dimanche 28 octobre 2007

Leave me alone


Deux jumeaux, Man et Kit, respectivement interprétés par Ekin Cheng et Ekin Cheng, dixit le générique inaugural avec une certaine ironie, vont vivre entre la Thaïlande et Hong Kong des aventures où ils se trouvent plongés bien malgré eux.
Les frères Pang travaillent parfois en solo. En 2004, on a pu voir Ab-normal beauty d'Oxide et ce Leave me alone tourné par Danny, comédie sur la gémellité qui plonge dans le film de triade. Les deux films étaient tous les deux sortis en novembre 2004 à Hong Kong à une semaine d'intervalle. C'est un agréable divertissement.
Tout commence à Hong Kong. Kit, qui vit et travaille en Thaïlande, vient voir son frère jumeau Man, qui vit à Hong Kong. L'appartement est cossu, spacieux. Apparemment, les deux frères ne se sont pas retrouvés depuis un certain temps. Danny Pang n'encombre pas le film d'images trafiquées pour montrer Man et Kit dans le même plan. Rapidement la distinction entre les deux personnages se fait. Tout d'abord Man est gay. Et évidemment styliste. Ekin Cheng, qu'on n'a rarement vu très expressif, joue justement de son flegme, pour ne pas surcharger son personnage d'homo. On ne peut que s'en réjouir.
Les jumeaux sont parfaits, et forcément quand Kit a besoin de se déplacer en voiture, il emprunte le permis de conduire de son frère. Pas de chance, Kit a un accident et se retrouve dans le coma à l'hôpital. Man se rend au chevet de son jumeau et ne peut que constater la catastrophe. Il ne révèle pas au personnel soignant qu'il y a eu échange d'identité. Man récupère le portable de Kit qui se met à sonner. A l'autre bout du fil, une jeune femme s'adresse à lui et se plaint qu'il ne soit pas encore rentré en Thaïlande. C'est Jane, la petite amie de Kit. Man lui explique la situation. Jane lui demande de venir à Bangkok pour signer un papier à la banque.
Jane, c'est Charlene Choi. Que dis-je, la géniale Charlene Choi ! Vêtue d'une robe noire ultra courte qu'elle porte sous un imper beige, une paire de lunettes fumées sur le nez, cheveux courts plaqués en arrière, Jane observe, sans mot dire, Man comme une curiosité. Ils ne s'étaient jamais vus. Charlene utilise ses petites mimiques, lui tourne autour pour admirer la ressemblance confondante entre les deux jumeaux. Rassurée, ils filent à la banque signer les papiers pour le prêt. Jane ne donne aucune explication à Man et lui demande de ne répondre que " oui " à toutes les questions du banquier thaïlandais. A la banque, tout commence bien. Man, qui ne parle un mot de thaï, réponde " oui " à quelques questions banales. Mais lorsque le banquier lui demande si cet argent servira à des choses illégales le pauvre Man, avec un sourire idiot, répond " oui ". Nouvelle catastrophe, car l'argent devait servir à rembourser un mafieux local, l'irascible King.
Il faut trouver une solution. Cet âne de Man a oublié les clefs de l'appartement de Kit. Jane et Man filent donc chez le papa de Jane. Elle prévient Man que son père déteste Kit. Le père ouvre la porte de sa maison : c'est une sorte de beauf, short, chemise crade sur un vieux marcel, cheveux longs et sales. Il sort les poubelles. Mais Man est styliste et tout au long du film, il va conseiller le papa d'abord de se faire couper les cheveux (il le fait), puis de mettre des vêtements de couleur (il le fait aussi) et enfin de porter de belles chaussures au lieu de ses habituelles tongs (il s'exécute). Danny Pang prend les clichés de l'homo branché pour les retourner et en faire un fort élément humoristique. Jane dira même à son père à un moment, " vas-y drague-le, il est homo ", et le père, petit sourire en coin, semble apprécier l'idée de sa fille. Le père est joué par Kenny Bee, qu'on avait pu voir récemment dans Shanghai Blues de Tsui Hark. Sa transformation au cours du film est remarquable. Kenny Bee campe un second rôle dont on attend les apparitions avec impatience.
Mais pendant que son jumeau est en Thaïlande pour régler ses problèmes, Kit est resté à Hong Kong cloué au lit. Il se réveille de son coma. Assis à côté de son lit, il découvre Ching-chung (Jan Lamb). C'est le petit ami de Man, aussi mal fagoté que Man est une fashion victim. Il s'avère que Ching est policier. Kit décide donc de jouer le jeu et de continuer d'incarner Man, non sans certaines réactions épidermiques quand Ching veut soigner son amoureux. Ching ne se rend pas compte de la supercherie. Il tente au contraire d'expliquer son désarroi face à l'égoïsme de Man qu'il ressent dans sa vie de couple. Dans une jolie séquence alternée, Jane décrit, elle aussi, son amertume qu'elle éprouve dans sa propre vie de couple avec Kit. Les jumeaux, que l'un soit gay et l'autre hétéro, sont tout à fait semblables.
Mais King le mafieux veille pour faire vivre un enfer à Jane et son mec. King est l'exemple typique du mafieux au mauvais goût certain mais hilarant. Sa maison est kitsch à souhait, ses sapes dénotent une constante volonté d'en mettre plein la vue. Sa vulgarité est aussi grande que son arrogance. Et quand Jane et Man, tentant de négocier de la drogue contre de l'argent, tuent Keith, le frère de King, la colère de ce dernier est immense. Et sa vengeance sera plus grande encore. A ce moment du film, Danny Pang délaisse la comédie de mœurs pour aller vers les cieux plus musclés du film d'action avec cascades, gunfights, poursuites en voitures, carambolages et effets pyrotechniques. On a déjà vu tout ça ailleurs, on en est moins satisfait.
Leave me alone s'avère être une fine comédie. Le cinéma de Hong Kong a rarement produit des films où l'homosexualité est aussi décomplexée. Danny Pang en a fait un élément de comédie et non de moquerie. C'est largement suffisant pour conseiller Leave me alone. Et plutôt deux fois qu'une.
Leave me alone (阿孖有難, Hong Kong, 2004) Un film de Danny Pang avec Ekin Cheng, Ekin Cheng, Charlene Choi, Kenny Bee, Jan Lamb, Lawrence Chou

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