« Comment
fait-on pour passer de policier à malfaiteur » est la question au centre
de Headshot, le nouveau film de
Pen-ek Ratanaraung dont on n’avait guère eu de nouvelles depuis Ploy en 2007, ses plus récents films
n’ayant pas été visibles par chez nous. Cet homme, c’est Tul (Nopachai
Chaiyanam) que l’on découvre d’abord de dos portant des cheveux longs et qui se
dirige vers une boite postale d’où il sort une enveloppe qui contient le nom de
sa prochaine cible : un homme politique. Tul se rase la tête, revêt la
bure orange de moine et abat l’homme. Mais les gardes du corps de ce dernier
répliquent et Tul s’effondre, blessé à la tête. Le commanditaire, le Dr. Sruang
(Krerkkiat Punpiputt) le soigne. Tul reste trois mois dans le coma.
A
son réveil, il voit tout à l’envers et Pen-ek Ratanaruang retourne sa caméra en
point de vue subjectif, en troublant l’image, pour nous montrer la sensation.
La vie de Tul est bien sans dessus-dessous. Sa voix off va narrer comment il en
est arrivé là. Policier honnête, notre homme enquête sur un trafic de drogues
qui implique le frère d’un ministre. Incorruptible, il est la victime d’un
chantage de la part de l’avocat véreux de l'inculpé. Tul se retrouve accusé
d’un crime qu’il n’a pas commis et passe par la case prison. A grands coups de
flashbacks, on découvre le coup monté de toutes pièces. Tul passera trois ans
en prison. Jamais le film ne montrera, comme c’est le cas souvent dans les
films où la corruption des édiles est un sujet, la hiérarchie de Tul réagir ou
un journaliste enquêter. C’est tout simplement que cela n’intéresse pas le
cinéaste.
C’est
la longue dérive du héros (ou antihéros) qui intéresse le cinéaste, sa plongée
irrémédiable en enfer qu’il accepte comme un destin tout tracé. Le film se veut
un polar noir et Ratanaruang ne ménage pas ses efforts pour plonger dans le
glauque le plus ultime. L’image d’abord souvent très sombre, peu éclairée. Tul
à cause de son trouble visuel parvient à mieux tirer sur ses victimes dans le
noir total. Quand il tue dans un hangar ou dans un appartement, il éteint
brutalement la lumière. Quand il se trouve en extérieur, une pluie diluvienne
obstrue la visibilité. Puis, ce sont des dizaines de morts qui ponctuent le
récit. Tul est constamment poursuivi par des assaillants, le fils du politicien
cherche à venger son père. Enfin, la musique sinistre est constante pour encore
plus appuyer la noirceur.
Deux
personnages féminins vont croiser le chemin de Tul. Il rencontre Tiwa (Chanokporn
Sayoungkul) par hasard. Elle se fait appeler Joy, ils couchent ensemble et
meurt sauvagement assassinée dans sa baignoire. C’est Tiwa qui est au centre du
coup monté de l’avocat. Car en fait, elle n’est pas morte. Elle a été payée
pour lui faire croire. Là aussi, le cinéaste fait passer en force ce gros mensonge
et on se demande pourquoi elle ne va pas dire aux policiers qu’elle est encore
vivante. Tiwa, bien que prostituée et droguée, est une fille bien qui va
chercher Tul à sa sortie de prison et lui offre un logis. Sa fin sera pourtant
tragique.
La
deuxième femme est Rin (Chris Horwang). Tul monte dans sa voiture en la prenant
en otage. Elle se trouvait là par hasard, il la menace de son révolver. Elle
l’emmène loin de Bangkok. Alors qu’il pleut abondement, un pneu crève. Il faut
le réparer. Alors, qu’elle pourrait fuir, elle se prend de sympathie pour lui.
Elle a bien compris que c’était un homme avec un bon fond, que ses actions sont
dues aux circonstances néfastes et qu’il ne va pas lui faire. Rin l’amène vers
une nouvelle vie, celle de moine. Et encore une fois, Ratanaruang nous refile
une facilité scénaristique (comprendre un retournement de situation) tellement
lourdingue que la lassitude m’a envahie. Somme toute, Headshot donne l’effet d’un film poussif, comme l’étaient selon moi Last life in the universe comme Ploy, qui fait
regretter la fausse naïveté de Monrak
transistor. Comment fait-on pour passer de cinéaste enthousiasmant à
réalisateur prétentieux ?
Headshot
(ฝนตกขึ้นฟ้า, Thaïlande –
France, 2011) Un film de Pen-ek Ratanaruang avec Nopachai Chaiyanam, Chris
Horwang, Chanokporn Sayoungkul, Joey Boy, Apisit Opasaimlikit, Krerkkiat Punpiputt,
Theeradanai Suwannahom, Nadim Xavier Salhani, Daisuke Kashiki, Yasu Peron.