mardi 24 juin 2014

Princesse Mononoké


Avec Le Château ambulant, Princesse Mononoké est l’un des films les plus tristes et mélancoliques d’Hayao Miyazaki. C’est un Japon légendaire qui est décrit, un pays où les forêts recouvrent tout le pays et où les Dieux animaux règnent encore. Le premier ce des Dieux à apparaitre est un sanglier gigantesque qui ravage tout sur son passage, les arbres, la prairie et les hommes. Autour de lui, un étrange amas gluant noir dont l’aspect évoque autant des vers de terre que des serpents et qui a pris possession de son corps comme de son âme. C’était un Dieu, c’est devenu un monstre.

Pour parler écolo (et le film est une ode à la nature), le sanglier géant menaçait le fragile écosystème du village d’Ashitaka, jeune homme courageux qui défend les habitants avec ses flèches. Ashitaka chevauche un chowka roux, sorte d’élan à grandes cormes, qu’il nomme Yakkuru. Ce superbe animal à qui il parle, (il est magnifiquement dessiné) est le meilleur ami du jeune homme. On ne verra d’ailleurs que quelques silhouettes de ses compatriotes, des enfants, un vigile, la chamane, le conseil du village. Ashitaka va partir pour découvrir ce qui a pu arriver au Dieu sanglier.

Le terrible mal qui a tué le sanglier a contaminé Ashitaka. Son bras droit est strié de larges marques noires qui rendent le jeune homme extrêmement violent quand il se met en colère ou que l’émotion est trop forte. Ainsi lors d’une attaque d’un village de paysans par des samouraïs sans pitié, ses flèches décapitent ou amputent les samouraïs. Sa douceur naturelle, montrée en début de film, se transforme en accès en folie furieuse. Lui-même ne se reconnait plus et tente de calmer ses ardeurs. Cette force va lui être parfois très utile, chaque fois à son corps défendant.

Ashitaka monte un chowka et San monte un loup. San a le même âge que lui, c’est elle la princesse Mononoké. Son passé restera relativement mystérieux. On apprend qu’elle a été rejeté par les humains et élever par une louve, aussi gigantesque que le sanglier. Elle voue une haine envers les humains qui détruisent la forêt et, avec elle, les créatures qui y vivent. La première apparition de San est courte et fugace. Elle ne prononcera pas un mot et son visage est rempli de sang. Son animalité est immédiatement mise en avant. Ashitaka reconnait son alter ego qu’il faudra convaincre des ses bonnes intentions.

La forêt est donc menacée par les hommes. Ou plus précisément par une femme. Madame Eboshi est l’incarnation de l’élégance, contrairement à San toute dépenaillée. Eboshi règne d’une main de fer sur une forteresse qui exploite les minerais. Elle est non seulement responsable de l’abattage des arbres (qui servent pour les hauts fourneaux) mais aussi de la mort du Dieu sanglier sur lequel elle avait tiré une balle de métal. Eboshi ne croit plus à ces vieilles légendes ancestrales et veut abattre le Dieu Cerf, le roi des Dieux de la forêt.

La visite de la ville de la forteresse par Ashitaka est une séquence où Hayao Miyazaki fait preuve, ce qui est rare, de sensualité dans la description de l’univers féminin. Eboshi travaille entourée de nombreuses femmes qu’elle a sauvées de la prostitution. Elles sont devenues libres dans ce lieu et ont la tâche de faire fonctionner les forges. Leurs tenues sont légères, elles trouvent Ashitaka séduisant. Quand il enlève sa tunique pour actionner les machines avec elles, une tension érotique inédite se crée. Véritable audace chez Miyazaki.

Personnage secondaire dans la première partie, San alias Mononoké, prend de l’ampleur dans la deuxième heure. C’est aussi la découverte de la forêt et des occupants. On y découvre le sylvain, un étrange animal blanc et rond qui émet un cliquètement quand il tourne la tête, des animaux qui parlent (le sanglier, le loup) et bien entendu le Dieu cerf dont l’arrivée au coucher du soleil est un enchantement visuel. Son sourire apaisant, son calme quand il marche sur l’eau et ses pas qui font fleurir l’herbe, sur une superbe musique de Joe Hisaishi, sont des moments de grâce.

Face à cette grâce, la guerre totale approche menée par Eboshi, têtue comme une mule qui ne voit que son intérêt dans la destruction de la forêt. Elle est aidée par des samouraïs et doit lutter contre San qui est tout autant bornée qu’Eboshi dans sa haine des hommes. Le pauvre Ashikata a toutes les peines du monde à sauver ces mondes en perdition. L’art du suspense que déploie le cinéaste est bien plus intense que lors des guerres vues dans Le Château dans le ciel ou dans Porco Rosso, plus bouleversant et plus chargé d’émotion.

Princesse Mononoké (もののけ姫, Japon, 1997) Un film de Hayao Miyazaki avec les voix de Takako Fuji, Yuriko Ishida, Leslie Ishii, Tsunehiko Kamijô, Kaoru Kobayashi, Yoshimasa Kondô, Yôji Matsuda, Akihiro Miwa, Mitsuko Mori, Hisaya Morishige, Akira Nagoya, Masahiko Nishimura, Sumi Shimamoto, Tetsu Watanabe.

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