Peter Chan Ho-sun n'avait pas tourné de film depuis dix ans quand il se lance dans l'aventure Perhaps love. Faire un film chanté et dansé avec de nombreux figurants, des couleurs, de l'amour.
Peter Chan n'est pas un inconnu en France. En tant que réalisateur, on lui doit deux films avec Leslie Cheung (He's a woman she's a man, 1994 et Who's the woman who's the man, 1996) où Leslie était troublé d'aimer un garçon. En 1996, Comrades : almost a love story avec Maggie Cheung et Leon Lai rafle les plus prestigieux Hong Film Awards. Il tente l'aventure américaine en tournant un remake de son film, mais l'échec est énorme et il retourne à Hong Kong. Il se consacre à la production : la série de The Eye des frères Pang puis 3 histoires de l'au-delà et 3 extrêmes. Perhaps love a été son premier film à sortir en France. Le succès public en Asie a été phénoménal. Le film a reçu plusieurs Hong Kong Film Awards.
Le sujet de Perhaps love est banal : un triangle amoureux. Nie Wen (Jackie Cheung) est un réalisateur à succès. Il présente le sujet de son prochain film à la presse avec ses deux acteurs principaux : la jeune Sun Na (Zhou Xun, une actrice chinoise dont c'est le premier rôle) et Lin Jian-dong (le sex symbol Takeshi Kaneshiro). Sun Ma est la petite amie de Nie et son actrice fétiche. Elle est devenue une star dont on peut même voir une immense publicité sur les murs de Shanghai (une manière de faire du placement de produits). Nie Wen est en bout de course, il est en panne d'inspiration. Il explique à la presse que le sujet de son prochain film sera un triangle amoureux. Le film se déroulera dans les années 1930. Xiao-yu (le personnage de Sun Ma) deviendra amnésique. Elle ne reconnaîtra pas son amoureux, ira travailler dans un cirque et le maître de cérémonie tombera amoureux d'elle. Le film de Nie Wen sera une comédie musicale.
Mais ce que ne sait pas le cinéaste, c'est que Jian-dong a connu dix ans auparavant Sun Ma, alors qu'elle avait quinze ans. C'était à Pékin, ils étaient pauvres. Lui rêvait de devenir cinéaste, il deviendra après bien des galères un acteur. Elle est chanteuse dans un cabaret et a les dents longues. Ils tombent amoureux. Elle veut changer de vie et devenir actrice. Un producteur américain lui promet monts et merveilles. Elle se fera avoir. Une fois son premier engagement en poche, elle abandonnera Jian-dong. Leur retrouvaille est glaciale. Sun affirme qu'elle n'est pas la fille que Jian-dong a connue jadis. Perhaps love passe sans cesse de ce passé à Pékin au tournage à Shanghai. Pour compléter le triangle, le réalisateur Nie Wen décide qu'il jouera en personne le maître du cirque.
On le voit, l'idée majeure de Peter Chan Ho-sun est de faire un parallèle entre les deux histoires. Perhaps love sera donc une mise en abyme où les récits s'entrecroisent, où il arrive que Nie Wen regarde des rushes de l'histoire entre Sun et Lin, où les scènes du film dans le film ne sont que des scènes de tournage. On s'y perd un peu à vrai dire, d'autant que le message de Peter Chan Ho-sun n'est pas des plus neufs : où s'arrête la réalité, où commence la fiction ? Eternel sujet qui a donné quelques beaux films de Tous en scène de Vincente Minnelli jusqu'au Mépris de Jean-Luc Godard en passant par King of comedy de Stephen Chow.
Esthétiquement Perhaps love est une splendeur. Peter Chan Ho-sun, en bon producteur, s'est entouré des meilleurs : Peter Pau a photographié les scènes de Shanghai et Christopher Doyle celles de Pékin. Dora Ng a créé des costumes superbes (Zhou Xun a des robes merveilleuses, les tenues des danseurs des ballets sont colorés et luxueux). Peter Kam, Leon Kam et Leon Ko ont composé de belles chansons interprétées avec conviction par les acteurs, elles restent longtemps dans la tête. Peter Wong a joliment reconstitué des décors du Shanghai des années 1930. Bref, le film est un plaisir pour les sens. Mais cela ne suffit pas à satisfaire entièrement le spectateur pour la simple raison que Perhaps love manque d'émotion pure. Perhaps love donne parfois l'impression d'être un Moulin Rouge ! filmé par Wong Kar-wai. C'est étrange !
Les acteurs font tout pourtant pour donner de l'émotion au film, Peter Chan Ho-sun filme en gros plan les visages de ses acteurs pour affirmer leurs sentiments. Mais le ton est constamment mélancolique (en dehors des courtes scènes avec Eric Tsang et Sandra Ng, le film est totalement dépourvu d'humour). Perhaps love n'aurait pu être une belle histoire douce-amère. Telle quelle, elle est très amère.
Perhaps love (如果.愛, Hong Kong, Chine, Corée, 2005) Un film de Peter Chan Ho-sun avec Jacky Cheung, Takeshi Kaneshiro, Zhou Xun, Eric Tsang, Sandra Ng
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