lundi 29 octobre 2007

Their private lives



Avant John Woo, Chow Yun-fat n'a pas joué que dans des grands films. En 1978, il trouve son premier grand rôle dans Their private lives, un film de charme qui frôle le bon goût sans jamais tomber dedans.

On connaît Chow Yun-fat pour sa brillante carrière devant la caméra de John Woo : Le Syndicat du crime, The Killer ou A toute épreuve. L'acteur a tourné dans pas mal de bons films, il a reçu le Golden Horse Award du meilleur acteur pour Hong Kong 1941. Il a tourné pour Ann Hui, Johnnie To, Ronnie Yu, Tsui Hark et Ringo Lam. En 1989, il joue pour Wong Jing dans God of gamblers et se retrouve numéro un au box office. Bref, pendant une bonne dizaine d'années, entre 1984 et 1994, Chow Yun-fat est le cinéma de Hong Kong. Certes son départ pour Hollywood a plombé sa carrière, mais son aura est intacte auprès des fans.

Reste que l'on ne connaît pas ses premiers films. Ainsi, un jour un de mes amis bien intentionné m'a offert une copie d'un des premiers films avec Chow Yun-fat. Ce film c'est Their private lives. Il est réalisé par un inconnu, un certain Yueng Kuen. C'est le cinquième film de Chow Yun-fat, selon la filmographie établie par Christophe Genet, et le troisième avec ce réalisateur. On trouvera bien peu de renseignements sur Yueng Kuen. Selon l'imdb, son dernier film date de 1995. Sur Their private lives, seuls les noms de Yueng et celui de Chow sont indiqués.

Personne ne semble l'avoir vu depuis 1978, une époque lointaine où Chow Yun-fat débutait et où le jeune acteur était considéré comme un bellâtre issu de la télévision. C'est donc avec une grande joie que j'espère contribuer à la poursuite de l'édification du mythe à l'heure où Chow Yun-fat renoue avec le cinéma avec trois nouveaux films : l'un sous la caméra de Ann Hui, le deuxième avec Gong Li filmé par Zhang Yimou et le dernier étant le troisième volet de Pirates des Caraïbes. Mais revenons à ce chef d'œuvre du cinéma qu'est Their private lives.

Passé le générique où aucun nom ne nous est connu et où l'on voit que notre acteur se faisait appeler Aman Chow Yun-fat, Their private lives commence avec de doux moments bucoliques sur une musique d'un romantisme extrême. Un couple bien assorti batifole dans la nature. Elle est belle, elle a de longs cheveux et un visage très doux. Lui est gras, a des lunettes qui lui bouffent le visage et sourit comme Benny Hill. Mais, ils s'aiment, ça se voit puisqu'ils se regardent dans les yeux, ils se font des papouilles et lui, il fait des ricochets sur l'eau calme et plate. En vérité, c'était un clip vidéo.

La jeune fille est apprentie comédienne (Angelina Lo). Son mari (Louis Lo Yuen) regarde la télévision et voit le clip. Le mari est gras, a des lunettes qui lui bouffent le visage, mais ne sourit jamais. Il zappe et, sur une autre chaîne, regarde le résultat d'un concours où deux nouveaux présentateurs sont élus. Comme on s'en serait douté, la jeune femme gagne. Car c'est elle l'héroïne du film. Et comme on s'en doutait aussi, le garçon qui gagne est Chow Yun-fat. Ils sont beaux, ils sont jeunes, ils sont dynamiques. Comme ils ont gagné, Siu, la fille fait un gentil bisou sur la joue de Chow, qui lui rend la pareille. Mais, le mari à lunettes est mécontent (on rappelle qu'il ne sourit jamais) et balance sa zappette sur la télé.

Chow Yun-fat est lui aussi marié. On le sait en voyant à chaque plan la photo de mariage sur le mur. Elle a les cheveux courts, avec une coupe qui évoque irrémédiablement notre Mireille Mathieu nationale. C'est une femme riche qui offre à son jeune époux tout ce qu'il faut pour qu'il reste à la maison. Pour leur premier anniversaire de mariage, après avoir soufflé la bougie du gâteau, elle lui donne comme cadeau une voiture. Il est comblé mais ce cadeau va conduire le couple à sa perte. Mais elle ne le sait pas encore.

Jusqu'à présent Chow Yun-fat devait rentrer en taxi après le travail. Après le concours, par exemple, tout le monde boit un pot de bienvenue. Et la fille, pour ne pas se faire draguer par le type au sourire de Benny Hill, préfère partager le taxi avec Chow. Mais après la première émission qu'ils enregistrent (car ce concours était fait pour trouver de nouveaux animateurs télé), elle monte dans la belle voiture neuve. Et qui sait ce qui peut arriver dans une voiture. Les deux jeunes gens comprennent qu'ils se plaisent et qu'ensemble, ils pourraient faire un bout de chemin.

Mais ils sont mariés. Le mari de la fille est jaloux. Il préférerait de toute façon qu'elle reste au foyer. On ne saura jamais quel métier le mari exerce, mais ça doit rapporter parce qu'ils ont une belle maison et une bonne. Il doit être un intello puisqu'il lit Time Magazine. Tandis que Siu lui met ses souliers (c'est ça les femmes soumises), il lui demande d'abandonner sa carrière. Elle ne veut pas. Pour bien accentuer son refus, elle croise les bras et fronce les sourcils. Elle va sans doute se donner à Chow Yun-fat car elle est moderne, elle.

Lors d'une excursion en bateau, Chow caresse le pied de Siu. Discrètement, il lui donne rendez-vous. Ils se retrouvent la nuit tombée et s'embrassent tendrement au son d'un piano si lyrique qu'on le croirait échappé d'un film de Claude Lelouch. Et là c'est le drame ! Le mari de Siu, fou de jalousie, refuse qu'elle remette les pieds au domicile conjugal. Il ne rigole pas le mari. Le sort en est jeté, elle deviendra la dulcinée de Chow Yun-fat dont le sourire illumine chacune de ses apparitions.

Chow voit en chacune des femmes une Siu en puissance. Dans une scène très érotisante, Chow couche avec une femme de petite vertu maquillée comme un camion. Mais, c'est Siu qui l'étreint à ce moment-là. C'est elle qu'il tient dans ses bras. C'est pour elle qu'il a mis ce beau slip rouge qui le rend irrésistiblement sexy. Car Chow Yun-fat est un homme sexy. C'est le George Clooney de Hong Kong. Mais la femme de Chow comprend que quelque chose se passe, que son époux sexy doit avoir une maîtresse et que cette maîtresse ne peut être que Siu. Elle décide d'aller discuter avec sa concurrente, d'autant qu'elles doivent jouer ensemble pour une série télé.

Les deux nouvelles vedettes de la télévision son désormais poursuivies par les paparazzi. Et très vite, on trouve des potins à leur sujet dans les journaux. C'est que l'événement est d'importance. Cela rend fou le mari de Siu qui casse tout dans l'appartement. La femme de Chow conclue avec les paparazzi un arrangement et prennent sur le fait les deux amants. Ils sont découverts nus comme des vers dans une chambre d'hôtel. Ils se font humilier en public. Quelle déveine ! La femme de Chow essaie cependant d'arranger tout, car elle est gentille comme Mireille Mathieu et Siu rentre au bercail chez un mari tout à coup très compréhensif et qui lui pardonne.

Voilà pour l'histoire de ce Their private lives écrit par Liang Li-jen. Le réalisateur Yeung Kuen, quant à lui, a de la suite dans les idées. Il use et abuse du zoom. Il y en a tant qu'on en prend le vertige. Il tente par moment de faire un plan un peu joli : une fleur au premier plan, des reflets sur l'eau, des lumières dans la nuit, des contres plongées, un split screen. Rien ne lui réussit. La musique est sirupeuse et niaise à souhait. Les acteurs font se qu'ils peuvent. On connaît le destin de Chow Yun-fat. Mais qu'ont pu devenir les autres ?

Chow Yun-fat sourit pendant pratiquement tout le film. Il faut dire qu'à l'époque, il était le chéri des jeunes filles et de leurs mamans. Aux antipodes des rôles qu'on lui connaît. C'est aussi pour cette raison que chaque occasion de le mettre torse nu (ou en slip rouge) est bonne. Plusieurs séquences sont dénudées, mais c'est surtout l'actrice qui apparaît dans le plus simple appareil. Le film, bien que montrant des seins et un nu féminin facial intégral, n'a été classé que catégorie II (interdit aux enfants). Et quand les acteurs sont habillés, ce qui leur arrive tout de même, les vêtements rappellent ces merveilleuses années 1970 si dignes et si kitsch.

Their private lives permet de se souvenir que chaque acteur célèbre a eu des débuts. Et qu'ils ont été parfois difficiles. C'est ce que l'on appelle les biographies interdites. Si un jour, un haut lieu saint de la cinéphilie programme une rétrospective sur Chow Yun-fat, peut-être aura-t-on le bonheur de découvrir d'autres fleurons de sa filmographie qui compte plus de soixante dix films. Their private lives irait très bien après la vision de Bullet proof monk. Chow Yun-fat est une star. Il le mérite !

Their private lives (愛慾狂潮, Hong Kong, 1978) Un film de Yeung Kuen avec Chow Yun-fat, Louis Lo, Liu Wing-sun, Chan Choi-lin, David Lo, Angelina Lo.

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