Le film de mahjong est un sous-genre du film de jeu, soit le gambling. C’est un genre peu populaire en France étant donné que le mahjong n’est pas un jeu très développé non plus. Fat choi spirit est à mille lieux des Fleurs de Shanghai de Hou Hsiao-hsien (1998), ce qui en soit n’est pas une mauvaise nouvelle, tant le chef d’œuvre du maître souffre de sa préciosité et de maniérisme.
Wai Ka-fai et Johnnie To ne cherchent pas à faire œuvre d’auteur. Fat choi spirit est entièrement consacré à l’idolâtrie des stars qui ont accepté de venir jouer dans le film. En comparaison avec les polars de To et les films ultérieurs en solo de Wai, on serait bien incapables de trouver le moindre lien avec ce Fat choi spirit qui est un film de gambling romantico-comique. C’est finalement cela qui passionne dans le cinéma de Hong Kong, il a beau y avoir un nom aujourd’hui célébré pour son sens de la mise en scène, on ne sait jamais sur quoi on va tomber.
Andy Lau est un maître du mahjong, mais sa gloire est assombrie par sa rupture avec sa famille. Sa mère souffre de la maladie d’Alzheimer (on est loin de Bullets over Summer) et son frère, Louis Koo lui reproche d’être responsable de sa maladie. Gigi Leung ancienne amoureuse d’Andy le poursuit pour qu’ils se remettent ensemble. Cherrie In va escroquer Louis avec sa bande de tricheurs qui a à sa tête Lau Ching-wan et son père Wong Tin-lam (le vieux des Election). Voici donc une demie douzaine de personnages qui vont pendant 90 minutes se tourner autour, se sentir, s’arnaquer, jouer ensemble, jouer les uns contre les autres.
Autant le dire, Fat choi spirit est un film où l’on n’arrête pas de jouer au mahjong, le jeu national chinois. Celui qui en ignorerait les règles risquera de s’ennuyer ferme, car les parties de jeu sont plus nombreuses que les parties de comédies. La comédie est de toute façon entièrement liée à la pratique du mahjong, puisque chaque personnage n’existe que dans sa pratique du jeu. Andy est le maître, Ching-wan est celui qui veut être le maître, Louis ne veut pas jouer.
Fat choi spirit est un pastiche, plus qu’une parodie, de la série lancée et popularisée par Wong Jing des God of gamblers, série à laquelle a participé Andy Lau à ses débuts de star et qui l’a placé au sommet. Le final de Fat choi spirit rappelle ceux de la série quand Stephen Chow, après avoir touché le fond, se refait dans une partie extraordinaire. Ici, le final dure vingt bonnes minutes. Pong, Kong, bambous, nord sud est ouest, dragons, cercles. Il ne faut oublier de réviser les règles du jeu. Fat choi spirit s’amuse aussi à pasticher les films d’arts martiaux. Le mahjong remplace ici le kung-fu. Wai Ka-fai et Johnnie To parodient les Wong Fei-hung en toute fin de film.
Fat choi spirit est un film pourtant assez drôle puisque les acteurs y vont à fond dans leur personnages. Le film est exempt de toute psychologie, ce sont des archétypes qui peuplent le film. La palme revient au Lau Ching-wan et Wong Tin-lam qui se la jouent cool comme dans les films qu’ils ont pu voir et qu’ils imitent. Dégaine de rappeur, bonnet vissé sur la tête, gros collier, Lau Ching-wan sait parfaitement jouer les couillons. L’acteur, après une série de rôles dramatiques marquants, se tourne vers la comédie loufoque (voir ses rôles dans les comédies de Chan Hing-kai) pour ne plus la quitter. Il est bon de partout de toute façon.
Jean Dorel
Fat choi spirit (嚦咕嚦咕新年財, Hong Kong, 2002) Un film de Wai Ka-fai et Johnnie To avec Andy Lau, Gigi Leung, Louis Koo, Cherrie In, Lau Ching-wan, Wong Tin-lam
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