Film de guerre violent (pléonasme), Eastern condors montre la face cachée de Sammo Hung : son côté obscur et sombre. Un an et demi après Shanghai Express, comédie joviale et bon enfant, Sammo Hung change radicalement de style en tournant Eastern condors. Le film de guerre à Hong Kong n'est pas un genre phare. C'est un pari risqué pour Sammo Hung parce que non seulement il abandonne ce avec quoi il a triomphé depuis une décennie, mais en plus Heroes shed no tears de John Woo sorti quelques mois plus tôt a été un gros échec commercial. Mais après avoir rendu hommage au western, il tente le film de guerre, ou plutôt le film de commando. Puis, il retournera à la comédie d'action avec Dragons forever.
1976, aux Etats-Unis. Un officier américain (Lam Ching-ying) a pour mission d'engager des mercenaires pour neutraliser des armes et des missiles cachés par les Américains dans un entrepôt au Viet Nam. L'Armée US ne veut pas que les communistes puissent utiliser ces armes super puissantes et menaçantes. L'opération s'appelle Eastern condors et les dix mercenaires (dont Sammo Hung) seront choisis parmi des prisonniers de droit commun (trafic de drogue, meurtre, rackett). En route pour le Viet Nam où ils seront parachutés au dessus de la forêt vierge. Au dernier moment la mission est annulée. Seulement voilà, tout les anciens prisonniers à qui les Etats-Unis ont promis et la liberté et de l'argent ont déjà tous sauté de l'avion. Commence alors leur quête vers les missiles, car ils ignoreront pendant tout le film que la mission est annulée.
Shanghai Express était un film choral, Eastern condors sera un film de groupe avec toujours un macguffin purement scénaristique. L'enjeu du film est plus simple : qui va survivre à la mission. Les dix mercenaires plus l'officier (les onze salopards) vont être accueillis par trois Cambodgiennes membres de la guerrillera anti-communiste. Elles luttent contre une éventuelle invasion vietnamienne. On est déjà à quatorze personnages. Puis, arrive Yuen Biao (affublé d'une mèche de cheveux digne de Super Résistant) et son père adoptif. Nous voilà à seize. Et pourtant Sammo Hung réussit le miracle de personnaliser chacun de ses personnages.
Le scénario repose sur un mode très simple : le groupe avance vers la base de missiles, l'ennemi arrive, le groupe se bat contre l'ennemi, quelques membres du groupe disparaissent dans le combat, les mercenaires continuent leur route. Le tout est répété une demi-douzaine de fois jusqu'au final où Yuen Wah, en chef vicieux des Viet Congs, donnera sa tannée aux derniers survivants. Moment de bravoure où l'acteur est habillé en col Mao, fines lunettes cerclées, tenant toujours un éventail et s'essuyant la sueur d'un mouchoir blanc. C'est une belle composition de méchant cruel. Pour les scènes d'action, Sammo Hung n'y va pas avec le dos de la cuiller. Pour être violent, c'est violent. On y tue à la pelle, on torture, on y coupe des bras. Une scène est particulièrement difficile : celle des enfants soldats qui jouent à la roulette russe dans un hommage décalé au film de Michael Cimino.
Mais au-delà du film de guerre du Viet Nam, Eastern condors est un film volontiers anti-communiste qui évoque crûment les conflits qui ont eu lieu depuis la fin de la guerre du Viet Nam. Il stigmatise par exemple la folie khmère rouge responsable de la mort de trois millions de Cambodgiens. Il renvoie dos à dos, l'irresponsabilité américaine qui laisse des tonnes de bombes et les Vietnamiens qu'il montre toujours incompétents et stupides. Sammo Hung n'a pas été vu autrement qu'un auteur moralement douteux. L'est-il plus que Samuel Fuller et ses films de guerre ? L'est-il plus que Sam Peckinpah à qui il rend hommage avec ses ralentis ? L'est-il plus que Tsui Hark dont on connaît les penchants nationalistes ? Non, Sammo Hung est un grand cinéaste. Tout simplement, un homme pour qui tout mouvement est cinématographique.
Eastern Condors (東方禿鷹, Hong Kong, 1986) Un film de Sammo Hung avec Sammo Hung, Yuen Biao, Lam Ching-ying, Melvin Wong, Charlie Chin, Yuen Woo-ping, Billy Lau, Corey Yuen, Yuen Wah.
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