Avec
Le Château ambulant, Princesse Mononoké est l’un des films
les plus tristes et mélancoliques d’Hayao Miyazaki. C’est un Japon légendaire
qui est décrit, un pays où les forêts recouvrent tout le pays et où les Dieux
animaux règnent encore. Le premier ce des Dieux à apparaitre est un sanglier
gigantesque qui ravage tout sur son passage, les arbres, la prairie et les
hommes. Autour de lui, un étrange amas gluant noir dont l’aspect évoque autant
des vers de terre que des serpents et qui a pris possession de son corps comme
de son âme. C’était un Dieu, c’est devenu un monstre.
Pour
parler écolo (et le film est une ode à la nature), le sanglier géant menaçait
le fragile écosystème du village d’Ashitaka, jeune homme courageux qui défend
les habitants avec ses flèches. Ashitaka chevauche un chowka roux, sorte d’élan à grandes cormes, qu’il nomme Yakkuru. Ce
superbe animal à qui il parle, (il est magnifiquement dessiné) est le meilleur
ami du jeune homme. On ne verra d’ailleurs que quelques silhouettes de ses compatriotes,
des enfants, un vigile, la chamane, le conseil du village. Ashitaka va partir
pour découvrir ce qui a pu arriver au Dieu sanglier.
Le
terrible mal qui a tué le sanglier a contaminé Ashitaka. Son bras droit est
strié de larges marques noires qui rendent le jeune homme extrêmement violent
quand il se met en colère ou que l’émotion est trop forte. Ainsi lors d’une
attaque d’un village de paysans par des samouraïs sans pitié, ses flèches
décapitent ou amputent les samouraïs. Sa douceur naturelle, montrée en début de
film, se transforme en accès en folie furieuse. Lui-même ne se reconnait plus
et tente de calmer ses ardeurs. Cette force va lui être parfois très utile,
chaque fois à son corps défendant.
Ashitaka
monte un chowka et San monte un loup. San a le même âge que lui, c’est elle la
princesse Mononoké. Son passé restera relativement mystérieux. On apprend
qu’elle a été rejeté par les humains et élever par une louve, aussi gigantesque
que le sanglier. Elle voue une haine envers les humains qui détruisent la forêt
et, avec elle, les créatures qui y vivent. La première apparition de San est
courte et fugace. Elle ne prononcera pas un mot et son visage est rempli de
sang. Son animalité est immédiatement mise en avant. Ashitaka reconnait son
alter ego qu’il faudra convaincre des ses bonnes intentions.
La
forêt est donc menacée par les hommes. Ou plus précisément par une femme.
Madame Eboshi est l’incarnation de l’élégance, contrairement à San toute
dépenaillée. Eboshi règne d’une main de fer sur une forteresse qui exploite les
minerais. Elle est non seulement responsable de l’abattage des arbres (qui
servent pour les hauts fourneaux) mais aussi de la mort du Dieu sanglier sur
lequel elle avait tiré une balle de métal. Eboshi ne croit plus à ces vieilles
légendes ancestrales et veut abattre le Dieu Cerf, le roi des Dieux de la
forêt.
La
visite de la ville de la forteresse par Ashitaka est une séquence où Hayao
Miyazaki fait preuve, ce qui est rare, de sensualité dans la description de
l’univers féminin. Eboshi travaille entourée de nombreuses femmes qu’elle a
sauvées de la prostitution. Elles sont devenues libres dans ce lieu et ont la
tâche de faire fonctionner les forges. Leurs tenues sont légères, elles
trouvent Ashitaka séduisant. Quand il enlève sa tunique pour actionner les
machines avec elles, une tension érotique inédite se crée. Véritable audace
chez Miyazaki.
Personnage
secondaire dans la première partie, San alias Mononoké, prend de l’ampleur dans
la deuxième heure. C’est aussi la découverte de la forêt et des occupants. On y
découvre le sylvain, un étrange
animal blanc et rond qui émet un cliquètement quand il tourne la tête, des
animaux qui parlent (le sanglier, le loup) et bien entendu le Dieu cerf dont
l’arrivée au coucher du soleil est un enchantement visuel. Son sourire
apaisant, son calme quand il marche sur l’eau et ses pas qui font fleurir
l’herbe, sur une superbe musique de Joe Hisaishi, sont des moments de grâce.
Face
à cette grâce, la guerre totale approche menée par Eboshi, têtue comme une mule
qui ne voit que son intérêt dans la destruction de la forêt. Elle est aidée par
des samouraïs et doit lutter contre San qui est tout autant bornée qu’Eboshi
dans sa haine des hommes. Le pauvre Ashikata a toutes les peines du monde à
sauver ces mondes en perdition. L’art du suspense que déploie le cinéaste est
bien plus intense que lors des guerres vues dans Le
Château dans le ciel ou dans Porco Rosso,
plus bouleversant et plus chargé d’émotion.
Princesse
Mononoké (もののけ姫, Japon, 1997)
Un film de Hayao Miyazaki avec les voix de Takako Fuji, Yuriko Ishida, Leslie
Ishii, Tsunehiko Kamijô, Kaoru Kobayashi, Yoshimasa Kondô, Yôji Matsuda,
Akihiro Miwa, Mitsuko Mori, Hisaya Morishige, Akira Nagoya, Masahiko Nishimura,
Sumi Shimamoto, Tetsu Watanabe.
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