Un
temple Shaolin au milieu d’une forêt est attaqué par une horde de ninjas. La
couleur orange affronte le noir dans un enchevêtrement de plans qui, très
rapidement, deviennent un défi à la capacité de la perception rétinienne. Pour la
première séquence de son premier film, Ching Siu-tung (sans l’aide de Tsui
Hark, il faut le rappeler et le préciser) démarre très fort avec un combat au
montage saccadé en plans serrés où l’on devine les corps plus qu’on ne les
voit. Ces corps traversent l’écran panoramique, défient non seulement les lois
de la gravitation en volant dans les airs, y compris pour décoller du sol
jusqu’au toit (en montant à l’envers le plan) mais également le réalisme. Les
moines Shaolin font exploser littéralement les ninjas.
A
l’extérieur du temple, la tempête, à l’intérieur, le plus grand calme. Le vieil
abbé (Yeung
Chak-lam) mène une prière avec l’un de ses disciples, le sabreur Bo Ching-wan
(Damian Lau) qui ronge son frein de ne pas pouvoir quitter la prière et aller
se battre contre les ninjas. Finalement, il sera libéré par le moine et sortira
défendre le temple. Le deuxième combat de Duel
to the death est plus classique, sabre contre sabre, la caméra captant en
plan d’ensemble, montrant les adversaires de plein pied. Les sabres cliquettent
et les étoffes volettent avec ces sons si particuliers des wu xia pian de Hong Kong. Ching Siu-tung invente un nouveau style à
partir des bases classiques qu’il transforme et modernise.
La suprématie du style d’art martial est
l’argument central de Duel to the death :
le style chinois est-il supérieur au style japonais ? Bo Ching-wan doit
affronter le meilleur sabreur japonais, Hashimoto (Norman Chu). Le duel à mort
qui déterminera le vainqueur aura lieu dans la demeure de Hsia-hou (Paul
Chang), maître de la technique de l’Epée Sacrée, art martial oublié et dépassé
par celui de Shaolin. Traditionnellement, le duel se déroule dans son domaine.
Sa fille, Sheng Nan (Flora Cheung) rêve de pouvoir se battre mais les combats
sont réservés aux hommes. Elle rencontre Bo Ching-wan lors des festivités liées
au duel. Dans un village, elle défend un marionnettiste qui brocarde les
Japonais. A la différence de nombreux wu xia pian et notamment ceux de King Hu
auxquels Ching Siu-tung se réfère, le personnage féminin se veut l’égal de
l’homme et pas seulement son imitation.
Logiquement, le film se place sous le
signe du double. L’ambition est de faire coïncider deux formes, l’une classique
avec un scénario banal autour d’un affrontement entre deux écoles de combat,
chacune allant de son nationalisme et Ching Siu-tung les mettant dos à dos,
l’autre plus avant-gardiste en proposant des images rarement vues et une mise
en scène dynamique, expérimentale et souvent poétique. Les images de ninjas
volant dans la forêt transportant des palanquins, une armée de combattants tels
des oiseaux, les membres du jury du duel tous ligotés dans une cave sombre pris
dans une toile d’araignée, Bo Ching-wan tentant de les sauver et qu’une lumière
se pose sur lui après avoir été placé dans le noir complet. Tous ces éléments créent une atmosphère assez proche du chambara tel que Kenji Misumi a pu
l’aborder dans la série des Baby Cart.
Les deux adversaires se ressemblent
physiquement, les deux acteurs ont des cheveux longs, mais leurs vêtements
s’opposent. Bo est en blanc et Hashimoto est en noir. Au fil du film, le
Japonais va commencer à porter une tunique blanche tandis qu’il se rend compte
que Kenji (Eddy Ko), le moine qui le guide s’avère être un traitre. Hashimoto
refuse l’idée de trahison et veut un combat loyal. Les deux adversaires vont s'apprécier jusqu'à se ressembler. Les deux moines s’opposent
également moralement. La plus belle dualité de personnalité est celle des maîtres
des deux combattants. Celui de Hashimoto est austère, sévère et traditionnel. Il
pratique la magie pour son entrainement. Celui de Bo est jovial et loufoque,
rappelant le personnage de Simon Yuen dans Drunken
master. Avec son perroquet, il glisse de branche en branche tel un singe. C’est
une grande bouffée d’humour qui étonne autant qu’elle ravit dans un film qui se
plait à retourner tous les clichés du wu
xia pian.
Duel
to the death (生死決, Hong Kong, 1982) Un film de
Ching Siu-tung avec Norman Chu, Damian Lau,
Flora Cheung, Paul Chang, Eddy Ko, Yeung Chak-lam, Kwan Yung-moon, Casanova
Wong, Hon Gwok-choi.
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