Bonne idée de faire découvrir ce Juliet in love de Wilson Yip. Francis Ng et Sandra Ng y sont formidables, géniaux, touchants. Le film est très beau. Juliet in love est sorti en février 2000 à Hong Kong, sans faire grand bruit. Sa sortie par chez nous est donc une heureuse surprise.
Judy (Sandra Ng) travaille à l’accueil d’un grand restaurant. Elle vit avec son grand-père dans un petit cabanon au fin fonds des nouveaux territoires. On pense à certains films japonais avec ces trains qui passent devant chez elle. Atteinte d’un cancer du sein, son mari l’a abandonnée.
Jordan (Francis Ng) est un glandeur. Il joue aux courses avec son meilleur ami. Cheveux rasés, éternellement vêtu d’un blouson orange, il se fait arrogant quand Judy lui annonce qu’il doit attendre qu’une place se libère. Il se fait passer pour M. Cheng (Simon Yam), un membre de triades.
Voilà comment se rencontrent Judy et Jordan, deux ratés de la vie qui n’attendent qu’une seule chose : en finir. Or, tout est affaire de hasard dans Juliet in love. Leur rencontre tout d’abord, puis ce qui va les rapprocher. Ce sera le bébé de M. Cheng qu’il a eu avec sa maîtresse, une Chinoise du continent. L’épouse de Cheng ne l’entend pas de cette oreille et plante un coup de couteau dans le bas ventre de son époux. La prochaine fois, ce sera entre les jambes dit-elle.
Cheng va à l’hôpital. Il y rencontre Judy venu prendre soin de son grand-père victime d’un accident de voiture. S’y trouve aussi Jordan blessé à la tête par un homme de main de Cheng (Lam Suet). Cheng demande au duo de dépressifs de s’occuper du bébé. Il a peur que sa femme le tue.
Wilson Yip n’a pas son pareil pour diriger ses acteurs. Les deux Ng sont bouleversants. Ils parviennent en quelques gestes, avec de simples regards à montrer tout le désespoir qu’ils vivent. Le bébé dont ils ont la charge n’est là que pour rappeler combien leur vie est vide. Mais ce désespoir passe dans Juliet in love par des petites touches d’humour grinçant.
Jamais le film ne tombe dans l’atermoiement, au contraire les mésaventures de nos deux anti-héros poussent vers un étrange sentiment de plénitude, comme si l’on savait que seule la mort les sauvera. L’idylle amorcée entre Judy et Jordan n’est qu’un leurre qu’en aucun cas Wilson Yip ne montre de manière fallacieuse.
Ce sont les moments de creux qui sont décrits. Comme dans Bullets over Summer ou The Mission de Johnnie To. L’attente est la maître mot des personnages : au restaurant (Jordan attend qu’un table se libère puis le retour de Cheng), dans une cantine (le comparse de Jordan l’attend avec l’argent de leur dette tandis que les autres mangent), chez Judy (l’une et l’autre prennent à tour de rôle la garde du bébé), pour avoir son permis (Eric Kot, qui apprend la conduite à Judy, est secrètement amoureux d’elle). Le cadrage est très sobre, les acteurs souvent filmés en plan d’ensemble dans des plans séquences.
Un beau film sur la solitude.
Juliet in love (朱麗葉與梁山伯, Hong Kong, 2000) Un film de Wilson Yip avec Francis Ng, Sandra Ng, Simon Yam, Lam Suet, Eric Kot, Tats Lau
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire