dimanche 11 octobre 2009

La Pétition – La cour des plaignants


La Pétition est un film terrible, terrifiant et térébrant. Très vite, on a mal, on a l’estomac noué devant la situation inextricable des personnes que Zhao Liang filme depuis dix ans dans un quartier de banlieue de Pékin. Ils habitent tous le « village des plaignants », ils son pétitionnaires et attendent tous que justice leur soit rendue. Certains sont là depuis des années et tous les jours, ils vont au bureau des plaintes pour faire valoir leur droit. Ils viennent de partout en Chine, souvent de régions éloignées. Ils sont de condition très modeste et vivent sans un sou. Ils survivent plutôt dans un espoir qui ne sera jamais récompensé.


Les plaignants luttent contre la corruption qui gangrène les édiles locaux et les chefs de gouvernement régionaux qui se sont arrogé tous les pouvoirs. Ils sont victimes de justice expéditive et bâclée qui s’est abattue sur eux quand ils ne pouvaient pas payer. Ils ont du confronter les faux témoignages et viennent laver l’honneur d’un frère torturé et désormais handicapé, d’un mari décédé, d’une mère abusivement licenciée et sans indemnité. C’est un portrait noir de la Chine qui est dressé sans pathos. Un homme, Zhang Weiye, explique à la fin du film qu’il doit vivre terré sous un pont, qu’il serait mieux en prison parce qu’au moins il y aurait de la lumière. Ces gens sont victimes du totalitarisme de la République Populaire de Chine.


Paradoxalement, le bureau des plaintes a été instauré par l’état chinois pour contrôler la manière dont les gouvernements locaux gèrent les affaires régionales. L’intention était bonne mais cela se retourne contre les plaignants. Car si les plaintes sont enregistrées, elles ne sont pas suivies. C’est un double contrôle qui s’abat sur les pétitionnaires qui paient le prix fort leur obstination. Ils doivent lutter contre les rabatteurs qui, sans prendre de gants, les incitent à retirer les plaintes. Les plaignants sont régulièrement menacés et battus par ces nouveaux gardes rouges. La police est bien entendu contre les plaignants et ne les défendent pas. Au contraire, ils les arrêtent et les jettent en prison illégalement. Un moment fort de La Pétition montre quelques habitants du village ramasser au bord d’une ligne des chemins de fer les morceaux de chair d’une vieille femme écrasée par un train tandis qu’elle était poursuivie par des rabatteurs.


Le film suit tout particulièrement le destin de Qi Yuaying et de sa fille Fang Xiaojuan. Madame Qi est là depuis le milieu des années 1990. Son mari est mort sous les coups de la police après un procès truqué. Elle a amené avec elle sa fille, alors enfant, dans le village des plaignants. Xiaojuan n’a connu que cette vie de misère, de faim, de froid et de peur. Chaque jour, elles vont au bureau des plaintes où elles se font insulter et humilier. Il est interdit d’y filmer, Zhao Liang filme en caméra cachée. La mère n’a plus qu’une obsession : qu’on lui rende justice. Elle est dure, son visage est fermé, elle vit dans la folie qu’on lui impose. Quand sa fille veut partir, ce qu’elle fait, son monde s’écroule. Quand Xiaojuan revient mariée et maman, Madame Qi ne veut pas la voir. Elle s’estime trahie. On souffre de voir cela. La Pétition se termine dans les fastes des Jeux Olympiques de Pékin. Le village des plaignants a été rasé et transformé en gare. Mais, les pétitionnaires sont encore là, ailleurs, en train d’attendre que l’Histoire leur rende justice. Ce film, essentiel, triste et juste, est là aussi pour ça.


La Pétition – La cour des plaignants (上訪, Chine – France, 2009) Un film de Zhao Liang avec les témoignages de Fang Xiaojuan, Qi Yuaying, Grand-mère Pan, Zhang Weiye, Liu Chunbao.

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