dimanche 13 juin 2010

Claustrophobia

Ils sont cinq dans une voiture. Thomas (Ekin Cheng) conduit. Sur sa gauche, au siège passager, Karl (Felix Lok), derrière Pearl (Karena Lam) et Jewel (Chucky Woo) et au milieu John (Derek Tsang). Ils partent du travail, rentrent chez eux. A fur et à mesure du trajet, chacun quitte la voiture. Ils ne se disent pas grand-chose, mais des regards laissent sous entendre qu’ils aimeraient se parler, évoquer ce qui pourraient les lier les uns avec les autres. Chacun de ces cinq personnages aimeraient s’aimer mais n’iront pas plus loin que leur relation de collègues. Le sujet de Claustrophobia, premier film en tant que réalisatrice d’Ivy Ho, est l’incommunicabilité.


La scène inaugurale dure près de vingt minutes. Le spectateur, comme les personnages sont coincés dans cette voiture filmée dans des tons verdâtres qui tournent au glauque (je parle de la couleur). Jewel joue avec son portable incrusté de perles rouges, des babioles. John a des regards langoureux qu’il tente de réprimer. Pearl regarde Thomas et Karl est le premier à partir. Les discussions portent sur le travail. Il n’y a aucun sous entendu dans les dialogues. On se croirait presque dans un film d’Abbas Kiarostami.


Ivy Ho filme en douceur les soubresauts des âmes de ses personnages. Ils restent obscurs et ne se dévoilent que très lentement. Claustrophobia déroule son récit à l’envers, une semaine plus tôt, un mois plus tôt, six mois plus tôt, un an plus tôt. On apprend à connaître les personnages qui se découvrent eux-mêmes et là, on se rend compte que la situation traine depuis des lustres, que toutes les frustrations sentimentales que chacun exerce sur l’autre n’évolue pas. On est très loin des rapports employés / patron qui faisaient la romance humoristique de Needing you de Johnnie To et Wai Ka-fai.


Il faut en fin de compte une bonne dose de courage pour tourner une romance en sourdine telle que Claustrophobia. A Hong Kong, c’est très rare de voir des personnages ne pas exprimer leurs sentiments, ne pas aller jusqu’au bout de leur volonté. Paradoxalement, cette atmosphère éthérée apporte un supplément de réalité, et comme le titre l’indique, un sentiment de claustrophobie. Les acteurs, Ekin Cheng en tête, sont tous d’une sobriété que l’on n’imaginait plus. Eric Tsang, dans sa courte apparition, est très en dessous de son habituel registre. Ivy Ho, l’une des scénaristes les plus reconnues de films romantiques, a récidivé en tenant la bribe à Jacky Cheung dans Crossing Hennessy. Une cinéaste à suivre.


Claustrophobia (親密, Hong Kong, 2008) Un film de Ivy Ho avec Karena Lam, Ekin Cheng, Andy Hui, Eric Tsang, Felix Lok, Derek Tsang, Chucky Woo.

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