samedi 8 décembre 2012

Pushing hands


Avant d’être reconnu internationalement avec Garçon d’honneur (Ours d’or à Berlin 1993), Ang Lee explorait déjà la vie d’immigrants de la diaspora chinoise. Dans Pushing hands, trois générations sont confrontées. Le grand-père Chu (Lung Sihung), originaire de Pékin qui ne parle pas du tout anglais, le fils Alex (Wong Bak-chiu) venu aux Etats-Unis pour ses études et qui s’y est installé s’est marié avec Martha (Deb Snyder), une Américaine blonde. Ils ont eu un garçon, Jeremy (Lee Haan), né à New York qui a six ans. Les Chu habitent une belle maison dans la campagne mais que Martha juge trop petite désormais.

La séquence d’ouverture, sans aucun mot prononcé, montre le grand-père pratiquant le tai-chi dans le salon. Ancien professeur de cette discipline en Chine, où il a été pendant des années poursuivi par les autorités maoïstes pour cela, il tente de s’occuper. Un moment de relaxation, la vaisselle du petit déjeuner, le repas de midi, un peu de calligraphie. Puis il regarde des VHS de films chinois. Un film de kung-fu, il enlève la cassette, une comédie culinaire, il change de film pour finir sur un opéra chinois. Tout cela dérange Martha qui travaille chez elle. Elle est écrivain et ce bruit la gène d’autant qu’elle ne peut pas lui dire à cause de la barrière de la langue.

Cela crée une mauvaise ambiance dans la maisonnée. Martha pense que les disputes quotidiennes au sujet d’un déménagement que refuse Alex empêchent le petit Jeremy de s’appliquer à l’école où il apprend le mandarin. Les disputes sont violentes et de plus en plus fréquentes. Un soir où le vieux Chu se perd après sa promenade, Alex accuse sa femme de l’avoir abandonné et casse tout dans la cuisine. Martha est stressée et est prise d’une violente crise d’estomac qui se met à saigner. Le grand-père commence à sentir qu’il un poids, qu’il faut qu’il parte d’ici malgré la tradition que les parents viennent habiter chez leur enfants en fin de vie. Alex est cependant partagé entre son envie de le voir partir et son devoir de fils.

C’est dans le centre chinois en plein cœur de Chinatown que tout change pour le grand-père. Alors qu’il donne un cours de tai-chi, il découvre Madame Chen (Wang Lai), une vieille dame qui donne des cours de cuisine. Pour lui, c’est un horizon qui s’ouvre. Elle vient de Pékin, comme lui, parle mandarin, comme lui. Enfin, il peut communiquer ! C’est une ancienne exilée nationaliste à Taïwan. Et elle est veuve vivant désormais chez ses enfants. Avec un sens évident du comique, le vieux monsieur va la séduire en l’aidant à faire des raviolis (belle scène où il détruit d’un coup de main toute la platée ; il voulait montrer sa force et casse tout), en lui peignant une calligraphie. Belle scène de piquenique et promenade à la campagne où il masse son épaule fatiguée et qu’elle lui confie, qu’elle aussi, veut son indépendance familiale.

Le regard porté sur ce grand-père n’est pas seulement plein de tendresse bien qu’Ang Lee ne se gène pas pour montrer son caractère buté. Il décide de quitter la maison de son fils, s’improvise plongeur dans un restaurant chinois face à un patron conquis au libéralisme (pas de produit vaisselle pour faire des économies alors qu’il gueule contre le pauvre vieux pour qu’il aille plus vite). Sa vigueur de la pratique tai-chi l’emmène, dans un moment très drôle, à s’immobiliser face aux employés, puis aux costauds venus le déloger. Pushing hands aussi le portrait d’un changement de mentalité, le passage de la tradition familiale à un individualisme plus américain.

Pushing hands (推手, Taïwan, 1992) Un film d’Ang Lee avec Lung Sihung, Wang Lai, Deb Snyder, Wong Bak-chiu, Lee Haan.

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