samedi 17 octobre 2009

Une page folle


Pendant des années, on a cru le film perdu jusqu’à ce que Teinosuke Kinugasa retrouve une copie chez lui au début des années 1970. Une page folle est donc sorti dans de nombreux pays, dont la France le 5 mars 1975, accompagné d’une musique contemporaine et expérimentale. Une page folle a été produit par une compagnie japonaise en 1926 qui s’appelait la « Fédération du film néo-sensationniste ». Tout un programme.


Les dix premières minutes sont un flot d’images sans sens réel. On y voit une femme danser sans coordination, comme si elle suivait une mélopée. Des plans d’eau surgissent de son visage, un bébé apparait, puis le visage en gros plan d’un vieil homme en uniforme. On touche l’abstraction expérimentale. On se demande qui sont toutes ces femmes. Sommes-nous dans un bordel ? Non, dans un hôpital psychiatrique. Le vieil homme a un rapport avec la femme. Des infirmières font leu entrée dans le champ, puis un médecin à lunettes. Le reste du film sera plus linéaire.


Une page folle décrit l’univers de la folie. Il se place à l’intérieur d’un asile. Les malades sont enfermés dans des cellules et la caméra se place toujours devant les barreaux. Les malades sont donc enfermés tels des prisonniers. Les décors sont nus, froids, les couloirs sont longs et nous ne sortiront jamais de cet asile, à l’exception d’une scène de danse fantasmée lorsque le vieil homme commence lui aussi à sombrer dans la folie. Il cherche à comprendre la folie de sa femme et pourquoi elle a noyé leur fils.


Le film cherche également à entrer dans le cerveau de la femme. Pour cela, Kinugasa pratique un cinéma expérimental très en vogue dans ces années 1920. Le film ressemble moins à ce que faisait Eisenstein ou autres Fritz Lang qu’au cinéma de Germaine Dulac, sans que je sache dans quelle mesure le cinéaste avait un accès à ces films. Le film regorge de surimpressions, de mouvements panoramiques très rapides, d’images anamorphosées, de décadrages obliques, de jeux sur l’ombre mais pas d’inversion négatif/positif comme a pu le faire Murnau. J’imagine donc que le cinéma allemand n’était peut-être pas encore arrivé jusqu’au Japon en 1926.


Teinosuke Kinugasa joue surtout sur les visages de ses interprètes, notamment ceux qui interprètent les aliénés. Ils sont habillés de blanc et grimacent, font des yeux exorbités qui pourraient sortir des orbites à tout moment. Une rébellion éclate parmi les malades et c’est tout un ballet qui s’anime pour finir avec des masques mortuaires japonais. Mais sans doute tout cela n’était que le rêve du vieil homme que l’on retrouve en fin de film balayant les couloirs tandis que ceux qui venaient de l’attaquer le saluent.


Une page folle (狂った一頁, Japon, 1926) Un film de Teinosuke Kinugasa avec Masuo Inoue, Yoshie Nakagawa, Ayako Iijima, Hiroshi Nemoto, Misao Seki, Eiko Minami, Kyosuke Takamatsu, Minoru Takase, Tetsu Tsuboi.

Aucun commentaire: