mercredi 29 août 2007

Fleur pâle


Muraki, un yakuza revient en ville après trois ans passés en prison. Entre temps, son chef de clan a pactisé avec le chef du clan ennemi, ce que Muraki a du mal a comprendre. Dans un tripot où l’on joue au hanafuda, Muraki rencontre Saeko, femme à la beauté moderne. Avant de se parler, ils se regardent. Ils vont beaucoup jouer d’argent, parfois des sommes colossales. Plus tard, un membre du clan ennemi tente de venger feu son chef, mais rate son coup. Muraki acceptera son doigt en guise de pardon. Puis, un membre influent du clan est abattu, qui va devoir aller le venger ?

A la lecture de ce résumé relativement succinct on imagine ce que aurait pu en tirer Seijun Suzuki dont les scénarios étaient parfois bien moins fournis. Et Fukasaku alors ? Ça aurait un déchaînement de violence, une orgie de bastons, des filles humiliées, des chefs hargneux et des yakuzas féroces. Et bien Shinoda, ça n’est pas ça.

Ce qui frappe le plus dans Fleur pâle, c’est justement cette dédramatisation qui traverse tout le film. Non pas une ambiance feutrée ou une absence d’action qui ne montrerait que les moments en creux, les discussions filmés par des cinéastes incapables de mettre en scène l’action.

D’abord, Fleur pâle se déroule beaucoup dans les maisons de jeu où Muraki se rend. Shinoda n’essaye même pas d’en faire des moments de suspense pour savoir si un joueur malchanceux perd, pour savoir qui gagne. Si suspense il y a, il s’agit en réalité d’une tension entre Muraki et cette mystérieuse jeune femme, Saeko qui, au milieu de cette troupe essentiellement masculine, apporte un goût de sexe aux parties de cartes.

Shinoda subvertit son film de l’intérieur en filmant une histoire de yakuza comme une idylle entre deux adolescents avec son lot de jalousie, de gaminerie, de romance, de sourire niais. C’est sans doute une des plus grandes forces de Fleur pâle et ce qui a pu irriter la censure puisque les yakuza sont montrés sous un jour tout à fait inédit. Pas un tatouage visible en tout cas.

Quelques scènes étonnent comme une poursuite en voitures entre le duo (le couple) et un homme barbu portant casquette. Les voitures roulent vite dans l’avenue vide. Ce barbu est-il un méchant. Pas de dialogue. Saeku l’emporte, elle se fait doubler, le barbu sort de sa voiture hilare et lui tape dans le dos. On n’en saura pas plus. Plus loin dans le film, le chef de clan de Miraku décide de venger un éminent membre du clan. Tous les yakuzas sont réunis. Avant tout ordre, le chef offre de la pastèque à ses hommes, il s’assoie calmement, s’allume une cigarette et cherche l’homme qui aura le moins à perdre à tuer l’ennemi. Alors qu’on s’attend à des propos violents, à des réactions exacerbées, Shinoda va à contre-pied de nos attentes.

Constamment Fleur pâle laisse le spectateur sur une impression un flottement scénaristique. Le personnage de Yo semble à ce titre exemplaire puisqu’on ne sait rien de lui. Les personnages non plus. Il reste assis dans le couloir du tripot à attendre. De clan est-il, qui protège-t-il, que veut-il ? Il est présenté comme un métisse de Hong Kong où il aurait tué des hommes. Mais son mystère reste entièr.

Le film est un bloc d’énigmes symbolisé par une reproduction de la Joconde accrochée dans le bureau du chef de clan. Fleur pâle regorge de plans d’une beauté sidérante. La musique composée par Takemitsu Toru, rare mais puissante entendue essentiellement pendant les scènes de jeu, un mélange de cuivres et de percussions proche du free jazz, apporte beaucoup au ton du film.

Fleur pâle (Japon, 1964) Un film de Masahiro Shinoda avec Ryo Ikebe, Mariko Kaga, Takashi Fujiki, Eijirô Tono, Seiji Miyaguchi

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