Setsuko s’habille en kimono. Mariko met des jupes. Elles sont sœurs. Elles ont une quinzaine d’années de différence, dans le film comme dans la vie.
Donner à Kinuyo Tanaka, actrice fétiche de Mizoguchi, le prénom de sa propre actrice fétiche est une chose assez amusante. D’autant qu’il choisit de ne jamais la faire sourire. Pas de sourire de Setsuko dans Les Sœurs Munakata en date de 1950 tourné entre Printemps tardif et Eté précoce, tous deux précisément avec Setsuko Hara et son étrange sourire.
Il faut dire que Setsuko a de quoi ne pas rigoler. C’est une femme qui sait tout. Son passé est derrière elle. Elle a aimé avec passion un homme, Hiroshi. Cet homme lui aussi vit dans le passé : il est antiquaire. Lors d’un voyage à Kyoto, d’où la famille Munakata vient, elle ne prend pas le temps d’aller lui rendre visite. C’est sa petite sœur, Mariko (qui elle non seulement sourit beaucoup mais aussi tire la langue) qui va le voir et qui tombe sous son charme.
Setsuko est mariée, elle. Mal mariée sans doute. Son présent est morne, monotone. Son mari est alcoolique, cynique, peu aimant et encore moins aimable. Elle travaille dans un bar nommé Acacia, un arbre increvable comme le cactus. Les affaires marchent mal pourtant. Le propriétaire réclame de l’argent, qu’elle n’a pas. Pas de quoi sourire Setsuko.
Elle connaît aussi son avenir. Le film commence par le cours d’un professeur qui parle du cancer. Il dira à Setsuko que son mari en a pour un an à tout casser. Elle attendra donc la mort de son mari.
L’ambiance dans Les Sœurs Munakata est passablement morbide et pourtant il y règne parfois une atmosphère légère très déconcertante. Dans ce cours sur le cancer, les étudiants rigolent en entendant les malheurs engendrés par la maladie. Dès le début du film, on ne sait pas sur quel pied danser. En revanche, quand les sœurs s’engueulent, Ozu y va franco, en champ contrechamp brutal où on ne voit que leurs visages se balancer deux, trois horreurs.
Entre les deux sœurs, du fait entre autres de leurs âges, c’est un mur d’incompréhension qui s’érige. Mariko veut vivre de manière moderne. Mais pour sa sœur aînée, la modernité se démode. Un jour la jupe est courte, le lendemain elle est longue. Il est vrai que Mariko ne vit que dans le temps présent alors que Setsuko vit dans les trois temps.
Ozu ne détermine pas la gagnante de se combat sur le temps autrement que par la mise en scène en ponctuant son film de trois travellings. Le premier suit les deux sœurs dans un mouvement de gauche à droite, soit vers le passé. Mais une fois la mort annoncée du mari arrivée, Setsuko retrouve le sourire. Débarrassée de son passé, elle peut aller de l’avenir. Travelling de droite à gauche, le sens de la lecture d’un livre qu’elle peut à nouveau écrire.
Les Sœurs Munakata (Japon, 1950) Un film de Yasujiro Ozu avec Kinuyo Tanaka, Hideko Takamine, Sô Yamamura, Ken Uehara, Chishû Ryû
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