Ils
s’appellent Ly Bun Yim, Yvon Hem, Ly You Sreang, c’étaient des
réalisateurs ou producteurs. Ils s’appellent Vichara Dany, Kong Sam Oeun, Couk
Rath, Dy Saveth, c’étaient des acteurs et actrices stars. Le Sommeil d’or revient sur l’âge d’or du cinéma cambodgien, entre
1960 et 1975, avec une gageure monstre : ne pas pouvoir montrer une seule
image des films tournés alors, au nombre de 400, et qui attiraient des milliers
de spectateurs dans les salles obscures. Plus précisément, le film aborde la mémoire de ce cinéma. Pour faire ce voyage dans le temps,
Davy Chou, réalisateur du documentaire, nous embarque dans sa voiture,
débutant son film par un travelling arrière, l’image est montée à l’envers.
Les
intervenants se succèdent devant la caméra. Ly Bun Yim raconte avoir été déçu
par les films qu’il voyait jeune. Après un séjour à Hong Kong, il se sent
capable de faire bien mieux. Il commence à produire et à réaliser des films. Il
fonde sa propre salle de cinéma, la Hemakcheat. Yvon Hem a d’abord été
l’assistant de Marcel Camus sur le tournage de L’Oiseau de paradis en 1962. Il créera son propre studio en le
nommant Oiseau de paradis. Ly You Sreang fera tourner son épouse Chouk Rath qui
s’exilera au début des années 1970 en France. Chouk Rath (tournesol en cambodgien)
deviendra l’une des plus grandes stars du Cambodge.
Dy
Saveth est une actrice vedette (aujourd’hui, elle donne des cours de danse).
Sur le mur de son salon sont collées des dizaines de photos d’elle de cette
époque. Davyd Chou l’emmène sur les lieux du tournage de l’un de ses plus
grands succès. Elle évoque des souvenirs avec des figurants qui avaient tourné avec elle à l’époque. L’un d’eux se rappelle avoir été présent le jour d’une scène où
elle devait être lapidée. Dy Saveth est ravie de pourvoir revivre ces moments.
En revanche, Ly You Sreang est bien plus triste à l’évocation de son film L’Etang sacré où l’acteur Kong Sam Oeun
jouait. Un collectif mémoriel retourne la fameuse scène où l’acteur devait se
baigner nu dans l’étang avant d’en sortir et de séduire la princesse. Ly Bun
Yim s’amuse comme un enfant en narrant les effets spéciaux de son film La Vierge démon.
Aucun
de ces films ne subsiste. Les Khmers rouges à leur arrivée au pouvoir les ont
détruits. Ce qu’il reste de ce cinéma florissant et populaire (les Cambodgiens
allaient en masse dans les salles pendant la guerre civile – 1970-1975 – parce
qu’ils ne pouvaient plus sortir dans les campagnes à cause des combats), ce
sont des chansons. Chaque film comportait des chansons qui sont restées
jusqu’aujourd’hui dans la mémoire collective et qui sont encore entonnées dans
les karaokés. Des salles de cinémas que visite Davy Chou, il ne reste que la
devanture. Le Hemakcheat est occupé par des familles qui s’entassent comme ils
le peuvent. On les voit regarder la télévision.
Et
ce voyage dans le temps ne pouvait pas se faire sans l’évocation de l’arrivée
des Khmers rouges et de leur dictature. Yvon Hem raconte ces années en camp à
la campagne où il devait couper du bois. Il raconte que, lorsque le régime
s’est durci, sa femme et ses enfants ont été déplacés ailleurs. Il ne les a
jamais revus. Le récit de ces années-là par Ly You Sreang est tout aussi
douloureux. Chouk Rath partie en France, il a tenté de la rejoindre avec six
copies de ses films. En vain. Il est parvenu à sortir du Cambodge, à aller au
Viet Nam puis au Laos pour finalement parvenir à s’exiler en France où son
épouse avait refait sa vie. Les regrets sont perceptibles, l’émotion gagne le
spectateur, la douleur est encore ouverte et ce beau documentaire en rend
parfaitement compte et on se prend à rêver de pouvoir un jour découvrir les très rares films qui existent encore.
Le
Sommeil d’or (France – Cambodge, 2011) Un film de Davy Chou avec Dy Saveth, Ly
Bun Yim, Yvon Hem, Ly You Sreang, Sohong Stehlin.
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