe enceinte, M. Gao a une attaque, les deux
amants se disputent) mais contrairement à ce qu’Ang Lee fera douze ans plus
tard dans le très beau Secret de
Brokeback Mountain, tout se termine bien dans Garçon d’honneur.
Garçon
d’honneur (The Wedding banquet, 喜宴, Taïwan – Etats-Unis, 1993) Un film d’Ang Lee avec
Winston Chao, Gam Siu-mooi, Mitchell Lichtenstein, Gua Ah-leh, Lung Sihung,
Dion Birney, Chou Chung-wei, Hsu Yung-the, Michael Gaston, Neal Huff, Anthony
Ingoglia, Eddie Johns, John Nathan, Marny Pocato, Vanessa Yang, Tien Pien.
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