Le destin de quatre amis qui espéraient s'enrichir en kidnappant le fils de leur patron.
Lung Wei (Lo Lieh) est un modeste employé d'une station service. Son patron le méprise et l'humilie constamment. Un soir, il drague Ching Chue (Hi Chun), une jeune femme dans une discothèque. Il se fait passer pour un homme fortuné jusqu'à ce que son patron arrive et révèle le pot aux roses. Ching Chue avait pourtant prévenu Lung Wei " no money, no talk ", dit-elle en anglais dans le texte. Déçue d'avoir été séduite par un pauvre, elle abandonne le sympathique Lung Wei à son sort. Ce dernier décide de se venger et de séquestrer le fils de son patron pour lui réclamer une rançon. Il aura ainsi suffisamment d'argent pour plaire à la belle.
Lung Wei demande à trois de ses amis un bon coup de main. Ting Hsiao-chiang (Lam Wai-tu), le plus jeune, est un joueur professionnel (un gambler), il passe sa vie à tenter de gagner des tournois de domino. Niu Ta-kang (Tung Lam) est un chauffeur routier un peu brutal. Sa mère, très âgée, continue de travailler pour subvenir à ses besoins. Cela le remplit de honte. Enfin, dernier de la bande des quatre, Chao Hai-chuan (Fan Mui-sang) est maquilleur corps dans une boîte de strip tease. Marié, il a deux enfants. Ensemble, ils vont manigancer un plan pour kidnapper le gosse de riche. Le fiston du patron, en l'occurrence, a une bonne trentaine d'années.
Les quatre amis préparent leur plan en rigolant, persuadés de leur future réussite. Ils vont enlever le jeune Wang à la sortie d'une boîte de nuit et l'emmèneront plus loin. Pas de chance, Ching Chue est témoin de toute la scène et tente de faire chanter Lung Wei. Il est à deux doigts d'être très riche et la séduit sans mal, ils couchent ensemble et elle tombera enceinte. L'enlèvement ne se déroule pas les gars l'avaient prévu : le fils Wang reconnaît l'employé de son père. Et ça n'est pas parce que le fils meurt qu'ils ne vont pas continuer à demander leur rançon. Ils envoient une oreille au père. Petit à petit, ils tombent dans un engrenage dont ils ne peuvent plus contrôler le court.
Ils décident d'enlever le père. Deuxième kidnapping qui, cette fois, se solde par un succès. Les voilà riches et prêts à vivre la grande vie. D'ailleurs, c'est ce que s'empresse de faire Chiang, le joueur compulsif. Belle veste, briquet et montre en or, pourboire exorbitant. Chiang donne tous les indices à des hommes plus crapuleux que lui, qu'il est dans le coup de cette bande que la presse surnomme les loups. Le patron du tripot en profite pour faire chanter Chiang et ses amis. Un sale coup de pelle sur la nuque et voilà le maître chanteur hors du coup. Nouveau meurtre. Chiang tente alors d'arnaquer ses trois camarades en s'enfuyant avec le fric et va les dénoncer à la police.
Et le film ne s'arrête pas en si bon chemin. On n'en est qu'à la première heure. Dans la seconde partie, la police traque la bande. Les trois tentent de se cacher et se rendent bien compte qu'ils sont dans une impasse. La police les recherche fructueusement et ils sont condamnés à mort par la justice britannique. On ne se permettra de raconter la fin du film (l'affiche la dévoile avec cette corde de pendu), mais pas son déroulement qui ménage avec une redoutable efficacité un suspense haletant lors de la traque. L'angoisse de Lung Wei, Chao et Ta-kang de trouver une solution à leur problème est admirablement rendue. Il est difficile de ne pas se sentir en empathie avec ces personnages, quels que soient leurs crimes, tant la mise en scène de Cheng Kang tend vers cet effet d'identification.
Kidnap est certes un film moral où les vilains sont châtiés. Le scénario est souvent attendu, mais ce qui fait l'intérêt de ce film est la manière du cinéaste de dynamiter son récit (dont il est le scénariste) par certains procédés assez rares dans le cinéma de Hong Kong. L'introduction du film est à ce titre exemplaire. Un plan nocturne de la ville où un carton nous indique que les faits sont purement fictionnels et que toute ressemblance... Peut-être, mais tout dans le film nous dira le contraire, comme ces journaux où les photos des criminels de la bande des loups ne ressemblent pas aux acteurs du film. Cheng Kang donne, dans le même esprit, une dimension réaliste aux poursuites et un aspect très documenté sur les conditions de vie des otages. Cheng filme la solitude des ces gars sans le sou. La promiscuité des logements est clairement décrite comme leur misère sexuelle. Cheng a eu, pour interpréter ses personnages, des stars du studio, mais ils semblent jouer presque sans fioritures. Maquillage discret, vêtements ordinaires. Difficile de ne pas s'immerger dans le film.
Ce qui tranche singulièrement avec les autres productions Shaw Brothers est l'aspect esthétique de Kidnap. Cheng n'hésite pas non plus à filmer des scènes dans une obscurité presque totale (comme le fait aujourd'hui très souvent Johnnie To dans ses polars réalistes tel PTU ou Election). L'image et le cadre sont très travaillés comme dans la scène de présentation des quatre amis où les morcellements du plan décrivent la désintégration progressive des personnages. Kidnap commence par des cris ("K O M A" : aidez-moi, en cantonais) d'un personnage que l'on ne connaît pas encore. Scène inaugurale en noir et blanc qui tend vers le gris, image renversée, comme pour indiquer que, quoi qu'il en soit, tout ira mal. Cette scène, on ne le comprendra qu'une heure vingt minutes plus tard. Mais la chose la plus étonnante dans ce film de Cheng Kang est qu'il soit parlé en cantonais, chose rarissime dans les films produits par les frères Shaw. Comme si un message devait être délivré directement à la population de Hong Kong qui ne parlait pas le mandarin. Le crime ne paie pas, dit en substance Kidnap. Or, c'est le contraire. Le crime paie puisqu'il permet de réussir un chef d'œuvre noir et funèbre d'une force térébrante.
Kidnap (天網,Hong Kong, 1974) Un film de Cheng Kang avec Lo Lieh, Hu Chin, Fan Mei-sheng, Liu Wu-chi, Tung Lin, Lin Wei-tu, Chin Feng, Liu Tan, Wang Lai, Ching Miao, Chiang Nan, Hsia Ping, Chow Kat
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