vendredi 10 août 2007

Working class


En 1985, Tsui Hark tourne une comédie où il se donne un des rôles principaux. Tsui Hark, Sam Hui et Teddy Robin forment un trio de pitres dans Working class. Tsui Hark décide de jouer dans son film (et pas une simple apparition comme dans Zu, les guerriers de la montagne magique) et s'entoure de Sam Hui et de Teddy Robin. Sam Hui était l'acteur principal de la franchise lancée par Eric Tsang, Mad mission. Tsui Hark en avait tourné la troisième mouture : un énorme succès. Sam Hui était à cette époque une immense star, le seul acteur comique à rivaliser sur son propre terrain avec Jackie Chan. La ressemblance entre les deux acteurs est d'ailleurs frappante dans ce film. Teddy Robin est, au contraire de Sam Hui, loin d'être un beau gosse. Petit, à la voix nasillarde, il avait tourné dans All the wrong clues de Tsui Hark en 1981. Enorme succès pour son personnage de flic retords, il en a même tourné une suite All the wrong spies, où Tsui Hark jouait.

Working class est entièrement dédié à la comédie. Tsui Hark n'était pas novice en la matière, mais avait jusqu'alors mélangé les genres (action, Chine des années 1930, wu xia pian). Cette fois, seuls les gags comptent. Et ils sont nombreux et de qualité diverse, la plupart hilarants à condition d'aimer la comédie cantonaise, mais ils s'enchaînent avec un si bon rythme qu'on pardonnera les gags les moins fins. Du coup, le titre anglais (la classe ouvrière) semble peu correspondre au contenu du film. La traduction littérale du titre cantonais est " l'empereur du boulot ".

Sunny (Tsui Hark) et Hing (Teddy Robin) sont deux amis. Avant ou après le travail (et parfois même pendant) ils aiment jouer au foot. Ce jour-là, Yam (Sam Hui) les humilie au match. L'équipe de Yam bat l'autre et en plus, il joue en fanfaron. Faut dire que Sam Hui est censé être le beau gosse romantique du film : il joue torse nu au foot pour impressionner les filles. Chacun va à son travail mais tous se font vite virer après avoir détruit consciencieusement les camionnettes de leurs patrons. Gros gags à base de tôles froissées avec au milieu un pauvre flic qui verra sa moto détruite trois fois au cours du film.

Chômeurs, ils rentrent chez eux. Sunny invite Hing chez lui. La copine de Sunny prend une douche et Hing veut pisser. Gros gag où la copine sort de la douche devant les yeux ébahis de Hing. Portes qui claquent, engueulades entre les amoureux, pur théâtre de boulevard. On trouvait une scène similaire dans Shanghai blues. Yam, lui, est célibataire et vit avec maman. La maman en question adore se mêler de la vie de son grand garçon. Elle donne des cours d'aérobic culinaire à d'autres mamans, qui sont toutes fascinées par le sex appeal du fiston. Elles viennent bien évidemment aux cours d'aérobic pour mater Yam. Gag de décalage où les mémés font des trucs de jeunes.

Lors un cours de boxe, Yam croise le regard de la belle Amy (Joey Wong, qui illuminera plus tard Green snake et les Histoires de fantômes chinois). Coup de foudre ! Par pure mesquinerie, je fais remarquer qu'à l'époque Sam Hui avait 37 ans et Joey Wong à peine 19. Ils tombent amoureux, bien entendu. Seulement voilà, Amy est la fille d'un patron et Yam, pour une raison vague, refuse de sortir avec une fille riche. Elle se fera passer pour une fille de classe moyenne, prendra le bus avec Yam, tandis que son chauffeur la suivra dans la Rolls. Autre problème, les trois compères se font embaucher dans l'usine de nouilles du papa de Amy. Ils ne savent pas, mais c'est elle qui les sauvera d'un renvoi certain.

L'essentiel de Working class se déroulera dans l'usine. Et dans une usine qui fabrique des nouilles, il y a forcément de la farine et qui dit farine dit gueule enfarinée. C'est ce qui arrivera au manager (Ng Man-tat, l'acolyte favori de Stephen Chow, ici dans un de ses premiers rôles) qui cherchera à se venger en manipulant le pauvre Teddy. Dans l'usine, il y a aussi la secrétaire idiote qui oublie de payer les factures d'électricité, une vieille folle qui chante de l'opéra, des serpillières qui volent, du travestissement, des coups de pied au cul et d'autres choses destinées à faire rire le spectateur qui a envie de rire. C'est un festival ininterrompu de gags, un sorte d'hommage aux frères Marx, ou plus simplement aux frères Hui qui ont été les champions de la comédie cantonaise quelques années auparavant.

Et Tsui Hark là dedans ? Peut-on reconnaître son style, sa fulgurance, son génie ? Probablement pas du strict point de vue esthétique. En revanche, on y retrouve ses idées sur l'amitié indéfectible, son romantisme, son défi de l'autorité et surtout, comme toujours, il ose tout, y compris ce qui est de mauvais goût. Il faut écouter la chanson de Sam Hui sur un air largement volé à She works hard for the money de Donna Summer. Tout le monde a l'air de bien s'amuser, surtout Tsui Hark qui se donne un rôle de raté mémorable. Tsui Hark fera mieux plus tard, mais c'est déjà beaucoup.

Working class (打工皇帝, Hong Kong, 1985) Une comédie sociale de Tsui Hark avec Teddy Robin, Sam Hui, Tsui Hark, Ng Man-tat, Kwan Hoi-shan

Aucun commentaire: