Les
rencontres du hasard ont toujours été au départ des histoires des Zatoichi.
Dans La
Route sanglante, Zatoichi (Shintaro Katsu) après avoir mangé un kaki
(le film se déroule en hiver) rencontre une mère mourante qui lui confie son
fils de six ans, Ryota. Voici Zatoichi devenu baby-sitter. Ils partent tous les
deux retrouver le père de l’enfant. Ce dernier s’avère espiègle, un peu
capricieux et pleurnichard, donnant dans sa première partie quelques moments de
légèreté.
Sur
leur chemin, le masseur et le gamin croisent une troupe de théâtre. Les larges
fanions colorés et les chants de Tayu, la meneuse de la troupe, attire Ryota
qui courre à la leur rencontre, laissant Zatoichi en plan et un peu furieux
contre l’impulsivité du gamin. Les sourires sont là malgré le drame de la mort
de la mère du petit mais ils vont vite laisser la place à la désillusion quand
deux clans rivaux veulent que les comédiens jouent pour leurs chefs respectifs.
L’objectif
principal est d’amener les deux enjeux majeurs du film. Tout d’abord montrer la
gangrène du système des clans, piliers du pouvoir shogunal. Les parrains se
disputent pour des broutilles, pour savoir qui aura le dernier mot dans cette
dispute de la représentation théâtrale. De ce point de vue, Tayu ne se laisse
pas faire mais quand son hôte est brutalement assassiné par le clan rival, sa
troupe doit s’enfuir aussi vite que possible. Elle propose à Zatoichi de
l’accompagner avec l’enfant. Il doit poursuivre sa mission.
Ensuite,
cela permet de montrer les liens qui se tissent petit à petit entre le masseur
et Ryota. Habituellement, Zatoichi fait en sorte de ne pas s’attacher à
quiconque, de rester en dehors de l’affection qu’on peut lui porter. C’est ce
qui lui permet de continuer à lutter contre ses adversaires, de ne pas se
laisser encombrer de regrets et de souvenirs. L’enfant est d’abord
insupportable aux yeux de Zatoichi. Mais ce dernier se comporte souvent
lui-même comme un enfant, feignant l’innocence pour mieux berner ses
adversaires. Puis, ils vont s’apprivoiser.
Zatoichi
doit ramener l’enfant à son père mais l’attachement du petit se fait bientôt
plus fort que prévu. Lors de leur voyage, il dessine dans la terre le visage de
sa mère, puis ce sera celui de Zatoichi sur une feuille de papier. Le masseur pense
que l’enfant a dessiné sa mère et quand il retrouve le père, ce dernier
comprend que Zatoichi est devenu comme un père pour son fils. Pourtant
l’hérédité est là puisque le père est lui-même un grand dessinateur, retenu
prisonnier par le parrain du clan pour produire des scènes érotiques
interdites. Le père du petit est tout autant Zatoichi que son géniteur.
S’il
est bien un adversaire que Zatoichi ne peut pas duper, c’est le samouraï errant
Akazuka (Jûshirô
Konoe) qui traverse le film tel un fantôme. Partout où Zatoichi se trouve,
Akazuka est là. Ce samouraï est une énigme. Les discussions entre les deux
hommes sont badines, parlant de la pluie et du beau temps, puis la mission
d’Akazuka est finalement révélée, contrariant la mission de Zatoichi. Leur affrontement
final dans la neige qui se met subitement à tomber à gros flocons est d’une
grande beauté, contrastant avec la mise en scène jusque là plus sobre du
cinéaste. Le film passe ainsi des couleurs chaudes illustrant le ton de comédie
aux teintes glaciales, métaphore des drames intérieurs des personnages.
La
Légende de Zatoïchi 17 : La Route sanglante (座頭市血煙り街道, Japon, 1967)
Un film de Kenji Misumi avec Shintarô Katsu, Jûshirô Konoe, Miwa Takada, Yukiji
Asaoka, Mikiko Tsubouchi, Mie Nakao, Takao Ito, Asao Koike, Midori Isomura, Tatsuo
Matsumura, Eitarô Ozawa, Jotaro Chinami, Kôjirô Kusanagi, Kenzô Tabu, Osami
Nabei.
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