Autant le dire tout de suite, Opération Condor est un film exceptionnel. Peut-être le meilleur film de Jackie Chan. On a l’impression en le regardant qu’il a déposé tout son savoir faire dans ce qui reste à ce jour son ultime film en tant que réalisateur.
On pourrait discuter de cela longuement puisqu’on sait qu’à Hong Kong que les stars prestigieuses décident de tout sur un film. Stanley Tong et Benny Chan, tâcherons au service de Jackie Chan, en savent quelque chose.
La qualité de Opération Condor dépasse, et de loin, celle de Mister Dynamite dont il reprend le personnage d’Indiana Jones chinois, en vérité un pilleur de trésors. Ici, il est appelé par les services secrets pour récupérer l’or nazi caché dans une base souterraine dans un pays du Sahara (le film a été cette fois tourné en Espagne).
Pour faire cette mission impossible, Jackie va être entouré de trois femmes. Disons plutôt qu’elles vont être de vrais pots de colle et s’accrocher aux basques de notre héros. Pour notre plus grand plaisir. Pas fou, Jackie et ses producteurs pour encore élargir son public déjà énorme au début des années 1990, engage une actrice japonaise (Shoko Ikeda), une chinoise (Carol Cheng) et une actrice qui jouera le rôle d’une Allemande (Eva Cobo de Garcia, look de Madonna période
Le scénario ne prend pas beaucoup de peine pour faire se rencontrer les quatre personnages qui vont aller à la recherche de l’or nazie.
Bien entendu, quelques détails sexy vont pimenter les rapports entre les trois femmes et notre homme forcément célibataire. Et c’est en cela que Opération Condor réussit là où Mister Dynamite avait en partie échoué. En supprimant le personnage buddy et par là même tout romantisme de pacotille, Jackie Chan met sur un même niveau les parties d’action pure et celles dramatiques.
Mieux que cela, il utilise constamment le sex appeal de ses actrices pour provoquer l’action. Ainsi, il suffit d’enlever la serviette d’une fille dénudée pour troubler les ennemis, quitte à faire dans le léger lourdingue.
Ainsi, il y a certaines séquences qui marchent à merveille dans ce registre, comme celle dans l’hôtel arabe où les portes claquent. Jackie Chan avait déjà travailler cet humour dans Le Marin des Mers de Chine, mais en restant sur un mode Lubitsch (l’action et les coups de pied au cul, bref le burlesque, n’arrivaient qu’en fin de séquence). Ici, il y va à fond les ballons. Il fait d’abord se détester les filles entre elles, puis l’adversité viendra de deux bandits arabes (très caricaturaux) qui auront fouillé les chambres (ça rappelle une séquence d’un Indiana Jones), adversité qui fera s’unir les filles.
Dans cette séquence, l’humour vient de tous les côtés : de la crainte des filles, de la bêtise des méchants, de la gentillesse de Jackie, des mouvements d’action. L’humour y est parfois grivois comme dans la scène du préservatif. Les gags s’enchaînent afin d’atteindre un sommet d’humour pour finir avec l’explosion finale. L’inventivité de cette séquence est telle qu’elle mériterait de figurer dans une anthologie.
Combiner l’action et l’humour consiste dans Opération Condor à combiner les actions et les humours. Pour ne pas tomber dans le systématisme et la monotonie, il faut avoir plus que du savoir faire, c’est désormais une question de génie. Jackie Chan est bien sûr toujours un héros bondissant. Seulement voilà, pour bondir, il faut avoir les jambes libres et les pieds sur terre, ce qui arrive rarement avec les filles. Elles se collent à lui, le serrent (la magnifique scène des gourdes d’eau), l’empêchent tout simplement de tenir debout.
Dans Mister Dynamite, les amazones lui foutaient juste un coup de pied dans les boules. Ici, c’est beaucoup plus subtil, comme le montre le morceau de bravoure d’action dans la soufflerie où les filles sont incapables d’arrêter le souffle. Jackie Chan vole et devient « Superman » comme il le dit lui-même. Il comprendra que sa position de mâle dominant n’existe que parce que les filles sont en dessous de tout.
Du coup, on a l’impression étrange de voir un film sur les rapports entre les hommes et les femmes plus qu’un film d’action classique. Ça n’a l’air de rien, mais cela explique pourquoi ces films-là de Jackie Chan se laissent encore regarder aujourd’hui.
Jean Dorel
Opération Condor (Armour of God II, 飛鷹計劃, Hong Kong, 1991) Un film de Jackie Chan
PS : le DVD Metropolitan propose une version française dont les dialogues sont différents des sous titres de
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