vendredi 30 mars 2012

Qiu Jin, la guerrière



Le destin de Qiu Jin (Chystal Huang) se scelle dès son enfance quand sa tante veut bander ses pieds comme la tradition chinoise l’exigeait encore à la fin du 19ème siècle. L’enfant qu’elle était refuse, tout net, s’enfuit et va demander à son père pourquoi les filles n’ont pas le droit d’apprendre quoi que ce soit, pourquoi elles doivent obéir aux hommes et pourquoi elles sont considérées comme inférieures ? Qiu Jin recevra une éducation, elle apprendra à lire et écrire, à se servir d’un sabre, à monter à cheval. L’enfant grandit tandis qu’au fil des années, au rythme de cartons informatifs, la Chine devient la colonie des occidentaux, sans que jamais les libertés ne changent.

Le récit de la vie de Qiu Jin sera édifiant, dans la lignée de ces films biographiques sur des personnages réels que les coproductions sino-hongkongaises de ces trois dernières années (les Ip ManBodyguards and assassins pour ne parler que des meilleurs). Qiu Jin, la guerrière évoque donc les premiers pas de la libération de la femme sous une Chine encore impériale et gangrénée par les occidentaux. Qiu Jin a été décapitée en 1907 après un procès expéditif par un tribunal inique mené par le magistrat Li (Anthony Wong) et deux procureurs à charge (Lam Suet et Hung Yan-yan). Le destin funeste de l’héroïne chinoise est connu et le film, habilement, montre ce procès au présent et revient régulièrement en flash-back sur les moments clé de sa vie.

Deux femmes marquent le parcours de Qiu Jin. Fusheng est sa fidèle suivante. Muette, elle l’a rencontrée dans un restaurant où elle était l’esclave des aubergistes. Attachée, elle était battue, insultée et moins bien traitée qu’un chien. Qiu Jin la rachète et Fusheng deviendra, pour dire la vérité, plus qu’une servante, une confidente. Cela montre aussi le poids immense de la féodalité dans les mœurs de l’époque. L’autre femme est d’une classe sociale élevée. Wu Zhiying (Pat Ha) est la voisine de Qiu Jin qui l’aide à soigner son enfant un soir où il est malade. Elles partagent la même passion pour la littérature féministe. A son côté, elle va commencer à s’habiller en homme au risque d’être totalement déconsidérée voire rejetée. Qiu Jun prend alors la décision de partir au Japon pour étudier.

Elle rencontre alors Xu Xilin (Dennis To), le charismatique leader des étudiants révolutionnaires. Jeune intellectuel, il partage beaucoup de points en communs avec elle. Le film n’ébauche pas de romance entre eux, préférant appuyer les liens intellectuels plutôt qu’amoureux. Ces rapports sont comparés à ceux que Qiu Jin entretient avec son époux choisi pour elle par sa famille, comme la tradition l’exigeait. On voit le mari (Kevin Cheng) ne pas sortir de sa partie de mahjong quand il apprend que sa femme lui a donné une fille, ne pas comprendre son goût pour le progrès. L’époux est désigné comme un homme de l’ancien temps. Xu Xilin est au contraire un révolutionnaire et avec Qiu Jin, ils vont tenter de mener un coup d’état. On retrouvera la célèbre image de Qiu Jin sabre à la main, telle que l’iconographie l’a transmise depuis un peu plus d’un siècle.

Cela ramène donc au trio de mandarins. Lam Suet joue, comme souvent, le traitre, celui qui n’a pas d’avis et qui change de camp en fonction du vent. Hung Yan-yan est le redoutable magistrat qui veut en découdre avec ces révolutionnaires, il est le plus violent des trois magistrats. C’est aussi à lui qu’est dévolu les combats d’une belle efficacité. Il se bat contre Chrystal Huang et Dennis To) et on a l’impression de revivre les beaux temps des chorégraphies rapides et amples. Enfin, Anthony Wong est le seul à comprendre que la Chine est en train de changer d’époque. Il fait tout ce qu’il peut pour que l’héroïne ne soit pas décapitée. Comme le dit l’épitaphe du film, son action n’a pas été reconnue à l’époque, mais ses traces en sont encore visibles. Herman Yau évite, et c’est une bonne chose, les habituels écueils du genre et ne sombre ni dans le nationalisme béat ni dans la xénophobie anti-occidentale. C’est suffisamment rare pour le signaler.

Qiu Jin, la guerrière (The Woman knight of mirror lake, 競雄女俠秋瑾, Hong Kong – Chine, 2011) Un film de Herman Yau avec Dennis To, Crystal Huang, Anthony Wong, Rose Chan, Kevin Cheng, Pat Ha, Lam Suet, Hung Yan-yan, Wong You-nam, Chiu Tien-you, Lau Siu-Ming.

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