vendredi 12 octobre 2007

La Forêt de Mogari


Les films de la cinéaste Naomi Kawase ne sont pas faciles. Quatre ans après Shara, elle reçoit pour La Forêt de Mogari un prix du Jury au Festival de Cannes 2007. Le moins que l’on puisse dire, c’est que les jurés cannois n’ont pas franchement fait dans la gaudriole cette année. Après 4 mois 3 semaine et 2 jours et avant le mexicain Stellet licht, j’ai vraiment l’impression que ces gens ont envie de défendre la sinistrose ambiante.

Le scénario de La Forêt de Mogari se résume en trois lignes à peine. Machiko (Machiko Ono) se rend dans une maison de retraite pour s’occuper de Monsieur Shigeki (Shigeki Uda). Lors d’un voyage en voiture, Machiko a un accident. Partie chercher de l’aide, Shigeki en profite pour quitter les lieux. Elle le retrouve, il veut aller au milieu de la forêt.

Chacun a un deuil à effectuer. Elle son fils, lui son épouse. Shigeki perd un peu la tête, fait des caprices : certains scènes dans la maison de retraite sont à ce titre assez drôles puisqu’il fait tourner en bourrique le personnel. C’est dans cette idée d’un vieillard qui retombe en enfance que va se lover cette histoire. Machiko va devenir mère à nouveau.

Derrière le deuil, c’est l’idée de la solitude qui recouvre le film. La solitude de la forêt, celle de l’enfance où les peurs primaires. Et il faut avoir un certain culot pour filmer en cinémascope, format horizontal par excellence) des grands arbres (format vertical). Qui plus est en caméra à l’épaule, comme l’était déjà Shara. Cela accentue encore l’étrangeté de cette forêt.

La durée du film est celle de l’action, ou peu s’en faut. L’égarement dans la forêt est donc vu d’un point de vue documentaire avec une volonté de faire entendre plus que de voir. Car petit à petit, la nuit tombe. Mais les sons se font plus présents : craquement, eau des rus, oiseaux. C’est d’autant plus la panique pour Machiko que le vieux têtu ne veut pas renoncer à son périple initiatique, qui évoque la légende du Narayama. Mais sur le mode inversé.

On est tout à fait en droit de trouver ce film bouleversant, d’y voir un récit zen, un grand film sur le deuil. Bref, on peut y voir un grand film extatique et contemplatif. Sans snobisme, on peut aussi le trouver tout à fait conforme à l’idéologie du cinéma d’auteur contemporain, tel que l’envisagent aussi Jia Zhangke, Apichatpong Weerasethakul, Hong Sang-soo. Pour trouver de l’émotion, faut vraiment la vouloir.

La Forêt de Mogari (殯の森, Japon, 2007) Un film de Naomi Kawase avec Machiko Ono et Shigeki Uda

1 commentaire:

Anonyme a dit…

Une critique bien faite ma foi, je suis assez d'accord pour dire qu'il peut avoir l'air d'un film conformiste aujourd'hui à côté de "tropical maladie" etc...il n'y a plus l'effet de surprise, on connait Kawasé. Pour avoir vu quelques documentaires de son cru, j'ose affirmer que son parcours est plutot original ce qui fait d'elle finalement une anti-conformiste.