samedi 25 août 2007

The Lovers


Cela faisait maintenant dix ans que Tsui Hark est le roi de Hong Kong. La Film Workshop règne allégrement sur le box office local. Et depuis 1989, année où il s'est remis à réaliser des films, et non plus simplement à produire ceux des autres, Tsui Hark est le cinéaste le plus rentable et le plus productif, avec une moyenne de trois films par an. Juste après les trois premiers Il était une fois en Chine, il vient de se fâcher avec Jet Li, qui est allé voir chez l'ennemi Wong Jing s'il n'y avait pas des rôles pour lui. Et Jet Li a repris son personnage de Wong Fei-hung dans Claws of steel.

La conséquence logique de cette fâcherie entre l'acteur et son Pygmalion est que Tsui Hark change totalement son fusil d'épaule et regarde dans une tout autre direction. Pour remplacer Jet Li dans Il était une fois en Chine IV, il engage un jeune acteur de 19 ans, Chiu Man-cheuk et confie la réalisation à un tâcheron dont il sera certain qu'il ne le dépassera pas en talent. Tsui Hark se réserve The Lovers où il engage deux inconnus dont il espère qu'ils deviendront des stars, comme en son temps Brigitte Lin et plus tard Jet Li. Ces inconnus sont Charlie Young et Nicky Wu.

The Lovers est l'adaptation d'un opéra chinois très populaire qui raconte les amours impossibles entre deux jeunes tourtereaux. Pak (Nicky Wu), un garçon d'origine très modeste qui espère, grâce aux études qu'il suit, se hisser dans la société. Et Ying-toi (Charlie Young) une jeune fille espiègle qui n'en fait qu'à sa tête. Pak et Ying se rencontreront au collège Seung-yee pour garçons. Pour cela Ying aura dû se travestir et se faire passer pour un garçon, y compris aux yeux de Pak.

Mais revenons au début du film. The Lovers se déroule dans une lointaine époque de la Dynastie Jin Orientale. Le Clan Leung est une famille aisée qui attend avec effervescence le retour du maître des lieux. Ying-toi est la fille de la famille. On évoque son mariage, mais elle, elle espère épouser quelqu'un qu'elle aime. Ying est indisciplinée, elle marche comme un garçon : on l'oblige à marcher comme une fille. Elle est nulle à l'école mais fait rire tout le monde au grand dam de son père. Sa mère décide de l'envoyer au collège où elle-même était allée jeune. Ying devra cacher qu'elle est une fille. Seule la directrice sera au courant.
Pak est d'origine modeste. Il ne jouit pas des mêmes privilèges que ses camarades d'études : il est souvent au fond de la classe, donc entend moins bien son professeur et surtout, il est obligé de travailler pour payer ses études. En l'occurrence, il sonne la cloche. Ce geste deviendra leur signe de reconnaissance. Pak fait de son mieux pour apprendre à jouer de la lyre, mais il n'y met pas de sentiment. Là est une des idées majeures du cinéma de Tsui Hark de cette période, celui de donner à la musique l'expression des sentiments des personnages. Il avait déjà expérimenté cette idée dans Swordsman II de Ching Siu-tung et dans Green snake. Dès que Pak tombera amoureux de Ying, il arrivera à jouer de la lyre avec son cœur.

Comme dans bon nombre de ses films, c'est le personnage féminin qui dirige la fiction. The Lovers n'échappe pas à cette règle. De la terroriste garçon-manqué de L'Enfer des armes, aux rôles de Brigitte Lin dans Zu les guerriers de la montagne magique, Pékin Opera Blues et les deux derniers Swordsman (produits par Tsui Hark) en passant par le personnage de Rosamund Kwan dans les Il était une fois en Chine, les femmes ont des rapports conflictuels avec les hommes. Elles se comportent comme des hommes et sont souvent porteuses de modernité. Dans The Lovers Ying-tai veut choisir son époux. Ce qui n'est pas du goût de ses parents (interprétés par les vétérans Carrie Ng et Elvis Tsui) qui refusent Pak et veulent la marier à un homme riche.

Pak est de caste inférieure et Ying fille de chef de clan. L'amour entre deux classes aussi opposées est impossible. Et hier comme maintenant. Il semble plus facile pour la société d'admettre l'amour entre deux personnes du même sexe par ailleurs. Quand Ying se travestissait en garçon, Pak était troublé de ce sentiment " douteux ", comme il le dit, et Tsui Hark en faisait quelques gags plutôt jolis dans la bibliothèque où les deux étudiants doivent dormir tous les deux. Mais peu importe, Pak tombe amoureux de ce garçon. L'amour reconnaîtra les siens dit Tsui Hark décidemment très romantique. Tout semble aller pour le mieux quand il se rend compte que Ying est une fille, mais les parents veillent à leur malheur.

Le style de Tsui Hark n'a jamais paru aussi fluide, aérien et souverain de lui-même. Le début du film est gracieux comme tout : beauté des images dans un mariage adéquat avec la musique et des mouvements de caméra souples. Du coup, le final de The Lovers n'en deviendra que plus poignant. Voir Ying se remémorer le mouvement qu'avait Pak de sonner la cloche tandis que ses parents la séquestrent émeut jusqu'aux larmes. Ah ! Cette scène de l'orage !

The Lovers est un des films les plus réussis de Tsui Hark. Il tentera de réitérer l'expérience avec ses deux acteurs Charlie Yeung et Nicky Wu avec Dans la nuit des temps sans arriver à autant émouvoir.

The Lovers (梁祝, Hong Kong, 1994) Un film de Tsui Hark avec Charlie Young, Nicky Wu, Carrie Ng, Lau Shun, Elvis Tsui, Suen Hing, Linda Lau.

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