C’est au milieu de rizières, dans un village de la
campagne que Genpin, documentaire de Naomi Kawase tourné avant Hazenu
l’esprit de la campagne, plonge le spectateur. Des arbres, une vieille
bâtisse, des femmes enceintes. Ces femmes font des flexions, de haut en bas,
300 par jour. Ou encore elles coupent du bois en pliant bien les genoux puis
lançant la hache sur la buche. Elles sont toutes des patientes du Docteur Yoshimura,
obstétricien qui applique des méthodes radicalement différentes des autres
médecins japonais. Naomi Kawase part à sa rencontre et écoute ce qu’il a à dire
sur sa vision de la grossesse, elle fait parler les futures mamans comme des
mères qui ont déjà donné naissance à des enfants. Au début, on pourrait presque
croire qu’on est dans une secte un peu new
age si les mamans ne se sentaient pas aussi bien au sein de cette clinique.
D’ailleurs, il n’est pas immédiatement dit qu’on est dans un centre d’obstétrique.
Comme dans ses fictions récentes (je ne connais pas
ses nombreux documentaires), il s’agit d’un retour à la nature, le thème favori
de la cinéaste. Non pas qu’ils fuient la civilisation, mais comme le dit Yoshimura,
le retour à des méthodes douces pour accoucher existaient déjà à l’ère Edo.
Pourquoi ne pas les remettre à jour ? Il explique qu’aujourd’hui les
médecins ne cherchent que la solution la plus simple et surtout, la plus
rentable pour eux et leur clinique. La caméra, au sol, s’immisce au milieu des
discussions entre les femmes assises qui parlent d’elles et de leurs
expériences. Certaines sont touchantes, d’autres drôles. On apprend que les
fausses couches doivent être menées à terme, on y voit trois accouchements où
les proches (un enfant, un époux) assistent la mère, on y dénonce les
césariennes inutiles et le stress que subissent les femmes dans les cliniques
classiques. Et puis, le travail qu’elles accomplissent jusqu’au dernier jour de
grossesse. Une vieille femme montre comment on bine le jardin, une autre
comment on débite le bois.
Naomi Kawase dit, hors champ, à Yoshiwara qu’il
ressemble au dieu des rizières. Elle est subjuguée par ce vieillard à la barbe
blanche et aux grosses lunettes qui se déplace lentement. Lui se décrit lui-même
comme égocentrique, foutraque et têtu. La seule chose qu’il souhaite ce sont
des beaux bébés japonais. Il annonce qu’il mettra au monde des enfants jusqu’à
sa mort. Les sages-femmes de la clinique le considèrent comme un soliste d’un
orchestre. Elles regrettent cependant qu’il n’écoute jamais leurs conseils et
qu’il n’en fasse qu’à sa tête. Sa fille cinquantenaire, en larmes, ne veut plus
le voir. Elle s’estime abandonnée. Elle affirme qu’il a toujours préféré les
femmes qu’il soignait à sa propre fille. Ce contrepoint évite que Genpin
ne sombre dans la mièvrerie qui plane régulièrement tant la réalisatrice semble
ne pas avoir le moindre recul dans sa volonté de rendre hommage à l’œuvre de
Yoshiwara et ce malgré une mise en scène sophistiquée dans les entretiens – on
entend d’abord les voix en off des interviewées sur des plans de la nature
avant de les voir. Ceci étant, Genpin est l’un des rares films à filmer
aussi librement les femmes et leurs soucis.
Genpin (玄牝 -げんぴん-, Japon, 2010) Un film de Naomi Kawase. Documentaire.
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