Tout comme dans Hara kiri, mort d’un samouraï, Kōji Yakusho joue le personnage principal du récit de 13 assassins – film qui le précède. Cette fois, c’est le Japon du milieu du 19ème siècle qui intéresse Takashi Miike, une période où règne Naritsugu (Gorô Inagaki), un seigneur appelé à devenir membre du conseil du shogunat. L’ouverture du film se fait sur le harakiri d’un samouraï qui entend protester contre la cruauté et la violence de Naritsugu. Quelques uns de ses pires forfaits sont décrits par le menu : le viol de la bru d’un samouraï suivi de l’embrochage de l’époux de celle-ci (qu’il traite de singe), l’asservissement sexuel de la fille d’un leader d’une révolte paysanne (il coupe la langue et les membres de celle-ci, il a tué toute sa famille, s'en sert de prostituée puis l'abandonne à son sort) ou encore la tuerie de la famille du samouraï qui ouvre la film à coups de flèches (enfants compris) montrant bien son goût de l'injustice et sa passion pour la mort.
Le conseiller à la Justice Doi (Mikijiro Hira) veut agir et l’éliminer. Il ne peut pas inculper Naritsugu, parent proche du shogun, et décide d’engager Shizaemon Shimada (Kōji Yakusho) pour accomplir cette tâche. C’est un samouraï âgé. On apprendra qu’il connait bien Kito (Masachika Ichimura), le conseiller militaire de Naritsugu, pour avoir été formé ensemble. Chacun donc connait les points faibles de l’autre. Il va recruter onze hommes, samouraïs ou ronins. Chacun aura sa spécialité. L’un se bat à la lance, d’autres sont experts dans les explosifs. Chacun aura également ses raisons pour s’engager dans cette mission suicide. L’argent, l’aventure, la haine du shogun, la rédemption (pour le neveu de Shimada). Puis, chacun va s’entrainer au maniement des armes, améliorer les techniques et préparer la stratégie pour attaquer les troupes de Naritsugu qui doit se rendre à Edo. Ce dernier représente le mal absolu, les douze mercenaires, une entité à part entière, ne sont pas le Bien, mais plutôt l’antidote au Mal.
Clairement divisé en trois parties, 13 assassins continue dans son deuxième tiers avec le status-quo entre les ennemis. Kito a eu vent de la mission de Shimada. Parce qu’il connait parfaitement son adversaire, il cherche à comprendre sa stratégie. Et inversement. Les mercenaires rongent leur frein, ne comprennent pas pourquoi ils n’attaquent pas encore. Takashi Miike fait durer le suspense, fait partir la troupe et affronter quelques menus fretins (des ronins en quête d’un peu d’argent payés par Kito). Courte bataille et passage par la forêt où ils se perdent jusqu’à être sauvé par un homme étrange, quasi sauvage mais plein de ressources, qui d’une certaine manière évoque un esprit de la forêt. Puis vient l’idée de faire un guet-apens dans le seul col où Naritsugu pourra passer avec ses soldats. Encore une fois, Shimada expose ses plans, celui de faire du hameau dans ce col un piège qui doit se refermer sur les ennemis. Ce qui fait prolonger le suspense du film est que Miike montre les mercenaires construire leur défense, faire des échafaudages mais n’en donne pas le détail.
Car la dernière partie (près de trois quarts d’heures) est entièrement consacrée à la bataille, éminent morceau de bravoure de coups et de sang, de poussière et de fumée, de haine et de morts. Le hameau se transforme en labyrinthe où il s’agit de diminuer les forces de l’armée de Naritsugu (200 hommes) et d’isoler le potentat pour en finir avec lui. Comme convenu, les soldats, figurants indéterminés, tombent comme des mouches sous les sabres et les explosions des 13 assassins. Comme convenu, un seul sortira vivant de tout cela. Mais ce qui impressionne dans cette très longue bataille, c’est à la fois son unicité (on ne s’ennuie jamais, on est pris dans le feu de l’action) et sa maîtrise. Loin de proposer uniquement un montage épileptique, un cadre serré sur les personnages (comme cela est la mode actuellement), Miike se permet quelques superbes plans séquence, il filme souvent en plan large. Tout cela contribue à faire de 13 assassins un bon film sur le crépuscule du Japon féodal.
13 assassins (十三人の刺客, Japon, 2010) Un film de Takashi Miike avec Kōji Yakusho, Hiroki Matsukata, Takayuki Yamada, Kazuki Namioka, Tsuyoshi Ihara, Ikki Sawamura, Seiji Rokkaku, Sōsuke Takaoka, Yūma Ishigaki, Kōen Kondō, Arata Furuta, Masataka Kubota, Yūsuke Iseya, Gorô Inagaki, Mikijiro Hira, Masachika Ichimura.
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