Il arrive que certains films soient intéressants non pas pour eux-mêmes, pour ce qu’ils contiennent de scénario, de mise en scène, d’interprétation, mais parce qu’ils évoquent d’autres films particulièrement aimés et, d’évidence, considérés par chacun comme des chefs d’œuvre.
Buddha’s palm fait partie de ces films-là, oubliés jusqu’à ce qu’on les retrouve au fond d’un magasin d’occasion et qu’à l’occasion de quelques textes sur la Shaw Brothers , on se laisse tenter parce que sur la jaquette il y a le nom de Derek Yee, qui avant de réaliser quelques bons films, fit l’acteur pour les frères Shaw.
L’histoire du film est celle de Long Jianfei (Derek Yee) qui est défiguré après un combat pour une femme. Le visage plein de cicatrices (des morceaux de caoutchouc scotchés), il part se suicider et est sauvé par « Gros Béta » (dixit les sous-titres français), une sorte de dragon court sur pattes. On imagine les deux pauvres gars qui durent le temps du tournage être sous le costume.
Gros Béta amène, en volant, Long chez son maître, un ermite aveugle, le Vieux Démon, qui habite dans une grotte. Ce dernier prend Long sous son aile, en fait son disciple et lui ordonne d’aller chercher l’œuf d’or d’un dragon qui permet de guérir « de mille maux ». Là, il y a des dizaines d’autres disciples venus pour la même raison. Mais, c’est Long qui emporte l’œuf.
Il y croise deux sœurs qui refusent de le reconnaître et qui vont se battre avec lui. Puis au fil des aventures, les ennemis de l’ermite vont vouloir lui faire la peau. Ils y en a quatre avec des surnoms comme on en trouve dans les aventures d’héroic fantasy. Les alliances vont se faire, se défaire, les trahisons arrivent au fur et à mesure qu’un nouveau personnage débarque dans le récit particulièrement fourni.
Car comme dans Zu les guerriers de la montagne magique de Tsui Hark, auquel on ne cesse de penser, le scénario est tordu à souhait, comme si les séquences avaient été mis au hasard. On pense à Zu, mais une chose est sûre, Buddha’s palm est sorti six mois avant. Cela s’appelle du plagiat par anticipation.
Bien que la Shaw Brothers avait déjà pondu quatre aventures de Buddha’s palm au début des années 1960, ce film de Taylor Wong prend ses racines dans une BD populaire et ne s’en cache pas, comme dans cette séquence au début du film avec des dessins mis à plat et des pif, boom, wap.
Plus les décors sont rutilants, meilleur est le film devait penser Taylor Wong. Ici, on bat tant des records de kitsch, de brillance, d’étincellement que cela fait mal aux yeux. Les pré-génériques des Shaw sont rarement sobres, mais là, ça dépasse toutes nos espérances. On dirait presque que les décorateurs ont sorti tous les bijoux en toc accumulés depuis trente ans dans les réserves du studio.
Buddha’s palm propose aussi une abondance assez extrême d’effets spéciaux, notamment des lasers qui sortent des mains de nos héros. On serait bien de mauvaise foi que dire qu’ils sont de moindre qualité que ceux de Zu. Seulement voilà, il y en a beaucoup plus et employés avec moins de grâce et de poésie que par Tsui Hark.
Taylor Wong abuse aussi des mouvements de caméra tournant autour des acteurs, de montage cut, de hachage à l’intérieur d’un plan. Mais tout cela contribue à donner une rapidité à défaut d’un véritable rythme. Il faut bien avouer qu’au bout d’un moment, on n’y comprend plus rien. Mais qui, honnêtement, à tout compris du récit de Zu à sa première vision ?
En revanche, ce qui étonne le plus est peut-être sa bande sonore. D’abord, le film est accompagné d’un narrateur qui n’apparaîtra jamais et qui, en voix off, raconte les aventures de Long sur un ton ironique. A moins que ce ne soit le personnage de Lo Lieh, alias « le sage des îles du levant », le seul personnage comique du film qui arrive toujours après la bataille, en remuant son plumeau vert, et en faignant de s’en plaindre.
Le film joue aussi sur les instruments de musique qui rendent fous certains combattants. Les tambours, les guitares et une cloche. Là, on pense à Crazy kung-fu de Stephen Chow, où des méchants décimaient les artistes martiaux au son des luths. On pense à la cloche dans le restaurant que les propriétaires de la porcherie utilisaient pour combattre l’homme aux sandales. Et enfin, pour tuer ce même homme aux sandales, Stephen Chow combattait avec la paume de Bouddha.
Buddha’s palm reçut un succès limité lors de sa sortie à Hong Kong. Mais qui nous dit qu’il n’a pas marqué son époque et Stephen Chow également alors âgé de vingt ans ? Qui va dire le contraire ?
Buddha’s palm (如來神掌, Hong Kong, 1982) Un film de Taylor Wong avec Derek Yee, Candice Yu, Kara Hui, Alex Man Chi-leung, Mary-Jean Reimer, Shek Kin, Ching Miao, Lo Lieh, Siu Yam-yam.
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