Shanghai express
Comme
je l’avais pour les films « asiatiques » de Samuel Fuller (ici
– partie 1 et là
– partie 2), j’aborde ici deux films « chinois » de Josef Von
Sternberg, le réalisateur – entre autres – de L’Ange bleu. Dans son autobiographie (Fun in a Chinese laundry, 1965), Sternberg avoue n’avoir pris
aucune documentation spécifique pour recréer un Shanghai de carton-pâte à
Hollywood. Le cinéaste est connu pour ses décors grandiloquents. Ceux de L’Impératrice rouge retraçant une
période de l’empire russe n’ont rien de russe mais sont somptueux et accentuent
la folie des personnages, notamment celui de Marlene Dietrich. Il ne s’agit pas
pour lui de faire de l’authentique mais de l’exotisme. De toute façon, il était
rare que les films soient tournés là où ils se déroulaient à cette époque. Il
fallait cependant faire grande impression sur le spectateur en le dépaysant,
histoire de lui faire oublier la crise économique d’alors.
Toute
l’action de Shanghai express se
déroule dans un train qui va de Pékin à Shanghai, ville qui était en 1932 aux
mains des occidentaux qui se la partageaient en concessions. C’était une
colonie avec de nombreuses nationalités. Le film imprime ce fait en montrant
des personnages de Français, Allemand, Britannique et Américains. Shanghai Lily
(Marlene Dietrich), habillée de son manteau en plumes noires embarque dans ce
train. Elle partage sa cabine avec Hui Fei (Anna May Wong), une Chinoise, vêtue
d’une robe traditionnelle. Toutes deux sont des femmes modernes et chics qui
écoutent fort leur gramophone, ce qui fait dire à la vieille dame voisine de
cabine qu’elles doivent forcément être des femmes de mauvaise réputation. Lily
découvre que son ancien amant, « Doc » Harvey (Clive Brook), qu’elle
n’a pas revu depuis cinq ans, après lui avoir brisé le cœur, est dans le train.
Shanghai express
Le
film s’amuse d’abord à montrer, sur le ton de la comédie, des personnages que
tout oppose – si ce n’est leur fortune qui leur permet de voyager dans le wagon
de 1ère classe – et qui vont ne jamais cesser de se chamailler, y
compris dans le moment dramatique du film. L’Allemand râle contre tout et a
peur de tomber malade. La vieille dame ne pense qu’à son petit chien qu’elle a
du laisser dans la soute à bagages. Le pasteur estime que Lily et Hui Fei n’ont
pas leur place à côté de gentlemen. Ce sont des personnages secondaires pour
amuser la galerie, hauts en couleurs qui permettent de mettre en valeur Lily, à
la petite vertu mais qui, contrairement à eux, n’est pas hypocrite. Le seul
lien de tous ces personnages est leur mépris pour les Chinois, tout justes bons
à les servir. Les figurants chinois sont du petit personnel du train. En gros,
ce sont des colons xénophobes et Josef Von Sternberg raille leur mesquinerie.
Le
voyage continuant, la réalité vient troubler ce voyage. Le train est arrêté par
les révolutionnaires qui cherchent un otage pour faire libérer l’un d’eux
emprisonné. En 1932, la guerre civile faisait rage. Le chef des insurgés est
Henry Chang (Warner Oland), un homme qui pendant le début du trajet passait
pour un aimable homme d’affaires. Métisse, il a subi lui aussi le mépris des
autres voyageurs. Avec force figurants, le film montre de nombreux soldats qui
traversent les plans. C’est une Chine grouillante et vivante qui est montrée
(on avait déjà repéré cet aspect dans la scène du démarrage du train où la rue
très occupée se vidait au passage de la locomotive). L’irruption de la guerre
civile dans le film permet à Lily et à Harvey de régler leur contentieux avec l’aide
de Hui Fei qui vient défendre son amie dans l’adversité.
The Shanghai gesture
Shanghai express est un beau film. The Shanghai gesture a moins de qualités esthétiques et même son
réalisateur confesse ne pas aimer beaucoup son film. Le carton d’ouverture
précise que le Shanghai représenté est hors du temps. Le film plonge dans le
décor grandiose d’un casino en forme d’arène. Du pain et des jeux, mais surtout
des jeux. Le casino est tenu par « Mother » Gin Sling (Ona Munson),
monstresse habillée en robe traditionnelle chinoise, extrêmement maquillée à un
point qu’il est difficile de connaitre son vrai visage. Quand un client est à
court d’argent, elle avance, impériale et mystérieuse, fendant la foule
grouillante (pratiquement tous les joueurs sont occidentaux) pour décider de
leur sort. « Mother » Gin Sling (un nom de cocktail) est une femme de
pouvoir qu’elle ne partage qu’avec Howe (Clyde Fillmore), un homme d’affaires
chinois qui l’a sortie de la prostitution il y a des années de cela.
The Shanghai gesture
Elle
s’est forgée un caractère de femme impitoyable et a décidé de se venger de Guy
Charteris (Walter Huston) qui cherche à l’exproprier. Pour cela, elle va
pervertir Poppy (Gene Tierney), jeune femme à la beauté juvénile qui s’avère
être la fille de Charteris. Poppy va tomber sous le charme de Omar (Victor
Mature), un mondain arabe qui ne vit que pour l’amour des femmes. Très vite, le
récit, trop commun, finit par lasser. Shanghai n’est qu’un décor lointain mais
représente aux yeux de Sternberg l’ultime déchéance de la société occidentale
venue coloniser la ville et qui en a fait un bordel et un casino. Le climax du
film se déroule pendant le Nouvel An Lunaire où l’on aperçoit les festivités
(défilé, danse du dragon, pétards), la scène ayant été filmée dans le Chinatown
de Los Angeles. La Chine recréée par le cinéaste est un strict fantasme, en
réalité un cauchemar où les personnages tentent de survivre.
Shanghai
express (Etats-Unis, 1932) Un film de Josef Von Sternberg avec Marlene
Dietrich, Clive Brook, Anna May Wong, Warner Oland, Eugene Pallette, Lawrence
Grant, Louise Closser Hale, Gustav von Seyffertitz, Emile Chautard.
The
Shanghai gesture (Etats-Unis, 1941) Un film de Josef Von Sternberg avec Gene
Tierney, Walter Huston, Victor Mature, Ona Munson, Phyllis Brooks, Albert
Bassermann, Maria Ouspenskaya, Eric Blore, Ivan Lebedeff, Mike Mazurki, Clyde
Fillmore.
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