La fébrilité règne dans la maison de Yue (Lisa lu) à la lecture de la lettre de Liu Yansheng (Feng Lin). Ce dernier fût, à la fin des années 1940, le premier époux de Yue. Soldat nationaliste, il a fui à Taïwan comme un bon nombre de Shanghaiens à l’arrivée des troupes de Mao Tsé-toung. Il a refait sa vie là-bas, s’est marié et devenu veuf. Il annonce à Yue qu’il va venir la voir lors d’un voyage touristique. Elle a également bien vécu. Elle a élevé son fils qu’elle a eu de Yansheng et ses deux filles avec son deuxième mari Lu Shanmin (Xu Caigen), que tout le quartier appelle le vieux Lu. C’est un événement que personne ne veut manquer, la famille prépare un copieux repas « encore plus beau que celui du Nouvel An », dit la fille de Yue.
C’est dans l’allégresse que tout le quartier (avec fanfare d’enfants) accueille Yangsheng. La petite fille de Yue va lui faire visiter la ville en car dans un moment ironique où les touristes taïwanais regardent tous les beaux immeubles de Shanghai sous des « oh » et des « ah » d’étonnement. Toute la ville reste hors champ car ce que veut montrer Wang Quanan n’est pas le miracle économique chinois mais plutôt ce futur qui déstructure les familles, qui les fait vivre dans des buildings sans âme, sans vie de quartier. Il ne vante pas non plus la promiscuité de ces résidences vétustes, pleines de courant d’air où les voisins savent tout, tout de suite. Il compare ces modes de vie comme les personnages comparent leurs expériences de 1949 dans des plans séquences quasi immobiles où les trois vieux acteurs se racontent tandis qu’ils dînent.
Séparés et ensemble, comme le dit le titre Apart together. Séparés, ils l’ont été plus de 50 ans, par la force des choses. Yue dans ses souvenirs essaie de comprendre pourquoi ils ne se sont pas retrouver sur le quai pour l’embarquement. Tout reste un peu confus. Ensemble, ils le sont maintenant devant l’œil amusé du vieux Lu qui achète de beaux crabes à Yansheng. Il n’y a que le fils ainé qui ne semble avoir que peut d’affinités avec ces retrouvailles. Il en a toujours voulu à ce père naturel de les avoir abandonnés, de ne jamais avoir donné de nouvelles et de revenir aujourd’hui à la fin de leur vie. Or Yansheng a un projet : faire venir Yue à Taïwan et qu’ils puissent recommencer leur vie ensemble. Ça va beaucoup discuter et s’engueuler dans la famille et, bizarrement, le vieux Lu – a priori le plus rétif – ne voit pas d’opposition à cette nouvelle séparation.
A ce stade du film, le scénario qui aurait pu partir dans le mélodrame larmoyant, les règlements de compte sur fond d’histoire des deux Chine, décide au contraire d’aller sur les champs de la comédie. Yue et Lu décident donc de divorcer. Mais par un tour kafkaïen, ils se rendent compte qu’ils ne sont pas mariés. Il faut donc qu’ils se marient pour divorcer. On a droit à une amusante scène de photo de noces, à un rendez-vous bureaucratique absurde et à un repas où chacun entonne une chanson de leurs vingt ans. Le regard doux porté sur ces visages usés, cette subtilité dans l’évocation du passé douloureux chinois font la saveur de ce film modeste et beau.
Apart together (團圓, Chine, 2010) Un film de Wang Quanan avec Lisa Lu, Qiao Yue, Feng Ling, Xu Caigen, Lu Shanmin, Monica Mok, Baiyang, Mo Xiaotian, Lu Yan.
1 commentaire:
Bonjour, j'ai beaucoup aimé la scène vers la fin où les trois vieux acteurs chantent. Très beau film. Bonne soirée.
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