vendredi 7 décembre 2012

Garçon d'honneur


Alors qu’il est dans la salle de muscu, Gao Wai-tung (Winston Chao) écoute dans son walkman la cassette audio que sa mère lui en envoyé plutôt que de lui téléphoner. En voix off, elle lui demande pour une énième fois s’il compte se marier un jour. Cette entrée en matière permet de présenter rapidement le contexte du film : il habite désormais à New York, il a quitté Taïwan depuis une dizaine d’années et reste célibataire aux yeux de ses parents. En fait, il file le parfait amour depuis cinq ans avec Simon (Mitchell Lichtenstein) avec qui il habite dans une maison cossue comportant plusieurs étages et un jardin. Wai-tung est cadre, homo « don’t ask don’t tell », ses amis taïwanais causent de filles. Simon est kiné, homo flamboyant arborant au boulot un t-shirt de Keith Haring et militant à Act Up. Ils vivent tranquillement aux Etats-Unis, loin de la famille taïwanaise et des obligations de mariage.

Un nouveau message de la maman annonce à Wai-tung qu’une de ses compatriotes va venir la visiter. Il faut dire que Simon a eu la bonne idée de remplir un formulaire matrimonial où il exigeait que la future fiancée ait deux doctorats, qu’elle parle cinq langues ou qu’elle soit très grande. Ainsi, Wai-tung, d’accord avec ses demandes exceptionnelles, est persuadé qu’aucune femme ne pourra se présenter. C’était donc sans compter sur madame Gao qui a trouvé la perle rare en la personne de Mao Mei (Vanessa Yang) qui comprend bien vite que Wai-tung est gay. D’ailleurs elle-même avait accepté cette rencontre pour se débarrasser de la pression de ses parents. Mao Mei sort avec un Américain ce qui aurait mal vu. Une nouvelle idée jaillit dans les cerveaux des deux garçons : faire un faux mariage avec Wei-wei (Gam Siu-mooi).

Chaque mois, Wai-tung passe dans l’immeuble dont il est propriétaire chercher le loyer. Au dernier étage vit Wei-wei une jeune femme qui peint des toiles abstraites. Elle n’a jamais d’argent et propose une peinture comme loyer. Son caractère de feu fait qu’elle se fait virer régulièrement de ses boulots. L’immeuble est vétuste et elle se plaint des mauvaises conditions de vie : chauffe-eau en panne, fenêtre qui ne s’ouvre pas. Et surtout, elle fait du rentre-dedans à Wai-tung qu’elle drague bien qu’elle sache qu’il sorte avec Simon. Originaire de Chine populaire, issue d’une famille très pauvre qu’elle n’a pas vue depuis des années, Wei-wei craint de ne pouvoir rester aux Etats-Unis si elle n’obtient pas sa carte verte, sésame des immigrants. Cette dernière accepte d’autant qu’elle pourra venir habiter chez le couple, laissant ainsi l’affreux logement qu’elle occupe. La maison des deux garçons prend une importance primordiale dans Garçon d’honneur, décor quasi unique avec la cuisine comme centre névralgique des tensions qui ne vont pas tarder à poindre.

Pour feinter les services d’immigration, elle doit apprendre tout de la vie de Wai-tung. Comme dans une répétition théâtrale, elle récite sur un mode comique, sur la musique de Grace Chang, les habitudes de son futur époux, comme le fait qu’il porte un slip bleu le jeudi mais qu’il dort en caleçon. Tout fier, Wai-tung apprend son mariage à ses parents qui décident de venir à New York. M. Gao (Lung Sihung) et Mme. Gao (Gua Ah-leh) débarquent dans ce faux ménage à trois où Simon devra dormir dans un autre lit que son petit ami, alors même que l’appartement lui appartient. Auparavant, ils enlèvent tout ce qui peut paraitre compromettant, photo de Wai-tong nu avec sa casquette de l’armée sur le sexe pour la remplacer par une en uniforme, peintures d’hommes nus pour les remplacer par des calligraphies de M. Gao. Il faut recréer le mode de vie taïwanais que Wai-tung avait totalement abandonné. Et surtout, Wei-wei devra être sage comme une image, ce qui semble être le plus difficile.

Ce qui compte dans Garçon d’honneur est moins comment les parents vont apprendre que leur fils est homo que leur déception de ne pas le voir pratiquer les traditions chinoises. M. Gao en tant que général à la retraite est outré du bâclage du mariage civil à la mairie. Il commence à faire la tête quand, au restaurant, il rencontre l’un de ses anciens soldats, Chen (Tien Pien) qui veut organiser un banquet pour le mariage, non sans avoir rudement sermonné Wai-tung. Le morceau de bravoure est ce banquet qui ressemble à une bataille. Le restaurant de Chen est rempli d’invités taïwanais qui vont s’appliquer à mettre à l’épreuve le couple. Toutes les traditions vont être déclinées, du bisou au toast en passant par l’occupation de la suite nuptiale où Wei-wei et Wai-tung devront se déshabiller sous la couverture de leur lit. Ce mariage procure de beaux moments de comédie où l’on découvre les rituels qui s’apparentent à autant de clichés. Le reste du film lorgne du côté du mélo (Wei-wei tombe enceinte, M. Gao a une attaque, les deux amants se disputent) mais contrairement à ce qu’Ang Lee fera douze ans plus tard dans le très beau Secret de Brokeback Mountain, tout se termine bien dans Garçon d’honneur.

Garçon d’honneur (The Wedding banquet, 喜宴, Taïwan – Etats-Unis, 1993) Un film d’Ang Lee avec Winston Chao, Gam Siu-mooi, Mitchell Lichtenstein, Gua Ah-leh, Lung Sihung, Dion Birney, Chou Chung-wei, Hsu Yung-the, Michael Gaston, Neal Huff, Anthony Ingoglia, Eddie Johns, John Nathan, Marny Pocato, Vanessa Yang, Tien Pien.

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