Au
tout début de Mes voisins les Yamada,
précédent film d’Isao Takahata sorti en 1999, on découvrait métaphoriquement
les jeunes années des parents et on apprenait que leur fils était né dans un
chou et que leur fille venait d’un bambou. La ressemblance des scènes de
naissance entre le bébé Yamada et la princesse Kaguya est frappante, le
cinéaste japonais fait le lien entre ses deux films également avec l’animation
tout en croquis, esquisse au crayon ou gouache légère, des dessins qui semblent
parfois encore inachevés laissant au spectateur le soin de laisser courir son
imagination.
Ce
qui traverse tout Le Conte de la
Princesse Kaguya, c’est l’opposition constante entre la nature et la
culture, le trivial et le noble, la forêt et la ville. Le bon gros coupeur de
bambou est un homme sympathique qui trouve dans un bambou qui pousse, d’où
jaillit une lumière, une minuscule enfant, déjà toute habillée. Sa femme la
prend pour une poupée. Le premier quart du film est consacré à la petite
enfance de Kaguya qui grandit si vite. A peine bébé qui rampe, elle se met à se
lever, puis à jouer avec les enfants voisins, enfin à parler. Cela lui vaudra
le surnom de « Pousse de Bambou » puisqu’elle grandit aussi vite que
l’arbre.
La
vie de paysan n’est pas faite pour Pousse de Bambou, estime son père adoptif
qui l’appelle Princesse. Il ne veut que son bonheur et ce bonheur passe par
l’argent. Il a trouvé des pièces d’or dans le bambou et décide de construire
une belle demeure dans la capitale. Pendant ce temps, l’enfant grandit encore,
devient l’amie du fougueux Sutemaru. Ils ont faim, ils volent un melon ou
chassent un faisan. Couvée par ses parents adoptifs, Pousse de Bambou découvre
la rude vie de la famille de Sutermaru. Ses parents fabriquent des bols en bois
dont Isao Takahata montre le façonnage du début à la fin.
L’arrivée
à la capitale est pour Pousse de Bambou un déchirement. Elle doit non seulement
abandonner ses camarades mais en plus on la confie à une préceptrice sévère,
Madame Sagami qui vient de la cour impériale. Pour le père de Kaguya, qui a tôt
fait de troquer ses habits de forestier pour ceux plus nobles de maître de
maison, c’est ainsi que Kaguya doit désormais vivre. Elle devra recevoir les
meilleures manières, apprendre à sa farder, à jouer du koto, à peindre des
calligraphies. Elle en fait baver à son éducatrice sous l’œil amusé de sa
servante, une étrange jeune femme silencieuse et souriante.
L’une
des séquences les plus étonnantes du film montre toute la détresse de la jeune
femme au milieu de ce panier de crabes. Alors que les prétendants, tous plus
laids et prétentieux les uns que les autres, ne cessent de défiler dans le
demeure en quête d’un mariage vénal, Kaguya s’enfuit avec violence. Le dessin
change passant des traits d’une douceur feutrée à des griffonnages grisâtres et
désespérés. Elle retourne, jetant ses kimonos qui deviennent des loques, au
village où elle ne reconnait rien et où tous ses amis ont disparu. Même lorsqu’elle
rêve de s’enfuir, sa vie continue d’être un cauchemar.
Le
film montre un personnage enfermé dans un monde de tristesse que ses parents,
sa préceptrice et ses prétendants jugent idéal. Ils se conforment à des règles
strictes que Kaguya refuse. La balade qu’elle fait avec sa mère et sa servante
pour sentir les fleurs est aussi décevante que son rêve d’évasion. Elle
rencontre une dernière fois Sutermaru et constate que son bonheur est derrière
elle. Isao Takahata insiste parfois un peu trop sur cette nostalgie, oppose de
manière appuyée les deux mondes pour démontrer que la nature est plus belle que
les quatre murs d’un palais doré.
Le
Conte de la Princesse Kaguya (かぐや姫の物語, Japon, 2014)
Un film d’Isao Takahata avec les voix d’Aki Asakura, Kengo Kora, Takeo Chii, Nobuko
Miyamoto, Atsuko Takahata, Tomoko Tabata, Tatekawa Shinosuke, Takaya Kamikawa,
Hikaru Ijūin, Ryudo Uzaki, Nakamura Shichinosuke, Isao Hashizume, Yukiji
Asaoka, Tatsuya Nakadai.
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