Avant
d’être reconnu internationalement avec Garçon d’honneur (Ours d’or à Berlin 1993), Ang Lee explorait déjà la vie
d’immigrants de la diaspora chinoise. Dans Pushing
hands, trois générations sont confrontées. Le grand-père Chu (Lung Sihung),
originaire de Pékin qui ne parle pas du tout anglais, le fils Alex (Wong
Bak-chiu) venu aux Etats-Unis pour ses études et qui s’y est installé s’est
marié avec Martha (Deb Snyder), une Américaine blonde. Ils ont eu un garçon, Jeremy
(Lee Haan), né à New York qui a six ans. Les Chu habitent une belle maison dans
la campagne mais que Martha juge trop petite désormais.
La
séquence d’ouverture, sans aucun mot prononcé, montre le grand-père pratiquant
le tai-chi dans le salon. Ancien professeur de cette discipline en Chine, où il
a été pendant des années poursuivi par les autorités maoïstes pour cela, il
tente de s’occuper. Un moment de relaxation, la vaisselle du petit déjeuner, le
repas de midi, un peu de calligraphie. Puis il regarde des VHS de films
chinois. Un film de kung-fu, il enlève la cassette, une comédie culinaire, il
change de film pour finir sur un opéra chinois. Tout cela dérange Martha qui
travaille chez elle. Elle est écrivain et ce bruit la gène d’autant qu’elle ne
peut pas lui dire à cause de la barrière de la langue.
Cela
crée une mauvaise ambiance dans la maisonnée. Martha pense que les disputes
quotidiennes au sujet d’un déménagement que refuse Alex empêchent le petit
Jeremy de s’appliquer à l’école où il apprend le mandarin. Les disputes sont
violentes et de plus en plus fréquentes. Un soir où le vieux Chu se perd après
sa promenade, Alex accuse sa femme de l’avoir abandonné et casse tout dans la
cuisine. Martha est stressée et est prise d’une violente crise d’estomac qui se
met à saigner. Le grand-père commence à sentir qu’il un poids, qu’il faut qu’il
parte d’ici malgré la tradition que les parents viennent habiter chez leur
enfants en fin de vie. Alex est cependant partagé entre son envie de le voir
partir et son devoir de fils.
C’est
dans le centre chinois en plein cœur de Chinatown que tout change pour le
grand-père. Alors qu’il donne un cours de tai-chi, il découvre Madame Chen
(Wang Lai), une vieille dame qui donne des cours de cuisine. Pour lui, c’est un
horizon qui s’ouvre. Elle vient de Pékin, comme lui, parle mandarin, comme lui.
Enfin, il peut communiquer ! C’est une ancienne exilée nationaliste à
Taïwan. Et elle est veuve vivant désormais chez ses enfants. Avec un sens
évident du comique, le vieux monsieur va la séduire en l’aidant à faire des
raviolis (belle scène où il détruit d’un coup de main toute la platée ; il
voulait montrer sa force et casse tout), en lui peignant une calligraphie.
Belle scène de piquenique et promenade à la campagne où il masse son épaule
fatiguée et qu’elle lui confie, qu’elle aussi, veut son indépendance familiale.
Le
regard porté sur ce grand-père n’est pas seulement plein de tendresse bien qu’Ang
Lee ne se gène pas pour montrer son caractère buté. Il décide de quitter la
maison de son fils, s’improvise plongeur dans un restaurant chinois face à un
patron conquis au libéralisme (pas de produit vaisselle pour faire des
économies alors qu’il gueule contre le pauvre vieux pour qu’il aille plus
vite). Sa vigueur de la pratique tai-chi l’emmène, dans un moment très drôle, à
s’immobiliser face aux employés, puis aux costauds venus le déloger. Pushing hands aussi le portrait d’un
changement de mentalité, le passage de la tradition familiale à un
individualisme plus américain.
Pushing
hands (推手, Taïwan, 1992) Un film d’Ang Lee avec Lung Sihung, Wang Lai, Deb Snyder, Wong Bak-chiu, Lee Haan.
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire