Tout comme les deux sœurs de Mon voisin Totoro, comme Kiki dans Kiki la petite sorcière, la fillette du Voyage
de Chihiro quitte son ancienne vie pour une nouvelle. Un déménagement qui
ne lui plait pas. Elle abandonne ses amis avec comme souvenir une petite carte
d’adieu et un bouquet qu’elle sert tellement fort que les fleurs commencent à
faner. Le portrait qui est fait de Chihiro, gamine de dix ans, en ouverture du
film n’est pas des plus flatteurs. Peureuse, inattentive et empotée. Elle n’est
pas prête à s’embarquer dans le voyage qui s’offre à elle.
Ce
voyage commence quand le père se trompe de chemin pour aller vers leur nouvelle
maison. Un tunnel mène la famille dans une grande prairie puis dans des vieux
bâtiments que le père identifie comme un ancien parc d’attractions qui aurait
fait faillite. Par chance, un stand de restauration, où ils se servent sans
vergogne, est ouvert. Pendant ce temps, Chihiro va visiter le parc et quand
elle revient, ses parents se sont transformés en deux énormes cochons qui se
bâfrent, renversant les plats et la bouffe. Affolée, la fillette prend ses
jambes à son cou et s’enfuit.
L’autre
monde s’éveille quand tombe la nuit, le moment où d’habitude les gens se
mettent à rêver, et Chihiro pense effectivement rêver quand elle découvre le
parc d’attractions s’animer, quand les lumières s’allument et que d’étranges
formes sombres se déplacent dans les allées. Elle a beau se pincer pour se
réveiller, c’est une nouvelle réalité qui prend corps devant elle. C’est Haku,
un garçon un peu plus âgé qu’elle, qui l’attrape par le bras, lui demandant ce
qu’elle fait ici, elle une humaine dans cet univers fantomatique. Elle menace
la tranquillité du lieu et elle-même est en danger.
L’univers
du Voyage de Chihiro est très
hiérarchisé, explique Haku faisant visiter le Palais des Bains à Chihiro. Tout
en bas, se trouvent les ouvriers : les boules de suie qui portent des
morceaux de charbon sur l’ordre de Kamaji, un vieillard au corps d’araignée
dont les bras s’allongent pour faire marcher la chaudière. Au dessus, les
clients sont accueillis par des hôtesses au visage ovale et des tenanciers qui
sont des crapauds bavards. Sur ce beau monde, règne Yubaba, une vieille femme pleine
de rides, à la tête gigantesque sur un corps minuscule et qui passe son temps à
admirer ses bijoux.
La
galerie de créatures fantomatiques ou demi-dieux est l’un des nombreux plaisirs
du film. Gros monstres blancs tout patauds au pas qui couinent, oiseaux jaunes
au grand sourire, dragons volants, grenouilles, ectoplasme noir au masque blanc.
Yubaba se transforme le soir en oiseau rapace. Dans son domaine, elle est
accompagnée de trois têtes vertes qui sautillent pour se déplacer. Dans sa
chambre vit un bébé au corps gigantesque qui passe son temps à faire des
caprices. Chihiro découvre tout cela les yeux écarquillés entre la crainte
d’être attaquée par un monstre et la curiosité enfantine.
Ces
beaux moments au registre volontiers comique sont contrebalancés par les drames
qui subissent plusieurs personnages. Chihiro se rend compte que Haku a été fait
prisonnier par Yubaba. Elle l’a rendu amnésique et ce sort risque d’arriver à
Chihiro qui doit changer son nom. Elle s’appellera désormais Sen. C’est la
première étape vers l’oubli de sa vie passée. Ses parents sont toujours des
cochons. Yubaba la menace de les découper en lardons si Chihiro ne lui obéit
pas. Haku, ainsi que beaucoup d’autres personnages, va l’aider à retourner dans
son monde et réciproquement Chihiro va aider Haku à se défaire de l’emprise de
Yubaba.
J’ai
toujours considéré Le Voyage de Chihiro
comme le meilleur film d’Hayao Miyzazaki. Le plus équilibré dans ces
changements de ton, entre la comédie burlesque et l’émotion pure sublimés par
la partition musicale de Joe Hisaishi. Le plus réjouissant visuellement avec
tous ces personnages bigarrés, ses décors incroyables, ces couleurs
chatoyantes. Le plus harmonieux dans les nombreux récits croisés qui vont à
mille à l’heure. J’avais gardé ce délice pour la fin de ma rétrospective des
films de l’équipe Ghibli.
Le
Voyage de Chihiro (千と千尋の神隠し, Japon, 2001)
Un film de Hayao Miyazaki avec les voix de Rumi Hiiragi, Takashi Naitô, Yasuko
Sawaguchi, Miyu Irino, Bunta Sugawara, Mari Natsuki, Yumi Tamai, Tatsuya
Gashûin, Akio Nakamura, Ryûnosuke Kamiki, Koba Hayashi, Tsunehiko Kamijô,
Takehiko Ono.
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