On
savait que le cinéma d’Akira Kurosawa avait inspiré le western de Sergio Leone
(Pour une poignée de dollars) à John
Sturges (Les Sept mercenaires), mais
un peu moins que la Toei avait produit Le
Vengeur errant, avec une volonté évidente d’en faire un western authentique
(si cela voulait encore dire quelque chose en 1968). Tourné entièrement dans le bush australien qui évoque la plaine du
Far West avec des acteurs locaux, le film s’ouvre avec le jeune Ken (Ken
Takakura) un fermier qui entend au loin une diligence qui file à vive allure.
En moins de temps qu’il n’en faut, Ken chevauche son cheval et va arrêter le
véhicule. Dedans, il découvre que tous les passagers et le cocher ont été
assassinés.
Il
rentre chez lui, raconte cela à son père (Takashi Simura, dans une courte
apparition) et à sa mère quand sept desperados pénètrent chez eux. L’un d’eux
est blessé. Le père n’est pas très rassuré et sort son sabre, car en effet, il
est un ancien samouraï, le premier japonais à s’être établi en Amérique. Les
mercenaires tirent abondement dans le tas et tuent la famille avant de s’enfuir
comme des lâches qu’ils sont. Mais Ken a survécu et décide de partir assouvir
sa vengeance. Il met sa belle chemise à carreaux, son blue jeans, ses bottes en
cuir, son chapeau et son révolver en ceinture et part à la recherche des
desperados.
Sa
quête est donc celle d’une vengeance. Il a passé des mois et des mois à
apprendre à manier son arme. Il va
rencontrer Marvin (Ken Godlet), un patron de ranch qui va le prendre sous son
aile. Marvin va lui enseigner les rudiments de l’ouest, lui donner de bons
conseils et tempérer sa trop grande ardeur qui risque de se retourner contre
lui. Et petit à petit, il va retrouver les hommes qui ont tué ses parents. A
chaque desperado retrouvé, son visage en image arrêtée issue de la tuerie
initiale apparait à l’écran. Puis, un jour, il se rend compte que l’un des
assassins est le propre fils de Marvin. Ce dernier qui a chaperonné Ken comme
son fils, est désormais devant un dilemme quand les trois hommes s’affrontent.
Finalement, Marvin tuera son fils mais se sépare de Ken qui part finir sa
vengeance.
La
prochaine étape est Franco (Clive Saxon), propriétaire d’un ranch de vaches.
Ken devient un cow-boy. Jusque là uniquement masculin, Le Vengeur errant voit apparaitre le premier personnage féminin au
bout de trois quarts d’heure. D’une certaine manière, le film redémarre avec Rosa (Judith Roberts), l’épouse de Franco qui va se prendre de sympathie pour Ken.
Tout comme Mike (Kevin Cooney), son jeune garçon passionné des armes à feu.
Mais la mission doit s’accomplir et si Rosa comprend le geste de Ken, Mike
rejette son nouvel ami quand il tue son père. Il ne reste plus que le chef de
bande à éliminer, le redoutable Carson (John Sherwood), homme de peu de foi qui
est persuadé que l’argent achète tout, y compris les gens honnêtes. Il faudra
aussi à Ken retrouver la confiance de Mike.
Le
film joue sur le code d’honneur du samouraï qui mène sa mission sans dévier. Il
semble évident que Rosa tombe amoureuse de lui, mais Ken se refuse à toute
romance. Le Vengeur errant se veut
un western au premier degré et en reprend tous les archétypes. Vêtements,
chevaux, bétail, saloon, ranch et bien entendu les affrontements au révolver.
Il ne manque que les Indiens. Les personnages, et Ken en tête, tirent à tout
va. Des centaines de balles sont tirés et les morts violentes se comptent par
dizaine. Les desperados n’hésitent jamais à tuer quiconque se met en travers de
leur chemin. Le format cinémascope enregistre les paysages avec grandeur, avec
un ou deux chromos où Ken monte sur son cheval sur un soleil couchant. Enfin,
la musique aux mélopées japonisantes est jouée avec des instruments typiques du
western, banjo, cuivre, caisse claire. L’influence d’Ennio Morricone est largement
perceptible avec l’utilisation d’une guitare électrique dans les moments de tension.
Le caractère hybride du film ne cesse pas d’étonner.
Le Vengeur errant (The
Drifting avenger, 荒野の渡世人, Japon, 1968) Un film de Junya Sato avec Ken Takakura,
Ken Goodlet, Judith Roberts, Kevin Cooney, Ronald Norman Lea, Clive Saxon, John
Sherwood, Reginald Collins, Ray Lamont.