lundi 13 janvier 2014

La Légende de Zatoïchi 17 : La Route sanglante


Les rencontres du hasard ont toujours été au départ des histoires des Zatoichi. Dans La  Route sanglante, Zatoichi (Shintaro Katsu) après avoir mangé un kaki (le film se déroule en hiver) rencontre une mère mourante qui lui confie son fils de six ans, Ryota. Voici Zatoichi devenu baby-sitter. Ils partent tous les deux retrouver le père de l’enfant. Ce dernier s’avère espiègle, un peu capricieux et pleurnichard, donnant dans sa première partie quelques moments de légèreté.

Sur leur chemin, le masseur et le gamin croisent une troupe de théâtre. Les larges fanions colorés et les chants de Tayu, la meneuse de la troupe, attire Ryota qui courre à la leur rencontre, laissant Zatoichi en plan et un peu furieux contre l’impulsivité du gamin. Les sourires sont là malgré le drame de la mort de la mère du petit mais ils vont vite laisser la place à la désillusion quand deux clans rivaux veulent que les comédiens jouent pour leurs chefs respectifs.

L’objectif principal est d’amener les deux enjeux majeurs du film. Tout d’abord montrer la gangrène du système des clans, piliers du pouvoir shogunal. Les parrains se disputent pour des broutilles, pour savoir qui aura le dernier mot dans cette dispute de la représentation théâtrale. De ce point de vue, Tayu ne se laisse pas faire mais quand son hôte est brutalement assassiné par le clan rival, sa troupe doit s’enfuir aussi vite que possible. Elle propose à Zatoichi de l’accompagner avec l’enfant. Il doit poursuivre sa mission.

Ensuite, cela permet de montrer les liens qui se tissent petit à petit entre le masseur et Ryota. Habituellement, Zatoichi fait en sorte de ne pas s’attacher à quiconque, de rester en dehors de l’affection qu’on peut lui porter. C’est ce qui lui permet de continuer à lutter contre ses adversaires, de ne pas se laisser encombrer de regrets et de souvenirs. L’enfant est d’abord insupportable aux yeux de Zatoichi. Mais ce dernier se comporte souvent lui-même comme un enfant, feignant l’innocence pour mieux berner ses adversaires. Puis, ils vont s’apprivoiser.

Zatoichi doit ramener l’enfant à son père mais l’attachement du petit se fait bientôt plus fort que prévu. Lors de leur voyage, il dessine dans la terre le visage de sa mère, puis ce sera celui de Zatoichi sur une feuille de papier. Le masseur pense que l’enfant a dessiné sa mère et quand il retrouve le père, ce dernier comprend que Zatoichi est devenu comme un père pour son fils. Pourtant l’hérédité est là puisque le père est lui-même un grand dessinateur, retenu prisonnier par le parrain du clan pour produire des scènes érotiques interdites. Le père du petit est tout autant Zatoichi que son géniteur.

S’il est bien un adversaire que Zatoichi ne peut pas duper, c’est le samouraï errant Akazuka (Jûshirô Konoe) qui traverse le film tel un fantôme. Partout où Zatoichi se trouve, Akazuka est là. Ce samouraï est une énigme. Les discussions entre les deux hommes sont badines, parlant de la pluie et du beau temps, puis la mission d’Akazuka est finalement révélée, contrariant la mission de Zatoichi. Leur affrontement final dans la neige qui se met subitement à tomber à gros flocons est d’une grande beauté, contrastant avec la mise en scène jusque là plus sobre du cinéaste. Le film passe ainsi des couleurs chaudes illustrant le ton de comédie aux teintes glaciales, métaphore des drames intérieurs des personnages.

La Légende de Zatoïchi 17 : La Route sanglante (座頭市血煙り街道, Japon, 1967) Un film de Kenji Misumi avec Shintarô Katsu, Jûshirô Konoe, Miwa Takada, Yukiji Asaoka, Mikiko Tsubouchi, Mie Nakao, Takao Ito, Asao Koike, Midori Isomura, Tatsuo Matsumura, Eitarô Ozawa, Jotaro Chinami, Kôjirô Kusanagi, Kenzô Tabu, Osami Nabei.

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