mercredi 25 juin 2014

Le Conte de la Princesse Kaguya


Au tout début de Mes voisins les Yamada, précédent film d’Isao Takahata sorti en 1999, on découvrait métaphoriquement les jeunes années des parents et on apprenait que leur fils était né dans un chou et que leur fille venait d’un bambou. La ressemblance des scènes de naissance entre le bébé Yamada et la princesse Kaguya est frappante, le cinéaste japonais fait le lien entre ses deux films également avec l’animation tout en croquis, esquisse au crayon ou gouache légère, des dessins qui semblent parfois encore inachevés laissant au spectateur le soin de laisser courir son imagination.

Ce qui traverse tout Le Conte de la Princesse Kaguya, c’est l’opposition constante entre la nature et la culture, le trivial et le noble, la forêt et la ville. Le bon gros coupeur de bambou est un homme sympathique qui trouve dans un bambou qui pousse, d’où jaillit une lumière, une minuscule enfant, déjà toute habillée. Sa femme la prend pour une poupée. Le premier quart du film est consacré à la petite enfance de Kaguya qui grandit si vite. A peine bébé qui rampe, elle se met à se lever, puis à jouer avec les enfants voisins, enfin à parler. Cela lui vaudra le surnom de « Pousse de Bambou » puisqu’elle grandit aussi vite que l’arbre.

La vie de paysan n’est pas faite pour Pousse de Bambou, estime son père adoptif qui l’appelle Princesse. Il ne veut que son bonheur et ce bonheur passe par l’argent. Il a trouvé des pièces d’or dans le bambou et décide de construire une belle demeure dans la capitale. Pendant ce temps, l’enfant grandit encore, devient l’amie du fougueux Sutemaru. Ils ont faim, ils volent un melon ou chassent un faisan. Couvée par ses parents adoptifs, Pousse de Bambou découvre la rude vie de la famille de Sutermaru. Ses parents fabriquent des bols en bois dont Isao Takahata montre le façonnage du début à la fin.

L’arrivée à la capitale est pour Pousse de Bambou un déchirement. Elle doit non seulement abandonner ses camarades mais en plus on la confie à une préceptrice sévère, Madame Sagami qui vient de la cour impériale. Pour le père de Kaguya, qui a tôt fait de troquer ses habits de forestier pour ceux plus nobles de maître de maison, c’est ainsi que Kaguya doit désormais vivre. Elle devra recevoir les meilleures manières, apprendre à sa farder, à jouer du koto, à peindre des calligraphies. Elle en fait baver à son éducatrice sous l’œil amusé de sa servante, une étrange jeune femme silencieuse et souriante.

L’une des séquences les plus étonnantes du film montre toute la détresse de la jeune femme au milieu de ce panier de crabes. Alors que les prétendants, tous plus laids et prétentieux les uns que les autres, ne cessent de défiler dans le demeure en quête d’un mariage vénal, Kaguya s’enfuit avec violence. Le dessin change passant des traits d’une douceur feutrée à des griffonnages grisâtres et désespérés. Elle retourne, jetant ses kimonos qui deviennent des loques, au village où elle ne reconnait rien et où tous ses amis ont disparu. Même lorsqu’elle rêve de s’enfuir, sa vie continue d’être un cauchemar.

Le film montre un personnage enfermé dans un monde de tristesse que ses parents, sa préceptrice et ses prétendants jugent idéal. Ils se conforment à des règles strictes que Kaguya refuse. La balade qu’elle fait avec sa mère et sa servante pour sentir les fleurs est aussi décevante que son rêve d’évasion. Elle rencontre une dernière fois Sutermaru et constate que son bonheur est derrière elle. Isao Takahata insiste parfois un peu trop sur cette nostalgie, oppose de manière appuyée les deux mondes pour démontrer que la nature est plus belle que les quatre murs d’un palais doré.

Le Conte de la Princesse Kaguya (かぐや姫の物語, Japon, 2014) Un film d’Isao Takahata avec les voix d’Aki Asakura, Kengo Kora, Takeo Chii, Nobuko Miyamoto, Atsuko Takahata, Tomoko Tabata, Tatekawa Shinosuke, Takaya Kamikawa, Hikaru Ijūin, Ryudo Uzaki, Nakamura Shichinosuke, Isao Hashizume, Yukiji Asaoka, Tatsuya Nakadai.

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