samedi 28 juin 2014

Le Voyage de Chihiro


Tout comme les deux sœurs de Mon voisin Totoro, comme Kiki dans Kiki la petite sorcière, la fillette du Voyage de Chihiro quitte son ancienne vie pour une nouvelle. Un déménagement qui ne lui plait pas. Elle abandonne ses amis avec comme souvenir une petite carte d’adieu et un bouquet qu’elle sert tellement fort que les fleurs commencent à faner. Le portrait qui est fait de Chihiro, gamine de dix ans, en ouverture du film n’est pas des plus flatteurs. Peureuse, inattentive et empotée. Elle n’est pas prête à s’embarquer dans le voyage qui s’offre à elle.

Ce voyage commence quand le père se trompe de chemin pour aller vers leur nouvelle maison. Un tunnel mène la famille dans une grande prairie puis dans des vieux bâtiments que le père identifie comme un ancien parc d’attractions qui aurait fait faillite. Par chance, un stand de restauration, où ils se servent sans vergogne, est ouvert. Pendant ce temps, Chihiro va visiter le parc et quand elle revient, ses parents se sont transformés en deux énormes cochons qui se bâfrent, renversant les plats et la bouffe. Affolée, la fillette prend ses jambes à son cou et s’enfuit.

L’autre monde s’éveille quand tombe la nuit, le moment où d’habitude les gens se mettent à rêver, et Chihiro pense effectivement rêver quand elle découvre le parc d’attractions s’animer, quand les lumières s’allument et que d’étranges formes sombres se déplacent dans les allées. Elle a beau se pincer pour se réveiller, c’est une nouvelle réalité qui prend corps devant elle. C’est Haku, un garçon un peu plus âgé qu’elle, qui l’attrape par le bras, lui demandant ce qu’elle fait ici, elle une humaine dans cet univers fantomatique. Elle menace la tranquillité du lieu et elle-même est en danger.

L’univers du Voyage de Chihiro est très hiérarchisé, explique Haku faisant visiter le Palais des Bains à Chihiro. Tout en bas, se trouvent les ouvriers : les boules de suie qui portent des morceaux de charbon sur l’ordre de Kamaji, un vieillard au corps d’araignée dont les bras s’allongent pour faire marcher la chaudière. Au dessus, les clients sont accueillis par des hôtesses au visage ovale et des tenanciers qui sont des crapauds bavards. Sur ce beau monde, règne Yubaba, une vieille femme pleine de rides, à la tête gigantesque sur un corps minuscule et qui passe son temps à admirer ses bijoux.

La galerie de créatures fantomatiques ou demi-dieux est l’un des nombreux plaisirs du film. Gros monstres blancs tout patauds au pas qui couinent, oiseaux jaunes au grand sourire, dragons volants, grenouilles, ectoplasme noir au masque blanc. Yubaba se transforme le soir en oiseau rapace. Dans son domaine, elle est accompagnée de trois têtes vertes qui sautillent pour se déplacer. Dans sa chambre vit un bébé au corps gigantesque qui passe son temps à faire des caprices. Chihiro découvre tout cela les yeux écarquillés entre la crainte d’être attaquée par un monstre et la curiosité enfantine.

Ces beaux moments au registre volontiers comique sont contrebalancés par les drames qui subissent plusieurs personnages. Chihiro se rend compte que Haku a été fait prisonnier par Yubaba. Elle l’a rendu amnésique et ce sort risque d’arriver à Chihiro qui doit changer son nom. Elle s’appellera désormais Sen. C’est la première étape vers l’oubli de sa vie passée. Ses parents sont toujours des cochons. Yubaba la menace de les découper en lardons si Chihiro ne lui obéit pas. Haku, ainsi que beaucoup d’autres personnages, va l’aider à retourner dans son monde et réciproquement Chihiro va aider Haku à se défaire de l’emprise de Yubaba.

J’ai toujours considéré Le Voyage de Chihiro comme le meilleur film d’Hayao Miyzazaki. Le plus équilibré dans ces changements de ton, entre la comédie burlesque et l’émotion pure sublimés par la partition musicale de Joe Hisaishi. Le plus réjouissant visuellement avec tous ces personnages bigarrés, ses décors incroyables, ces couleurs chatoyantes. Le plus harmonieux dans les nombreux récits croisés qui vont à mille à l’heure. J’avais gardé ce délice pour la fin de ma rétrospective des films de l’équipe Ghibli.

Le Voyage de Chihiro (千と千尋の神隠し, Japon, 2001) Un film de Hayao Miyazaki avec les voix de Rumi Hiiragi, Takashi Naitô, Yasuko Sawaguchi, Miyu Irino, Bunta Sugawara, Mari Natsuki, Yumi Tamai, Tatsuya Gashûin, Akio Nakamura, Ryûnosuke Kamiki, Koba Hayashi, Tsunehiko Kamijô, Takehiko Ono.

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